Nalleli Cobo : Comment une fillette de neuf ans s'est battue contre une compagnie pétrolière et a gagné
- Patricia Sulbarán Lovera
- BBC Mundo, Los Angeles
Lorsqu'une communauté latino de Los Angeles a commencé sa lutte contre une compagnie pétrolière qui, selon elle, polluait son quartier, une jeune femme a joué un rôle central.
Nalleli Cobo avait neuf ans lorsqu'elle a commencé à souffrir d'asthme, de saignements de nez et de maux de tête.
Ce fut le début d'une bataille contre un site d'exploitation de puits de pétrole en activité situé devant sa maison à South Los Angeles.
Nalleli et sa mère ont rapidement découvert que certains de leurs voisins tombaient également malades.
La communauté, principalement composée de familles à faibles revenus, a protesté jusqu'à ce que le site soit temporairement fermé.
Cobo ne s'est pas arrêtée là. Rejoints par un groupe de jeunes militants et d'organisations, ils ont poursuivi la ville en justice pour exiger davantage de réglementations dans l'extraction du pétrole. Et ils ont gagné.
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Une procédure pénale contre la société Allenco et sa gestion du site reprendra dans le courant du mois. Ils ont refusé de commenter cette histoire, mais ont déjà déclaré qu'ils avaient investi des capitaux pour se conformer à la réglementation.
Cobo a été comparée à Greta Thunberg, bien que son nom soit reconnu localement depuis plus d'une décennie.
Cobo a cessé ses activités militantes au début de l'année 2020 après avoir été diagnostiquée d'un cancer à l'âge de 19 ans.
Ses médecins ne savent pas ce qui a causé sa maladie.
Après trois opérations et un traitement médical, elle a récemment été déclarée indemne de cancer.
Voici son histoire.
J'ai grandi à University Park, dans le centre-sud de Los Angeles, à 9 mètres en face d'un puits de pétrole appartenant à AllenCo depuis 2009.
J'ai vécu avec ma mère, mes trois frères et sœurs, ma grand-mère, mon arrière grand-père, mon arrière grand-mère. Nous étions huit personnes dans un seul appartement, moi y compris.
Ma mère vient du Mexique et mon père de Colombie. Il a été expulsé hors des Etats-Unis quand j'avais deux ans et ma mère m'a élevée.
En 2010, j'avais neuf ans. Tout d'un coup, j'ai commencé à avoir des maux d'estomac, des nausées.
J'ai eu des spasmes si violents que je ne pouvais pas marcher, ma mère devait me porter.
Je saignais tellement du nez que je devais dormir assise pour ne pas m'étouffer avec mon propre sang la nuit.
J'ai été empoisonnée chez moi par un tueur silencieux.
C'était fou de constater que non seulement ma santé était affectée, mais aussi celle des autres.
Ma mère a eu de l'asthme à 40 ans, ce qui est vraiment rare, ma grand-mère en a eu à 70 ans, ce qui est encore plus rare. Ma sœur avait des problèmes de fibrome, mon frère de l'asthme, tout le monde avait un problème de santé.
Mais il n'y avait pas que ma famille, la plupart de notre communauté était touchée.
Les mères ont commencé à se parler et la rumeur s'est répandue que quelque chose n'allait pas.
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Nous pouvions le sentir dans l'air. Ça sentait les œufs pourris et une fois que l'odeur entrait dans la maison, ça ne s'en allait pas, même si on fermait les fenêtres, si on mettait des ventilateurs et si on mettait des purificateurs d'air dans les traverses des fenêtres.
D'autres fois, ça sentait la goyave ou le chocolat. Il s'agissait d'odeurs artificielles.
Au début, nous avons commencé à chercher si c'était une fuite dans le bâtiment jusqu'à ce que nous trouvions un groupe de toxicologues pour venir parler à notre communauté.
Ils nous ont expliqué que certains produits chimiques sont utilisés pour l'extraction du pétrole et que les émissions peuvent nuire à la santé humaine si l'on y est exposé pendant une longue période.
C'est alors que nous avons fait le lien avec le puits de pétrole de l'autre côté de la rue.
Nous avons donc commencé à nous organiser dans la communauté et avons créé la campagne "People Not Pozos" (Des gens pas des puits "pozos" signifie puits de pétrole en espagnol).
