Publicité

Pour Ai Weiwei, les dirigeants chinois savaient ce qui se passait à Wuhan mais ont dissimulé la vérité

L'artiste Ai Weiwei vit dorénavant au Portugal, à une centaine de kilomètres de Lisbonne.
L'artiste Ai Weiwei vit dorénavant au Portugal, à une centaine de kilomètres de Lisbonne. PEDRO NUNES / REUTERS

L'artiste dissident, réfugié en Europe depuis 2015, souhaite montrer, avec Coronation, le quotidien des habitants de la ville, tenus à un confinement strict et à des mesures gouvernementales sévères.

«Les dirigeants chinois savaient ce qui se passait plusieurs mois avant la mise en quarantaine de Wuhan , mais ils ont décidé de dissimuler la vérité». Dans sa maison portugaise, aux environs de Lisbonne, Ai Weiwei est serein malgré la virulence de ses propos. L'artiste chinois y vit depuis peu, dans «une maison au milieu de la nature», où il habite avec sa compagne et ses trois chats.

Ce plasticien activiste de soixante-trois ans, auteur du documentaire Coronation et qui porte sur les débuts de la pandémie à Wuhan, raconte, via zoom, la genèse de son projet dans les colonnes du Journal du Dimanche . Des images tournées de l'intérieur, par ses anciens concitoyens, alors que ceux-ci y étaient confinés.

«J'étais en contact avec des amis de Wuhan qui me racontaient leurs journées en confinement strict. Je leur ai suggéré de se filmer pour témoigner de leur quotidien», explique l'artiste arrivé en Europe en 2015. «En 2003, quand je vivais encore en Chine, j'avais tourné un court-métrage, Eat, Drink, and Be Merry, avec mon frère sur l'épidémie de Sras » et qui usait du même procédé. Concernant le présent projet, quinze personnes étaient initialement volontaires. À celles-ci, Ai Weiwei a fait parvenir des caméras compactes Osmo Pocket. Finalement, d'autres participants se sont greffés, filmant à l'aide de leurs smartphones. D'autant que le port du masque a pu garantir aux protagonistes un certain anonymat. «Ça les a libérés, ils n'avaient plus peur des représailles, raconte-t-il. Un homme a toutefois été harcelé par les autorités après le tournage car il avait osé dénoncer la manière dont il s'est battu pour récupérer les cendres de son père décédé du Covid-19. Un autre s'est hélas suicidé en se pendant à un arbre, accablé par la pauvreté et la dépression».

Du début à la fin du film, pas de commentaire. Il estime que les images se suffisent à elles-mêmes : «Coronation montre ce qui s'est passé à Wuhan sans émettre de jugement. J'avais trois cents heures d'enregistrement. Les histoires étaient tellement fortes que je n'ai pas ressenti le besoin d'ajouter une voix off.» Les images qui lui parviennent sont, dit-il, glaçantes et diffèrent de celles diffusées au journal télévisé: «Des médecins des unités de soins intensifs qui superposaient les couches de protection aux livraisons à domicile, avec des gens barricadés chez eux, les grilles de leur immeuble cadenassées pour qu'ils ne sortent pas. Ils l'ont accepté sans broncher. Aujourd'hui, 80% de la population [chinoise, NDLR] croit que le communisme est la solution, même les jeunes. Je reconnais la puissance de l'État chinois et son efficacité à exécuter ses décisions sans accorder la moindre place au consentement.»

Mensonge d'État

Ai Weiwei sait de quoi il parle: fils d'un poète envoyé en camp de rééducation pour avoir critiqué le régime, exilé durant son enfance avant de revenir et de s'imposer comme l'un des artistes majeurs de la culture indépendante chinoise, il est considéré par Pékin comme un ennemi du peuple. En 2011, il fait, d'ailleurs, quelques mois de prison et est privé de passeport pendant quatre ans, avant de fuir le territoire. Retrouver l'Empire du milieu ? Il n'y pense pas: «Ma mère de quatre-vingt-huit ans me l'interdit. Elle refuse que je retourne en prison ! J'ai quitté mon pays pour toujours.» Le prix à payer pour pouvoir continuer le combat. Et la crise sanitaire lui offre l'occasion de pointer les dérives de la Chine. «Un scientifique a établi qu'on a décelé des traces de la maladie en septembre 2019 ! Si les autorités avaient averti l'OMS, peut-être que la situation aurait été différente. Il aura fallu un an et 2,5 millions de victimes avant qu'ils acceptent la présence d'enquêteurs», s'insurge le plasticien.

Selon ses dires, le film promet de montrer au monde entier les dessous de la main de fer chinoise. Il rencontre un problème cependant et pas des moindres : celui de la diffusion de son film. Actuellement disponible sur la plateforme Apple TV+, Coronation a, tout d'abord, été refusé par de grands festivals, aussi bien à Venise, Toronto ou New York. La cause ? L'absence du «sceau du dragon», un logo signifiant la validation du département de propagande chinois et autorisant sa sortie en salle. «Les festivals restant des marchés, je pense qu'ils voulaient surtout éviter de froisser le gouvernement et de se priver de l'argent de la Chine !», avance l'artiste, qui prévoit tout de même d'autres projets cinématographiques dont un sur les réfugiés rohingyas de Birmanie au Bangladesh. «Je l'ai soumis au comité de sélection du Festival de Cannes, j'ai envie de tenter ma chance», explique-t-il encore au JDD. Avant de préciser que son autre film est sur les manifestations à Hong Kong...

À VOIR AUSSI - Les experts de l'OMS souhaitent «plus de données» pour comprendre les origines du Covid-19

Pour Ai Weiwei, les dirigeants chinois savaient ce qui se passait à Wuhan mais ont dissimulé la vérité

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
80 commentaires
  • anonyme 18696

    le

    Un petit coup de repentance ne peut jamais faire de mal

  • Jean Naimarre de Toussa

    le

    Tout ça prouve que l'état chinois nous a menti depuis le début et ment encore aujourd'hui. Quand ils affirment d'avoir que 4000 décès chez eux, sur 1 milliard de citoyens...

  • Anonyme

    le

    on finira par savoir la vérité: le virus de la mine..
    le labo..
    la fuite accidentelle

À lire aussi