Pour les sociétés russes de transport maritime, c’est une excellente nouvelle qui va leur faire gagner des semaines de voyage. Pour la planète, c’est un événement de bien mauvais augure. Pour la première fois, un méthanier a emprunté la voie navigable arctique entre janvier et février, en plein de cœur de l’hiver. Un signe que nos calottes glaciaires, sous l’effet du changement climatique, sont en train de disparaître.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres et rarement on aura vu un communiqué de presse aussi loin des réalités de la planète que celui de Sovcomflot, un opérateur russe de cargo de transport d’énergie. Mi-février, la société s’est réjouie de la réussite du voyage expérimental d’un navire transportant du gaz naturel liquéfié, le Christophe de Margerie (du nom de l’ancien PDG de Total décédé en Russie en 2014), à travers l’Arctique Nord en plein cœur de l’hiver. L’énorme navire a cheminé dans la région polaire à très haute latitude entre janvier et février 2021.
La voie lui a été parfois ouverte par un brise-glace nucléaire russe de Rosatom. Mais, en dehors des passages nécessitant l’aide du brise-glace, jamais le bateau n’a eu à affronter des glaces de plus d’un mètre et demi d’épaisseur. Le voyage entre la Chine et Rotterdam a pris 11 jours et 10 heures par cette voie directe. La voie "normale" aurait demandé deux à trois fois plus de jours en passant par le sud de l’Inde, puis le Canal de Suez et le détroit de Gibraltar avant de rejoindre le Nord de l’Europe.
Un succès pour l’entreprise russe
"Le succès de ce voyage est le résultat de nombreuses années d’efforts constants", écrit Igor Tonkovidov, PDG of Sovcomflot. Il ajoute : "Accroître la période de navigation possible dans l’Arctique (…)  bénéficiera à l’économie russe et l’économie globale". Le vice-Premier ministre russe Yury Trutnev se frotte déjà les mains. "En 2020, près de 33 millions de tonnes de fret ont été transportées le long de la route maritime du Nord, dont plus de 18 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (déjà une multiplication par cinq en cinq années, ndr). Mais en fait, la route peut gérer beaucoup plus que cela". L’objectif est de 80 millions de tonnes de fret par an d’ici 2024.



Sauf que c’est une vision à très court terme. Le passage Nord est normalement praticable uniquement de juillet à fin novembre. Mais ces dernières années, la glace s’amincit de plus en plus tôt. Et nous ne sommes plus loin d’une voie de navigation ouverte tout au long de l’année. Il n’y a pas de signe plus visible du réchauffement de notre planète, dont les effets globaux seront catastrophiques. Ces dernières années, la zone ne cesse d’enregistrer des records de la plus faible surface de mer recouverte par la glace. Celle-ci est actuellement inférieure de 7 % à la moyenne des sept dernières années.
"Les calottes glaciaires suivent maintenant les pires scénarios de réchauffement climatique définis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)", a alerté Thomas Slater, chercheur à l’Institut des sciences et du climat de l’Université de Leeds dans une étude publiée dans la revue scientifique The Cryosphere. Au cours des trois dernières décennies, le Terre a perdu 28 000 milliards de tonnes de glace.
Ludovic Dupin @LudovicDupin

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