Nous avons déposé des plaintes auprès du South Coast Air Quality Management District et nous sommes allés frapper aux portes pour demander aux gens s'ils étaient prêts à partager leur histoire lors d'une audience à la mairie.
C'était tellement fort de savoir que cette communauté, la communauté d'immigrants hispanophones, noirs et bruns dont personne ne se souciait, allait venir à l'hôtel de ville pour faire entendre sa voix.
Ils me demandaient si je pouvais partager mon histoire et j'utilisais mes petites cartes de notes pour parler.
J'étais toujours très timide, mais je me sentais toujours à l'aise pour parler en public.
Le Los Angeles Times a écrit un article sur nous et il a attiré l'attention de l'ancienne sénatrice américaine de Californie, Barbara Boxer.
Lors de la conférence de presse, Boxer a fait venir des enquêteurs de l'EPA (Agence pour la protection de l'environnement) qui sont allés faire un contrôle.
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Ils sont restés à peine quelques minutes car les odeurs commençaient à les rendre malades.
(Après les enquêtes locales et fédérales, AllenCo a accepté de fermer temporairement le site).
(La ville de Los Angeles a poursuivi la société en justice et, en 2016, a obtenu une ordonnance du tribunal qui oblige AllenCo à respecter des règles strictes si elle veut reprendre le forage).
Nous avons été heureux quand cela a été annoncé, mais cela a pris du temps. Nous avons commencé à nous organiser en 2010 et l'entreprise a fermé en 2013.
Et maintenant, nous voulons qu'elle ferme définitivement.
Lorsque nous avons commencé à faire campagne, nous avons remarqué que nous n'étions pas la seule communauté à être touchée.
Il y a 580 000 angelenos qui vivent à moins de 500 mètres d'un puits de pétrole et de gaz en activité.
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La plupart sont des communautés de gens de couleur à faible revenu.
Chaque fois que je vais quelque part pour en parler et que je dis que je suis de Los Angeles, les gens sont comme : "Oh ! C'est génial, le Walk of Fame, Hollywood, les célébrités..."
Eh bien, Los Angeles abrite le plus grand champ pétrolier urbain du pays et nous n'en parlons pas.
Je suis l'une des cofondatrices de la South Central Youth Leadership Coalition et, avec d'autres organisations, nous avons poursuivi la ville de Los Angeles en 2015 pour violation de la loi californienne sur la qualité de l'environnement.
Nous avons gagné, ce qui signifie que lorsque l'on ouvre ou que l'on agrandit un puits, il y a une nouvelle procédure de demande.
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Même si j'ai déménagé de University Park, je fais campagne pour la mise en place d'une zone tampon de santé et de sécurité de 762 mètres entre les puits de pétrole et les écoles, les hôpitaux et les parcs.
En même temps, je suis une enfant normale. Je suis obsédée par le maquillage, je suis danseuse, j'aime voyager et je suis à l'université.
La seule chose qui me rend différente est que j'ai trouvé ma passion bien plus tôt.
On m'a diagnostiqué un cancer le 15 janvier 2020.
Pendant un certain temps, j'ai gardé le silence parce que c'était un mot si effrayant. Le "mot C" est quelque chose qu'on ne s'attend jamais à entendre à un si jeune âge.
Ma mère et moi étions également inquiètes pour les factures médicales car je devais subir une opération.
Mais nous avons eu la chance d'atteindre notre objectif grâce à une campagne de crowdfunding.
Physiquement et émotionnellement, le plus dur a été de subir une hystérectomie radicale. Il m'a fallu six semaines pour sortir du lit.
Ma mère a dû me donner le bain pendant six mois et j'ai dû prendre des dizaines de pilules.
Mon oncologue ne sait toujours pas pourquoi j'ai eu un cancer ; il a pu savoir, grâce à des tests, qu'il n'a pas une origine génétique.
Je leur ai dit où j'avais grandi et leur ai demandé si je pouvais passer un test environnemental.
Elle a dit que, tant que nous n'aurons pas de nouvelles données scientifiques, je ne suis qu'une énigme médicale.
Je n'ai plus de cancer depuis le 18 janvier et j'en suis très heureuse.
Je veux poursuivre ma carrière d'avocat des droits civils et me lancer ensuite dans la politique.
Ma définition de la justice environnementale est la capacité de respirer de l'air pur quelque soit mon âge, mon sexe, mon origine ethnique, mon statut socio-économique ou mon code postal.
C'est se battre, c'est protéger ma communauté, mon foyer.
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