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Le méliphage régent australien oublie son chant d’amour, au risque de l’extinction

En raison des menaces pesant sur leur habitat, un nombre croissant de jeunes mâles en manque de repères a fini par imiter le chant d’autres oiseaux, ce qui met en danger la survie de l’espèce.

Publié le 18 mars 2021 à 11h35, modifié le 26 octobre 2021 à 15h56 Temps de Lecture 3 min.

Il ne restait plus qu’entre 350 et 400 méliphages régents en 2018, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui a classé sur sa liste rouge ces pastoureaux.

Pour le méliphage régent (Anthochaera phrygia), le plus compliqué n’est pas d’apprendre à voler, mais bien d’apprendre à chanter. Cette espèce de passereaux endémique d’Australie qui appartient à la famille des méliphagidés – des oiseaux qui se nourrissent essentiellement de nectar – vit dans l’extrême sud-est du Queensland, la quasi-totalité de la Nouvelle-Galles-du-Sud et le nord-est de l’Etat de Victoria.

Espèce autrefois « assez commune », le méliphage a vu sa population s’effondrer, en raison de la sécheresse, de la détérioration de son habitat, de l’éclaircissement des zones boisées pour promouvoir l’agriculture et de la concurrence alimentaire d’autres espèces. Il ne restait plus qu’entre 350 et 400 individus en 2018, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui a classé ce passereau sur sa liste rouge – ce qui en fait une « espèce en danger critique ». Et encore, c’était avant les gigantesques incendies de 2019 qui ont causé la destruction de son habitat et rendu encore plus précaire la situation des quelques centaines de spécimens restants.

Entre 2015 et 2019, une équipe dirigée par Ross Crates, chercheur à la Fenner School of Environment and Society de l’université nationale australienne de Canberra et membre du Groupe de recherche sur les oiseaux menacés, a tenté de les recenser, raconte le Guardian. « Ils sont si rares et la zone dans laquelle ils sont susceptibles de nicher est si vaste que nous cherchions une aiguille dans une botte de foin », explique-t-il à la BBC.

« Perte de culture vocale »

Au cours de leurs travaux publiés dans Proceedings of the Royal Society B, l’un des deux journaux scientifiques publiés par la Royal Society, les chercheurs se sont rendu compte que les vocalises des méliphages régents sont aussi devenues moins complexes qu’auparavant et qu’elles ne ressemblaient plus vraiment à celles qui avaient été enregistrées dans les années 1980.

Le site encyclopédique oiseaux.net écrit que leur chant « consiste en un mélange assez compliqué de sonneries profondes, de notes qui enflent, de bruits inarticulés et légèrement trillés ». Au lieu du « crescendo de gazouillis gutturaux » les chercheurs australiens ont constaté que leur chant a fini par ressembler à celui d’autres espèces, rapporte le Times.

En effet, chez cet oiseau, l’apprentissage du « langage » – le chant en l’occurrence – ne se fait pas en famille, comme dans la plupart des espèces. Les jeunes mâles n’apprennent pas à chanter pour séduire leur future compagne auprès de leur père. Au contraire, celui-ci cesse pratiquement de vocaliser quand les œufs ont éclos, pour ne pas attirer l’attention sur les oisillons. Pour s’exprimer, les jeunes mâles devront quitter le nid et apprendre auprès d’autres mâles adultes.

Mais en raison de la faible densité de la population de méliphages régents, un nombre croissant de jeunes mâles manquent de repères. Selon les scientifiques, environ un quart d’entre eux ne parviennent pas à trouver de congénères susceptibles de les prendre sous leur aile pour ce compagnonnage. Ils finissent par apprendre au contact des autres oiseaux et par imiter le chant d’autres espèces comme le polochion criard, le grand réveilleur ou le coucou.

Loin d’être une démonstration d’habileté ou une ruse pour éviter d’être pris à partie par d’autres espèces plus nombreuses ou plus agressives comme certains scientifiques l’ont imaginé, cette évolution serait plutôt le symptôme d’une « perte de culture vocale », écrit Ross Crates. Et un méliphage régent qui ne chante pas « correctement » est beaucoup moins à même de rencontrer l’âme sœur. « Les femelles ont tendance à éviter de s’accoupler et de nicher avec les mâles qui chantent mal », explique le chercheur dans le Times.

Contribution au maintien des forêts d’eucalyptus

Dans le cadre d’un programme de reproduction en captivité mené par la Taronga Conservation Society, avant une réintroduction dans la nature, M. Crates et ses collègues mettent à l’épreuve le résultat de leurs découvertes.

Pendant des années, de jeunes méliphages régents élevés en captivité ont écouté des enregistrements de leurs congénères sauvages diffusés par des haut-parleurs situés dans leurs volières, mais il s’avère que le résultat n’est pas probant. Pour les faire progresser, l’équipe a décidé de placer deux adultes capturés dans la nature dans des volières voisines pour qu’ils transmettent aux jeunes mâles les rudiments de la séduction, car l’avenir de l’espèce est important pour l’Australie.

En effet, ces oiseaux contribuent au maintien des forêts d’eucalyptus : en se délectant du nectar que produisent toute l’année Eucalyptus albens, Eucalyptus sideroxylon et Eucalyptus leucoxylon, ils aident à leur pollinisation et fournissent une nourriture et un habitat essentiel pour de nombreuses autres espèces.

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