Yolande dans l'enfer de l'esclavage moderne : épisode • 10/10 du podcast Dix femmes inspirantes

Yolande a été séquestrée et réduite à la prostitution pendant des semaines. ©Getty - Alina555
Yolande a été séquestrée et réduite à la prostitution pendant des semaines. ©Getty - Alina555
Yolande a été séquestrée et réduite à la prostitution pendant des semaines. ©Getty - Alina555
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Infirmière au Congo et mère de 4 enfants, Yolande peine à faire vivre sa famille. Quand un homme lui promet une vie meilleure en Europe, elle accepte. Arrivée à Paris, c'est le cauchemar. On lui annonce qu'elle restera cloîtrée dans une chambre, réduite à un esclavage sexuel - dont elle se libère.

Yolande est d’origine congolaise. Elle est infirmière. Quand on lui propose d'exercer en Europe pour plus d’argent, elle est tentée :

"Ce que je gagnais au Congo n’était pas suffisant pour subvenir aux besoins de ma famille. Alors, j’ai rencontré un monsieur qui m’avait promis une vie meilleure en Europe. C’était dans une boite de nuit, on fêtait l’anniversaire d’une copine."

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Sa famille, au début hésitante, se laisse convaincre. Yolande promet à ses enfants qu’ils la rejoindront. Le monsieur en question paye tous les frais : son passeport en poche, l'infirmière s’envole pour la France. Arrivée à Paris, elle est emmenée dans une maison et prend connaissance de sa nouvelle chambre. Tout à coup, l'homme lui annonce qu’elle ne sortira plus :

"Il m'a dit : 'Désormais, à partir d’aujourd’hui, tu n’as pas le droit de sortir, même pour aller au salon. Je te donnerai des ordres demain matin'".

Enfermée, Yolande commence à avoir peur. Elle croit à une mauvaise blague, mais le cauchemar est bien réel. Contrainte de se prostituer, elle accueille 5 à 10 hommes par jour et subit de mauvais traitements.

"Je n’avais plus de choix. J’étais obligée de faire ça, car je voulais protéger ma vie, celle de mes enfants et de toute ma famille."

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L’angoisse et la peur rythment la vie de Yolande. Un vendredi, le bourreau vient lui annoncer qu’elle doit passer la nuit avec un client. Pressé par le temps, il oublie de fermer la porte de la chambre. Après quelques moments d’hésitations, Yolande se résout à sortir, et tente de s’échapper de sa prison :

"Je n’ai pas regardé à gauche à droite. J’ai pris la route en face de moi et j’ai commencé à courir. Je ne savais pas où j’allais, j’ai couru jusqu’à une gare que je voyais à proximité. J’étais angoissée, j’étais pieds nus, blessée."

Tombant au hasard sur une dame, Yolande est escortée à Paris. On lui dit d’aller à la Croix Rouge de Sarcelles pour qu'elle soit prise en charge et soignée. Yolande se met en quête d'une église évangélique, dans l'espoir d'y trouver un refuge. C'est un échec : elle dort dehors, devant l’église, au milieu de remorques.

Une vie d’errance se profile, marquée par la fatigue, l’épuisement et la faim. Yolande perd espoir. La pasteur de l’église finit par lui donner un toit, comme d’autres femmes dans sa situation. Pendant ce temps, au Congo, son frère est porté disparu et sa mère est désespérée : des complices du proxénète réclament leur agent. Après que sa mère a fui avec ses enfants, Yolande n'aura plus aucune nouvelle d'eux.

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Le ciel semble toutefois s'éclaircir. Une association lui trouve un hébergement dans la Creuse. Heureuse de quitter Paris, Yolande débarque à Guéret en 2017. Néanmoins, l’histoire semble se répéter : déboutée du droit d’asile, l’infirmière doit à nouveau partir.

"J’étais désespérée, je ne savais pas où aller. Alors, j'ai recommencé à me prostituer, pour avoir quelque chose à manger, pour trouver un hébergement. Je n’avais pas le choix."

Racontant son histoire à des associations ou à celles et ceux qui veulent bien l’écouter, Yolande découvre qu’elle peut avoir droit à un titre de séjour du fait de sa situation. Elle raconte ainsi son parcours à la préfecture de la Creuse :

"J’avais toujours l’espoir d’avoir un titre de séjour quand je racontais mon histoire. Malheureusement, ça n’a pas abouti. C’était en septembre 2020."

Yolande ne veut pas retourner au Congo :

"J’avais peur de retomber sur cet homme. Chez moi, il n’y a pas de droits de l’Homme : on se tue quand on veut. Donc, je ne voulais pas rentrer. C’était mieux que je meure en France, même si je n'avais pas de domicile fixe et que je ne travaillais pas."

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C'est sans compter sur l'humanité de quelques personnes. Un grand mouvement de solidarité  vient en aide à l'infirmière : un comité de soutien, des manifestations et autres démarches sont entreprises pour qu'elle puisse rester en France. Pour ce faire, Yolande doit présenter un projet de vie : elle veut devenir maraichère, ouvrir une table d’hôtes mettant à l’honneur des légumes qu’elle cultiverait et cuisinerait seule.

À force de persévérance, l'espoir renaît : Yolande peut rester. Si sa famille lui manque, et si l'enquête qu’elle a entreprise n'a pas permis de retrouver la trace de sa famille, elle est heureuse :

"Je suis contente. Tout le monde s’est battu pour moi, tout le monde m’a rendu le sourire, parce que je ne riais plus depuis longtemps. J’étais toute seule, et maintenant, j'ai une famille, des gens qui m’aiment et que j’aime aussi. Et ça m’a donné du courage."

Reportage : Rémi Dybowski-Douat

Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Yolande, Eric, Marion, Karine, Justine, Sandrine et Gérard.

Musique de fin : "My Mayhem", Mid Ayr - Album : My Mayhem, 2016 - Label : Amplifire Music.

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