En quatre petits mots, Christine Derval conclut la consternante histoire qu’elle vient de raconter : « C’est un gâchis. » Cette femme au caractère bien trempé fait partie des protagonistes happés dans la crise interne qui ébranle, depuis de nombreuses années, la CGT à la Mairie de Paris, première organisation syndicale de la collectivité. Une crise violente, profonde où s’entremêlent batailles de pouvoir, conceptions divergentes du syndicalisme et accusations de violences sexistes et sexuelles.
Le 25 janvier, la CGT-Petite enfance, dont Christine Derval était alors la secrétaire générale, a décidé – fait plutôt rare – de se désaffilier, c’est-à-dire d’abandonner son étiquette avec les trois lettres blanches sur fond rouge. Un mois et demi auparavant, le syndicat CGT des personnels administratifs, de la culture et des services (PACS) avait fait un choix identique. Ils seraient ainsi 600 à avoir coupé le lien, sur les quelque 4 000 encartés à la CGT à la Mairie de Paris. « C’est assez dramatique, c’est un affaiblissement de la CGT », commente Benoît Martin, secrétaire général de l’union départementale (UD) cégétiste dans la capitale, en faisant remarquer qu’un peu plus de 80 % des partants sont des femmes.
L’affaire est loin d’être anecdotique : elle rejaillit sur la plus grande fédération de la CGT, celle des services publics, les syndicats CGT à la Ville de Paris dépendant d’elle. L’hémorragie pourrait ne pas s’arrêter là. Le syndicat des agents de la grande maîtrise envisage, lui aussi, de larguer les amarres. « Aujourd’hui, il est très fortement probable qu’il y ait une désaffiliation ou de grands départs mais c’est le congrès [programmé prochainement] qui décidera », explique son leader, Jean Sillet. Le syndicat CGT des eaux s’interroge également et arrêtera bientôt sa position.
Guerre fratricide
Pour retracer la genèse de ces déchirements, il faut, au préalable, rappeler comment est construite la CGT : ses structures sont assises sur des territoires (unions locales, départementales…) et sur des secteurs d’activité (les fédérations). Au dernier étage trône la direction confédérale. Dans cet agencement, l’Union syndicale CGT des services publics parisiens représente une singularité : elle coiffe treize organisations d’agents publics employés par la Mairie de Paris – dont les syndicats petite enfance, PACS, agents de la grande maîtrise et des eaux. C’est en son sein qu’une guerre fratricide a éclaté.
Il vous reste 82.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.