« Sanglier » a un masque Harley-Davidson. On l’appelle « Sanglier » parce qu’il avait l’habitude de « foncer dans les buissons tête baissée » quand il était jeune, a dit son père aux enquêteurs. Cheveux courts, blouson en cuir, pantalon noir, « Sanglier » a aujourd’hui 42 ans. Ce mardi 23 mars, il tourne le dos à la caméra de télévision qui s’approche de son visage avant le début du deuxième jour d’audience du procès du saccage de l’Arc de triomphe le 1er décembre 2018 à Paris. Les principaux auteurs des dégradations n’ont pas été retrouvés.

« Sanglier » a été perquisitionné et interpellé à la suite d’un « renseignement anonyme », le 7 décembre 2018 au domicile de ses parents dans le Doubs. On a retrouvé chez lui tout un arsenal : un fusil 22 long rifle, deux fusils à pompe, une machette militaire, une baïonnette, des poignards, un fusil de chasse, deux fusils de la 1 guerre mondiale, de nombreuses munitions et autres couteaux…

Mais également une carte postale et un tableau d’Adolf Hitler, deux drapeaux nazis et une carte d’adhésion au groupuscule d’extrême droite « Troisième voie », auquel il adhérait jusqu’à sa dissolution en 2013. Sur un blog antifasciste, il est qualifié de « loup blanc parmi les néonazis locaux », note la juge. Son casier judiciaire comporte onze condamnations, pour port d’armes, violences en réunion, « conduite sous l’empire d’un état alcoolique ».

Quatre mois de prison

« Chez moi, j’ai la Bible, le Coran et Mein Kampf. Ils ont juste saisi Mein Kampf, raconte Sébastien F., de son vrai nom, avant d’entrer dans la grande salle d’audience du tribunal de Paris. Ce procès est uniquement politique, on ne va pas se mentir. » Sébastien F. est connu comme « cadre de la mouvance politique nationaliste », selon son avocat Pierre-Marie Bonneau, « mais il a les opinions qu’il a et ce qu’on a trouvé de politique chez lui n’est pas un délit. »

« Sanglier » est devant le tribunal correctionnel pour une autre raison, même si la juge a rappelé ces circonstances, qui ont fait l’objet d’une autre procédure. Il est accusé d’avoir tagué « Augmenter le RSA Sanglier » en lettres noires sur un des piliers de l’Arc de triomphe pendant la manifestation des gilets jaunes.

Il est également poursuivi pour participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradations. Il réfute ces accusations. Il a passé quatre mois en détention provisoire début 2019 pour cette affaire. Il reconnaît avoir été présent aux abords de l’Arc de triomphe mais explique avoir « défendu la tombe du soldat inconnu » et être venu pour manifester pacifiquement. Il a toujours refusé de donner l’identité des amis qui l’accompagnaient ce jour-là depuis Besançon : « Ce sont des militaires », explique-t-il.

« Je n’ai pas arrêté d’être harcelé »

Les policiers ont exploité la vidéosurveillance, qui a permis de définir l’heure de réalisation du tag : entre 16 h 26 et 16 h 33, selon la juge. « Sanglier » dit qu’il a quitté l’Arc vers 16 h 30 – 17 heures, « quand c’est devenu du grand n’importe quoi ». La juge insiste sur ces « coïncidences d’heure ».

Au lendemain de la manifestation, il a supprimé son compte Facebook : « car je n’ai pas arrêté d’être harcelé », raconte-t-il, évoquant des messages de ses connaissances lui demandant s’il était l’auteur du tag. Parmi celles-ci, figure Serge Ayoub, une figure bien connue de l’extrême droite.

« Ce reproche d’avoir souillé un monument historique en l’honneur des anciens combattants, c’est le pire affront qu’on m’ait fait. Je n’ai jamais été aussi sali de ma vie », relate-t-il, la voix étouffée derrière le masque.

Carrière militaire

Car Sébastien F. a été militaire, il a servi six ans durant dans la Légion étrangère. Une période sur laquelle il ne s’étale pas. Il raconte avoir « toujours travaillé » depuis l’âge de seize ans après un bac pro outillage. « Plusieurs boîtes », de l’intérim, puis un arrêt professionnel pour hernie discale mi-2018. Il est au chômage depuis.

« Mais je n’ai jamais été au RSA, tient-il à faire entendre à la salle en pointant du doigt la photo du tag projetée au mur de la salle d’audience. Et d’ailleurs, il y a une faute d’orthographe et je n’en fais pas. » La juge de répondre : « Non, ça peut être un infinitif « augmenter ». Vous l’auriez mis à l’impératif, avec un « Z » ? », lui demande la magistrate la juge. « Oui », lâche-t-il simplement.