Musidora, première vamp du cinématographe ? : épisode • 13/10 du podcast La Nuit rêvée Didier Blonde (2018)

Musidora, comédienne et réalisatrice française - SeePublic domain via Wikimedia Commons
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L'émission "Ciné club" proposait, en mars 1998, de se pencher sur le destin hors du commun de "Musidora, première vamp et dixième muse" la comédienne mythique des films de Feuillade, qui fut également réalisatrice et historienne de son art naissant, le cinématographe (1ère diffusion : 11/03/1998).

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Musidora  première vamp du cinématographe ? Oui mais pas seulement. En  surgissant sur la toile blanche du Gaumont-Palace, le 4 décembre 1915, dans le 3ème épisode du ciné-feuilleton des_Vampires_ de Louis  Feuillade, vêtue de son seul maillot de soie noire, la tête dissimulée  sous une cagoule dessinée par Paul Poiret, Musidora-Irma Vep se posait en ange exterminateur. 

A la jeunesse française, hébétéepar l'horreur et l'inutilité de la guerre, elle tendait un miroir,  invitant chacun à la rejoindre sur les chemins de la révolte et de la  liberté, au coeur de l'imaginaire. D'emblée, de l'ouvrier à  l'intellectuel, tous se reconnurent dans cette créature vengeresse, et  l'inconscient collectif épousa la silhouette de Musidora. Dans son livre Dada à Paris, Michel Sanouillet évoque l'influence capitale de Musidora dans la genèse de Dada et du mouvement surréaliste : 

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Musidora  enseignait le mépris des convenances, l'esprit d'aventure et le mépris de la mort. Mais surtout elle fut la grande initiatrice des choses de  l'amour, la Vénus noire aux yeux troubles de Baudelaire, si "docte en  voluptés" que le surréalisme allait lui emprunter son idée propre de ce  nouvel art d'aimer qu'on ne nommait pas encore l'érotisme. 

Parmi les  admirateurs de Musidora dans les Vampires,  André Breton et Aragon furent les plus ardents. En 1928, quatre ans après la parution du Premier Manifeste du Surréalisme, il lui  écrivirent même une pièce : Le Trésor des Jésuites. De son vrai nom  Jeanne Roques, c'est dans le Fortunio de Théophile Gautier que la jeune comédienne de la troupe du Théâtre Montparnasse trouva son pseudonyme et c'est aux côtés de Colette, meneuse de revue au Bataclan, qu'elle fera ses débuts au music-hall. Remarquée par le cinéaste de Gaumont, Louis Feuillade dans La revue Galante donnée aux Folies-Bergère, Musidora devint la première "vamp" du cinématographe. 

L'émission "Ciné Club" en 1998 avait consacré une thématique à la personnalité complexe de Musidora. Elle ne se contenta pas d'être la vedette favorite de Feuillade dans Les Vampires et Judex, la rivale triomphante sur les écrans français de l'américaine Pearl White, blonde et douce héroïne des Mystères de New York et première star mondiale. Réalisatrice d'une dizaine de films, contemporaine d'Alice Guy et de Germaine Dulac, écrivain, nouvelliste, historienne du cinéma pour Henri Langlois, Musidora a joué un rôle important pour sauvegarder la mémoire du cinéma naissant. Amie de Colette, elle fut à sa manière une féministe avant la lettre. Certaines militantes ne s'y trompèrent pas et  en 1974 le groupe des réalisatrices en colère de "Cinéma en mouvement" décida de donner son nom à l'association qu'elles créèrent. Le mythe de Musidora est bien vivant. 

En 1996, le cinéaste Olivier Assayas tournait Irma Vep  en donnant à l'actrice des films de Hong Kong, Maggie Cheung, le rôle joué par Musidora dans le film de Feuillade. Le couturier Azzedine Alaia coupe ses robes et costumes dans la veine de ses "maillots noirs moulant ses formes d'ivoire" et le Festival "Acteurs à l'écran" de Saint Denis attribue chaque année un prix Musidora  à une jeune actrice. L'héroïne des Vampires reste pour le cinéma contemporain une trace d'une attachante modernité. 

Avec Jacques Champreux, petit-fils de Louis Feuillade ; Claire Clouzot, cinéaste et critique ; Olivier Asayas, cinéaste ; Azzedine Alaia, couturier ;  Madeleine Malthete Méliès, historiennne du cinéma ; Dominique Paini, directeur de la Cinémathèque Française ; Sarah Haxaire et Florence  Loirft, lauréates du prix Musidora de Saint-Denis. Et les voix de Musidora, Marcel Levesque et Alain Resnais.

  • Par Patrick Cazals
  • Réalisation Marie-Christine Clauzet
  • Ciné   club - Musidora, première vamp et dixième muse (1ère diffusion : 11/03/1998)
  • Indexation web : Sandrine England, documentation sonore de Radio France

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