Les mystères de la Vierge Voilée

La "Vierge Voilée" de Giovanni Strazza
La "Vierge Voilée" de Giovanni Strazza
Les mystères de la "Vierge Voilée" de Giovanni Strazza
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Les mystères de la Vierge Voilée

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Cette statue fascine depuis des générations, pourtant on ne sait que peu de chose sur son créateur, Giovanni Strazza. Mais pourquoi suscite-t-elle tant d'admiration ?

La délicatesse de son voile de marbre, la virtuosité de son exécution, son sujet de "vierge voilée"... Cette statue du XIXe siècle suscite un engouement international. Quiconque la voit est fasciné, et ce, depuis des générations. Aujourd’hui, levons le voile sur ses mystères… 

Ce buste taillé dans le marbre vers 1850, est l’œuvre de Giovanni Strazza, un sculpteur lombard d’origine modeste qui n’a eu de cesse de chercher la perfection dans l’imitation du réel.

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Portrait du sculpteur lombard Giovanni Strazza (1818-1875)
Portrait du sculpteur lombard Giovanni Strazza (1818-1875)
© Getty

Il se forme à Milan, une ville alors à l’avant-garde artistique.

Il s’est formé auprès d’un sculpteur qui est Pietro Tenerani qui était l'élève de prédilection de Canova. Donc il fait vraiment partie d’une descendance d’artistes néo-classiques. C’est un style qui se caractérise, comme son nom l’indique, par une récupération de références à l’Antiquité dans le sujet historique, mythologique, mais surtout dans une esthétique qui est celle du marbre blanc. Barbara Musetti, historienne de l’art, spécialiste de la sculpture italienne

Son premier succès, Ismaël abandonné dans le désert (1844-1846), lui permet de gagner assez d’argent pour pouvoir enfin travailler le marbre. Il choisit l'un des plus beaux, celui de Carrare, réputé pour sa blancheur et sa pureté.  

Giovanni Strazza s’installe à Rome et entreprend une série de portraits. En virtuose, il parvient à créer avec le marbre si dur à tailler, une impression de légèreté. Un paradoxe qui révèle un savoir-faire exceptionnel.  

Plan rapproché de "la Vierge voilée" de Giovanni Strazza
Plan rapproché de "la Vierge voilée" de Giovanni Strazza
- John FitzGerald

Il sculpte ainsi "La Vierge Voilée" en réinvestissant l'esthétique antique des bustes, des vestales, des Vénus et des déesses, et en l’adaptant à un sujet chrétien : la Vierge.

Cette ambiguïté, déjà d’identité du sujet, se manifeste également par l’utilisation de ces voiles, de ces effets extraordinaires de tissu presque mouillé qui adhère sur le corps et qui crée un jeu de séduction très fort entre le personnage représenté et le public.             Barbara Musetti, historienne de l’art, spécialiste de la sculpture italienne

Cette ambiguïté, entre ce qui est vu et ce qui est caché confère à la statue une dimension érotique. Elle est renforcée par la maîtrise du drapé, qui en fait une œuvre d’un réalisme impressionnant, au moment même où le mouvement réaliste en est à ses balbutiements. À l’intersection des mouvements néo-classique et réaliste, Giovanni Strazza innove et s'affirme en virtuose.

La "Vierge Voilée" de Giovanni Strazza
La "Vierge Voilée" de Giovanni Strazza
- John FitzGerald

En 1856, un évêque canadien passionné d’art, John T. Mullock considère la statue comme "un bijou d’art et de perfection". Il la ramène depuis Rome pour orner la nouvelle cathédrale de Terre-Neuve. 

Il venait d’ouvrir sa nouvelle cathédrale. Il était déterminé à décorer la cathédrale avec d'importantes œuvres d’art européennes. Il a apporté parmi les plus belles œuvres de vitraux anglais, de sculpture irlandaise et italienne, etc. John FitzGerald, directeur de la fondation de la cathédrale St John

L’œuvre de Strazza est depuis gardée par les sœurs du couvent de la Présentation, et émerveille toujours autant les visiteurs.  

Il existe de nombreuses autres sculptures au drapé similaire, notamment dans la tradition napolitaine. Mais aucune ne suscite autant d’engouement. Peut-être est-ce dû à cette ambivalence entre sérénité et sensualité, qui en fait un chef-d’œuvre dans l’histoire de la sculpture.