Quelles sont les conséquences à long terme de Covid-19?

Cet article a été initialement publié en allemand par notre partenaire éditorial Higgs.ch

Pexels/ Andrea Piacquadio
Pexels/ Andrea Piacquadio

Tous les patients sont loin de sortir indemnes d’une infection à Sars-CoV-2. C’est ce qu’on appelle désormais «Covid long», phénomène sur lequel la recherche ne fait que commencer. Etat des lieux.

Pourquoi c’est important. Cette affection de long terme reste encore mal connue, de même que la proportion de personnes touchées après l’infection. Les patients peuvent souffrir de symptômes divers: fatigue, troubles du sommeil, essoufflement… Ces effets à long terme peuvent aussi survenir chez des personnes qui n’ont manifesté qu’une forme asymptomatique de la maladie.

Les symptômes. Les personnes souffrant de Covid long reportent des symptômes très divers.

  • Une infection à Sars-CoV-2 peut par exemple avoir des conséquences sur la fonction respiratoire pendant des mois, comme le montre une étude suisse. Les personnes concernées ressentent une gêne respiratoire persistante au moindre effort physique.

  • Covid-19 pourrait avoir des conséquences cardiaques à long terme, ce que montrait une étude allemande publiée dans le JAMA. Au moins 64 jours après le diagnostic, plus de 60 patients sur 100 montraient encore des anomalies au niveau du cœur, par exemple des inflammations du muscle cardiaque. La fréquence de ces inflammations du muscle cardiaque et leurs conséquences concrètes sur le fonctionnement du cœur sont par ailleurs aujourd’hui assez mal connues sur l’ensemble de la population.

  • Des conséquences neurologiques peuvent aussi subsister après la guérison. La perte du goût et de l’odorat peut, selon certaines recherches, durer plus de cinq mois.

  • La stabilité psychique des patients peut être durablement ébranlée. Certaines personnes atteintes par un Covid long développent des dépressions ou des états anxieux, comme le montre une étude qui analysait les données de 62’000 patients.

  • Les personnes concernées font également état de fatigue, voire d’une fatigue débilitante qui les empêche de reprendre leur vie quotidienne.

La fréquence des symptômes. Covid-19 est une maladie récente, c’est pourquoi il existe encore peu de recul sur le Covid long. Les données scientifiques demeurent fragmentaires.

  • Une vaste étude, dont les résultats ont été publiés dans le Lancet, a été conduite à Wuhan, en Chine. Y ont été évaluées les données de 1733 personnes traitées pour Covid-19 à l’hôpital. Les chercheurs ont interrogé les participants plusieurs fois sur une période de six mois après leur sortie d’hôpital. Le résultat: 76% des patients se sentaient encore diminués six mois après leur sortie. Le plus souvent, ils déploraient une forte fatigue et une asthénie (63%), des troubles du sommeil (26%), de la perte de cheveux (22%), de l’anxiété ou un état dépressif (22%) et des troubles de l’odorat (11%).

  • Dans une méta-analyse pas encore relue par les pairs, d’autres chercheurs ont examiné 15 études scientifiques sur les conséquences à long terme du Covid et identifient 55 symptômes de Covid long. Par ordre de fréquence, il s’agit de: fatigue (58%), mal de tête (44%), troubles de la concentration (27%), acouphènes et troubles de l’audition (15%), problèmes digestifs (12%), diabète (4%).

Le syndrome de fatigue chronique. Une fatigue handicapante est l’un des symptômes à long terme fréquemment cité par les personnes souffrant de Covid long. S’agit-il de la même chose que du syndrome de fatigue chronique? Celui-ci se définit comme une fatigue invalidante, au moins six mois par an, pendant plusieurs années.

Il était déjà connu que des infections virales de type Sars peuvent déclencher un syndrome de fatigue chronique. Dans le cas du Sars-CoV-2, ce lien n’est toutefois pas encore entièrement établi, faute de recul. Des chercheurs de l’hôpital de la Charité, à Berlin, ont publié une première étude en prépublication, qui tendrait à prouver que le Sars-CoV-2 peut bien provoquer le syndrome de fatigue chronique. Cette étude doit encore être relue par les pairs et publiée dans une revue scientifique.

Un regroupement de plusieurs syndromes. Et si le Covid long regroupait en fait plusieurs syndromes distincts? C’est l’hypothèse de l’Institut national pour la recherche en santé (NIHR), au Royaume-Uni. On y retrouve, par exemple, le syndrome de fatigue post-viral ou encore le syndrome post-soins intensifs.

Beaucoup de patients Covid-19, qui ont été traités en soins intensifs souffrent encore, après leur guérison, de nombreux problèmes de santé. Tout comme les patients traités en soins intensifs pour d’autres raison qu’une infection. Tous se sentent encore diminués plusieurs semaines voire plusieurs mois après un séjour à l’hôpital. L’hôpital universitaire de Bâle propose par exemple des consultations pour les personnes concernées.

La durée du Covid long. Il n’existe pas encore de consensus sur ce point. Des chercheurs de l‘Université de Washington ont mené une étude sur 177 malades sur plus de neuf mois. Même sur cette durée, certains symptômes persistaient.

