Danone : Les trois vraies raisons qui ont provoqué le départ d’Emmanuel Faber<!-- --> | Atlantico.fr
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Réuni dimanche, le conseil d’administration du groupe Danone a acté dans la soirée le départ de son PDG, Emmanuel Faber.
Réuni dimanche, le conseil d’administration du groupe Danone a acté dans la soirée le départ de son PDG, Emmanuel Faber.
©PATRICK KOVARIK / AFP

Atlantico Business

A l’issue d’un week-end de crise et après trois mois de turbulences, Emmanuel Faber s’est donc fait sortir de la présidence de Danone. Les évictions aussi brutales sont rares au club du CAC 40. Emmanuel Faber avait pourtant tout pour réussir.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Emmanuel Faber était patron du géant mondial de l’alimentation depuis 2017. Il avait tout  pour réussir, Franck Riboud l’avait choisi pour lui succéder parce qu’il était convaincu que  c’était celui qui aurait été le plus capable de mettre Danone sur l’orbite de la mutation digitale et environnementale. Le plus capable de faire accepter ce que son père, Antoine, avait défini comme le double projet de l’entreprise, à savoir marier l’optimisation économique et sociale tout en respectant les contraintes environnementales. Le plus à même de conforter l’ambition qu’il avait lui-même forgée et convaincu les personnels et les actionnaires de respecter, que Danone devait porter dans le monde entier, le bénéfice santé.

Il avait tout pour réussir, sa formation à HEC lui avait donné l’expertise du management et le réseau international, son discours séduisait le monde politique et syndical, et ne déplaisait  pas aux fonds d’investissement ni aux jeunes générations qui arrivaient dans l’entreprise. Franck Riboud pensait que le cocktail qui formait cette ADN allait permettre d’écrire les pages suivantes de l’histoire que Danone racontait avec succès.

Le problème, c’est que le logiciel a bugué, assez vite d’ailleurs.

Quand, en juin 2019, Emmanuel Faber est invité à HEC pour présider la cérémonie annuelle de remise des diplômes, il va faire un discours qui va submerger d’émotion toute l’assemblée. Parce qu’il va révéler la maladie psychiatrique de son jeune frère et tout ce qu’elle lui a appris sur l'injustice de la vie. Et il enchaine sur les difficultés des uns et la misère des autres avec cet avertissement : " la croissance et la richesse ne servent à rien si elles ne permettent pas de combattre l’injustice. (…) Alors que pouvons-nous faire, nous qui avons la chance d’être ici, à HEC ou ailleurs ? » demandent-ils aux jeunes diplômés. « Et bien nous avons nos mains pour changer les choses et les rendre meilleures ». Cette intervention va circuler sur les réseaux sociaux et faire le buzz. Elle est inattaquable ...

Ce qu’on a oublié, c’est la conclusion. Faber prévient : « Vous allez avoir à surmonter trois grandes épreuves qui arrivent avec le diplôme et le statut : la puissance, l‘argent et la gloire. »

Tout s‘est passé comme si Emmanuel Faber n’avait pas su résister à ces épreuves et tous ceux qui chercheront les vraies raisons de son éviction devraient les trouver ici.

La puissance internationale du groupe Danone l’a isolé de son entourage.  L’argent lui a donné le pouvoir de répondre aux sollicitations qui venaient de partout et de venir en aide ou d’acheter ceux qui pouvaient lui pardonner d‘avoir réussi. Des catholiques fervents et radicaux aux écologistes les plus utopiques. Quant à la gloire, elle lui a permis de côtoyer tous les pouvoirs politiques et parfois de céder aux courtisans qu’ils soient à l’Élysée ou à l’ONU...

Mais au-delà, il y a évidemment des raisons factuelles, des maladresses, des erreurs d’analyse de faits et de chiffres qui ont brouillé l’image et cassé le contrat de confiance entre les actionnaires (mais pas que) et la gouvernance Faber.

La première raison de ses difficultés, beaucoup la trouvent dans ses résultats financiers qui n’étaient pas à la hauteur de la promesse qu‘il avait faite. D‘où le dérapage du cours de bourse qui a sanctionné une marge inférieure de 4% à celle des principaux concurrents, dont Nestlé. D’où les attaques en règle de quelques actionnaires, fonds d’investissements anglo-saxons, qui comme souvent, exigent des rendements qui peuvent paraître insoutenables. Mais en l’occurrence, les résultats n’étaient pas si catastrophiques. Le problème, c’est que le dérapage des résultats était antérieur à la crise du Covid et que les perspectives étaient floues et hypothéquaient sérieusement l’avenir, d’où la deuxième raison.

La deuxième raison est évidemment liée aux perspectives de Danone et à la pression de l’écosystème qui ne comprenait pas la contradiction entre le discours du président et l‘action terrain, comme l’arbitrage des investissements. Le discours du président était très pro-environnemental, très pro-climat et répondait à l’attente de beaucoup de consommateurs, mais Danone, champion de l’eau minérale avec Évian, restait l’un des tous premiers utilisateurs de bouteilles en plastique. Quant à Danone, champion des produits frais, il reste l’un des tous premiers industriels de l’alimentaire animale.  

La réorganisation de l’entreprise par groupe de pays, et non plus par marque, pour se rapprocher du consommateur, n’a guère convaincu les cadres qui étaient pour la plupart formés au marketing de masse, comme dans la majorité des multinationales de la grande consommation.

La troisième raison était l’agacement qu’il suscitait chez les administrateurs et la plupart des collaborateurs, pour cause d’exercice d’un pouvoir trop personnel, trop autoritaire.

Au début du mois de mars, le conseil d’administration avait réduit ses responsabilités à celles de président du conseil administration, sans fonctions opérationnelles, avec à charge de nommer un directeur général.

Visiblement, Emmanuel Faber a fait trainer les choses au point d’agacer le conseil qui souhaitait présenter une gouvernance cohérente et en place à la prochaine assemblée générale d’actionnaires.

Après tout un week-end de crise, le conseil a donné congé à Emmanuel Faber et a choisi un des membres pour présider le groupe. Gilles Schnepp, un financier formé chez Merrill Lynch, avant de faire l'essentiel de sa carrière au sein de l'équipementier électrique Legrand, sera donc le nouveau patron de Danone avec pour première mission dans cette « entreprise à mission » d’aller à l’essentiel, c’est à dire de calmer le jeu et de remettre Danone en route.

Pour mieux comprendre quel pourra être l’avenir de cette entreprise qui reste l’un des plus beaux fleurons de l’industrie française, revoir les débuts du petit Danon et comprendre les évolutions de la stratégie, vous pouvez visionner la saga Danone, réalisée par Jean-Marc Sylvestre pour BFM Business, ici :

https://vimeo.com/redtime/danone

DANONE, du lait et de l'eau pour conquérir le monde from redtime on Vimeo.

C’était avant, mais tellement actuel.

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