Aucune cérémonie ne pourra jamais représenter la polysémie du cinéma. Nous le savons bien. C’est la subtilité même de l’art, sa magie, qui nous a manqué à cette soirée des César, où seuls les disparus et les images du passé semblaient garder le don et même l’envie de nous enchanter.

Les votants de l’Académie ont su récompenser de vrais espoirs, des genres de films très différents. A de vraies exceptions près, c’est l’émotion qui fuyait, laissant flotter le sentiment d’un entre-soi où l’on ne s’adressait qu’aux siens, sans vraiment parler aux autres. 

Chacun ou presque est venu livrer le monologue qu’on attendait de lui. Comme s’il fallait parler de « ses causes » à « sa communauté » ou à « ses followers ». Comme s’il devenait impossible de trouver les mots qui s’adressent à tous. Comme si le cinéma ne savait plus rassembler. Comment donner envie de rouvrir les salles pour s’y retrouver ? 

En trois heures trente, nous avons entendu parler de tous les maux du monde qui agitent les réseaux sociaux, mais bien peu de liberté d’expression et de création, pourtant menacées. Une nouvelle forme de censure monte. L’intimidation et l’assignation grignotent nos libertés d’écrire, de traduire, de dessiner, de réaliser ou d’interpréter. Faut-il être gay pour réaliser un film sur une histoire d’amour entre hommes ? Noire, jeune et américaine pour traduire une jeune poétesse afro-américaine ? Blanc pour interpréter un gentleman cambrioleur fan de Lupin ? Avoir la même identité qu’un personnage pour le jouer ?

Nous ne le croyons pas. 

Nous ne voulons pas d’un monde où chacun se doit de parler au nom de sa communauté, et uniquement s’il est « concerné ». C’est le contraire du jeu de rôle et du cinéma. Sa beauté est d'apprendre à se mettre dans la peau d’un autre. Sa noblesse est de transcender les appartenances pour jouer une partition personnelle, qui émeut au-delà de soi. Quelle que soit sa couleur, sa religion, son sexe, son genre, sa sexualité et les milles facettes qui forgent son identité. Car oui, nous l’affirmons. Nous sommes mille en soi. Et c’est dans cette pluralité que nous puisons le chemin vers l’autre.

C’est cette émotion fourmillante, sans frontières, un cinéma libre de tout imaginer, sans plafond ni parcours obligé, que nous brûlons de retrouver en salles. 150 films français attendent de nous conter une histoire à la fois singulière et universelle. Il nous tarde de les découvrir. De rire, de pleurer, et de rêver ensemble.