Le profil des malades. Il peut en principe toucher toute personne infectée, même si les chercheurs ont surtout étudié jusqu’ici des personnes qui ont développé des formes moyennes à graves de la maladie. D’autres études se sont attachées à intégrer les patients qui avaient subi des formes légères ou étaient asymptomatiques. Elles ont découvert que même ces derniers pouvaient souffrir de conséquences à long terme. Une étude en prépublication suggère même que ces symptômes persistants pourraient aussi être observés chez les enfants.

Certains facteurs de risques semblent favoriser le Covid long. Une étude du King’s College de Londres, qui n’a pas encore été publiée, a dégagé trois facteurs de risques:

  1. le fait d’être une femme,

  2. d’être en surpoids,

  3. ou d’avoir développé plus de cinq symptômes dans la première semaine de la maladie.

Cependant, le groupe des personnes concernée par le Covid long reste très hétérogène. D’après Hans-Werner Duchna, chef du service de pneumologie à la Hochgebirgsklinik de Davos, un établissement de soins de suite:

«Il n’existe pas de profil type pour le Covid long.»

Hans-Werner Duchna prend en charge des patients convalescents, qui restent encore épuisés deux ou trois mois après la maladie. Il traite aussi bien des hommes que des femmes, parfois intubés dans les services de soins intensifs, mais aussi des personnes qui n’ont pas été hospitalisées.

«La plupart de mes patients n’auraient pu imaginer que la maladie puisse avoir pour eux de telles conséquences.»

Le diagnostic. Il pose problème quand l’infection au virus n’a pas pu être prouvée. En effet, il est possible de souffrir de Covid long après une forme légère à asymptomatique. Ce qui rend les choses difficiles, c’est que pour ces formes, le taux d’anticorps diminue rapidement après l’infection. Selon Volker Thiel, Professeur de virologie à l’Université de Berne:

«On ne peut pas diagnostiquer Covid-19 a posteriori.»

La fréquence du Covid long. Selon l’OMS, une personne sur dix ressent encore des symptômes douze semaines après la maladie. Mais, comme on l’a vu, les études scientifiques ne fournissent pas encore de résultats clairs.

Les études qui se concentrent sur les patients ayant séjourné à l’hôpital obtiennent des résultats plus hauts en matière de Covid long que celles qui incluent les patients atteints de formes plus légères.

Pour y voir plus clair, Milo Puhan, Professeur d‘épidémiologie et de santé publique à Zurich, a inclu dans la cohorte de son étude des personnes ayant développé des formes légères ou asymptomatiques.

  • Entre fin février et août 2020, 400 personnes ont ainsi pris part à cette étude, qui n’a pas encore été publiée, dans la région de Zurich.

  • La majorité a connu des formes de Covid moyennes à sévères, tandis que 20% des participants ont été hospitalisés et 16% n’ont eu que des symptômes légers.

  • Résultat: après environ six mois, 26% des participants n’avaient toujours pas complètement retrouvé leur état de santé initial.

Une autre étude en prépublication, britannique cette fois, s’est basée sur une app, grâce à laquelle l’administration sanitaire britannique a collecté les données de plus de 4 millions de personnes infectées par le Sars-CoV-2. Sur un échantillon de 4000 personnes, les chercheurs montrent que 2,3% des anciens malades continuent de se sentir mal douze semaines après l’infection.

Les conséquences. La Hochgebirgsklinik à Davos a développé un programme de réadaptation spécial post-Covid, avec la participation conjointe des services de pneumologie, de cardiologie et de médecine psychosomatique. Un programme individuel de réadaptation est établi pour chacun.

Pour retrouver la forme, les patients doivent réaliser des exercices. Des séances de physiothérapie permettent aussi d’améliorer le souffle. Dans le service de médecine psychosomatique, des thérapies spécifiques sont mises en place.

L’épuisement et la fatigue qui n’ont pas d’explications physiques sont aussi prises en compte. «Notre but est que les patients qui rentrent seuls chez eux puissent à nouveau être autonomes et capables de travailler», explique Hans-Werner Duchna, avant d’ajouter: «A la fin du traitement, l’état de santé de tous nos patients s’est amélioré. Mais tous ne récupèrent pas entièrement.»

Une des études citées, à la loupe

L’étude. 6-month consequences of COVID-19 in patients discharged from hospital: a cohort study

Le commentaire. Les chercheurs ont suivi des patients hospitalisés pour Covid-19, pendant six mois après leur sortie d’hôpital. Le groupe est très homogène puisqu'il s'agit uniquement de personnes de Wuhan. Les résultats de l'étude ne peuvent donc pas être généralisés facilement, ils doivent être confirmés par d'autres études. Les chercheurs ne disposaient pas non plus de données de base sur la fonction pulmonaire et l'endurance des patients avant qu'ils ne tombent malades. Enfin, les patients présentant des symptômes légers n'ont pas été inclus.

La fiabilité. Evaluée par les pairs, 1733 participants sortis de l’hôpital entre le 7 janvier et le 29 mai 2020, interrogés et examinés plusieurs fois sur une période de six mois, au moyen de questionnaires, tests d’endurance et analyses de sang.

Le type d’étude. Etude d‘observation.

Le financement. National Natural Science Foundation of China, Chinese Academy of Medical Sciences Innovation Fund for Medical Sciences, the National Key Research and Development Program of China, Major Projects of National Science and Technology on New Drug Creation and Development of Pulmonary Tuberculosis, Peking Union Medical College Foundation.

Traduit et adapté de l’allemand par Dorothée Fraleux et Sarah Sermondadaz