PARTI SOCIALISTE - Promu par le président de la République, désigné par Harlem Désir et adopté par le bureau national de son parti, Jean-Christophe Cambadélis a toutes les chances d'être élu premier secrétaire par le parlement du PS qui se réunit ce mardi 15 avril.
Candidat malheureux à cette fonction en 2012, le député de Paris de 62 ans devrait très logiquement réunir la majorité des quelques 300 voix que compte le conseil national du PS, qui regroupe l'ensemble des cadres du parti. "J'ai des raisons de penser, vu le soutien qui lui a été manifesté dans le cadre du Bureau national, qu'il peut être élu", a confirmé à demi-mots ce lundi le porte-parole du PS David Assouline.
Bon orateur, habile manoeuvrier et fin tacticien, Jean-Christophe Cambadélis peut revendiquer un profil de rassembleur, même si sa candidature n'est pas exempte de points faibles. Son élection, si elle est confirmée par les responsables socialistes, intervient après l'exfiltration polémique de son prédécesseur. Et sa condamnation en juin 2006 à six mois de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende dans l'affaire des emplois fictifs de la Mnef ne manquera pas d'alimenter les attaques de l'UMP et du FN.
L'aile gauche désigne Sylvain Mathieu pour affronter "Camba"
Jusqu'à ce mardi 17h, l'ancien strauss-kahnien était le seul candidat déclaré pour succéder à Harlem Désir et tenter de remettre d'aplomb un parti politique écrasé par la déroute des municipales et l'impopularité de l'action menée par le gouvernement.
Mais à l'ouverture du conseil, l'aile gauche du parti a finalement désigné son propre candidat pour lui apporter la contradiction. Selon BFMTV, c'est une personnalité moins connue du grand public, Sylvain Mathieu, premier secrétaire fédéral de la Nievre, qui s'opposera à Jean-Christophe Cambadélis. "Il y a 24 heures, je n'aurais jamais envisagé cela", a-t-il confirmé au Journal du Centre.
Emmanuel Maurel, leader de la motion "Maintenant la gauche" lors du Congrès de Toulouse, avait un temps pressenti. Mais son nom aurait été écarté pour éviter un affrontement politique brutal.
Interrogés par l'AFP à leur arrivée, les représentants des deux courants de l'aile gauche du PS, "Un monde d'avance" et "Maintenant la gauche", ont répété qu'ils présenteraient un candidat face à M. Cambadélis si leur proposition d'organiser un congrès extraordinaire à l'automne n'était pas retenue.
Dans une lettre adressée ce lundi aux adhérents et à la direction du parti, ce courant réclamait que le PS organise "rapidement des Etats généraux des socialistes" à partir de "cahiers de doléances" des militants, puis un congrès extraordinaire.
L'autre aile gauche du parti "Un monde d'avance" (proches de Benoît Hamon) demandait elle aussi "un congrès extraordinaire où les adhérents pourront débattre et voter l'orientation, la stratégie et pour les personnes qui les incarneront". "Si cette perspective n'était pas retenue, nous soutiendrions une candidature alternative à celle de la direction", avait-elle prévenu dans un communiqué signé de plusieurs députés, dont Guillaume Balas, Pascal Cherki et Pouria Amirshahi.
Les militants consultés après les européennes
D'autres socialistes pressent d'ailleurs le futur patron du parti d'aller plus loin encore. Il faut "inventer la prochaine étape du socialisme français", plaide Julien Dray. Cet ancien proche du couple Hollande-Royal propose de lancer les "assises du socialisme" à l'automne débouchant sur "un grand texte refondateur".
Passant outre la mauvaise humeur de ses camarades qui dénoncent l'intrusion de l'Elysée dans les affaires internes du PS, "Camba" fait campagne pour rassurer les siens. "Je souhaite que les militants soient consultés à la fois sur celui ou celle qui sera premier secrétaire et puis sur les grandes questions d'organisation et de rénovation du Parti Socialiste", a-t-il promis la semaine dernière. Une manière de garantir que le "Parti socialiste de combat" qu'il appelle de ses voeux ne tournera pas à l'élimination des partisans d'une ligne critique vis à vis du virage social-libéral entrepris par François Hollande et aujourd'hui incarné par Manuel Valls.
Un vote des adhérents devrait donc intervenir après les élections européennes, en juin ou en septembre, de manière à valider l'élection du nouveau premier secrétaire et l'orientation politique du parti. De quoi faire tenir le PS (et éviter les règlements de compte) jusqu'au prochain congrès programmé en 2015.
Survivre aux européennes et relancer l'union de la gauche
Car, de l'avis de certains de ses ténors, le Parti socialiste a d'autres problèmes plus urgents à régler. A commencer par les élections européennes du 25 mai qui s'annoncent comme une nouvelle débâcle pour le parti majoritaire. La totalité des sondages donnent le PS à un niveau à peine meilleur qu'en 2009 mais en troisième position et loin derrière le Front national et l'UMP.
Le conseil national de ce mardi doit d'ailleurs ratifier la décision prise pour remplacer Harlem Désir comme tête de liste aux élections européennes en Ile-de-France. La question, en négociations depuis jeudi, n'était pas réglée lundi. Certains plaident pour une promotion en tête de liste de la numéro 2, Pervenche Bérès, eurodéputée sortante.
Désigné directeur de la campagne européenne bien avant d'être catapulté à la tête du PS, "Camba" va devoir mener une bataille énergique pour limiter la casse dans les urnes et reconstruire un PS de plus en plus isolé à gauche. Face à "l'émergence d'une troisième force politique installée, dangereuse à notre sens pour la République", l'objectif pour Jean-Christophe Cambadélis sera de "travailler au rassemblement de la gauche", pronostique le sénateur David Assouline.
En bon expert des relations avec le PCF et les écologistes, Jean-Christophe Cambadélis sait d'ores et déjà à quel point cela sera difficile: les écologistes ont les yeux rivés sur les européennes et les régionales. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il n'a pas de mots assez durs pour tacler ses anciens amis "Solfériniens". Bref, tout est à reconstruire.