Elles voudraient faire l’amour, mais n’y arrivent pas. Elles ont des envies, du désir pour l’autre, mais ne peuvent les assouvir. En cause, une pathologie dont on parle peu, car honteuse pour celles qui en souffrent : le vaginisme.

"Il s’agit d’un trouble sexuel et gynécologique psychosomatique, mais qui contrairement à ce que l’on pense, n’est pas uniquement féminin. Il s’agit davantage d’une pathologie de couple, explique le docteur Odile Bagot, gynécologue et auteure du Dico des nanas sous le pseudonyme Mam Gynéco (Éd. Hachette Santé). Cliniquement, c’est une contracture réflexe des muscles du périnée, qui empêche toute pénétration, qu’il s’agisse d’un tampon, d’un doigt, et encore moins d’un pénis, rendant toute relation sexuelle ou examen gynécologique impossible. On parle alors d’un couple composé d'une ‘impénétrée’, et d’un ‘impénétrant’."

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Très répandu, le vaginisme primaire (il en existe deux formes) toucherait environ 1 couple sur 200 en France. "Malheureusement, les femmes qui sont touchées pensent souvent que cette situation est de leur faute, et que cette pathologie est incurable. Il faut leur expliquer que ce n’est pas le cas", rassure notre experte.

"C’est l’histoire d’un sexe visiteur qui n’ose pas et d'un sexe visité qui voudrait accueillir, mais qui ne peut pas"*

Pour elles, la pénétration, et non la sexualité, est une véritable phobie vécue de manière totalement inconsciente. "Leur cerveau intègre l'idée que la pénétration est liée à une douleur, ce qui déclenche alors ce réflexe de rejet qu’elles ne peuvent pas contrôler, même avec la meilleure des volontés", décrit Odile Bagot.

"Lors de ma nuit de noces en juillet 2008, la pénétration est impossible, Je mets alors ça sur le compte du stress, de la fatigue, de ma pudeur. Mais plus les jours passent, moins ça fonctionne", nous confie Justine**, 32 ans, encore vierge au moment de son mariage.

Lorsque le pénis de mon mari s’approche de mon vagin, je ressens une brûlure insoutenable

Inquiète, la jeune femme consulte alors une sexologue sur les conseils de sa gynécologue. "Et là le verdict tombe : ‘Vous souffrez de vaginisme’. Tout cela est tellement nouveau et incompréhensible pour moi puisque je n’ai jamais été confrontée à la sexualité".

Une situation qui, selon elle, aurait "poussé" son mari à l’adultère un an plus tard : "Il ne s’est pas excusé, il assume totalement son choix. Il en avait besoin. Je me suis sentie coupable, mais en même temps j’étais vraiment meurtrie, c’était la pire des trahisons pour moi, car j’avais une totale confiance en lui. Suite à cela nous avons conclu un accord : il m’a dit que je devais faire des efforts, sans parler de pénétration, mais au moins de sexe. Qu’il ne me tromperait plus mais que je devais me bouger sinon ce serait fini. J’ai eu beaucoup de mal à avoir à nouveau un contact physique avec lui, je n’y arrivais pas. Je n’avais plus envie de guérir pour lui."

S’en suivent des années d’errances rythmées par la consultation de divers spécialistes. Mais lorsque Justine arrive à faire un pas en avant, elle en fait aussitôt deux en arrière. "Un jour, le pénis arrive à rentrer, enfin ! Et sans douleur ! Alors je me dis que ça y est, je suis guérie ! Mais le lendemain j’ai à nouveau mal. On réessaye, puis plus rien. Je laisse passer. Je n’en parle pas, on n’en parle plus (...) Je ne vois pas pourquoi je devrais faire des efforts pour quelque chose qui ne me procure rien si ce n’est de la douleur."

Dix ans après le diagnostic, Justine arrive à avoir des relations sexuelles avec pénétration mais dit "ne plus rien" ressentir. "Je n’ai pas d’envie, la libido à 0. Il m’arrive d’avoir du plaisir et même des orgasmes, pendant les préliminaires. Je crois que le problème c’est qu’au bout de dix ans, la flamme du début s’est éteinte, la routine s’est installée, et surtout, la pénétration est devenue barbante et sans intérêt."

Le fait que je n’arrive pas à avoir une sexualité dites ‘normale’ me fait me sentir honteuse. J’ai honte de moi, de ce que je suis, honte de ne pas pouvoir satisfaire mon mari. Je culpabilise énormément. Je ne me sens pas femme, je n’ai pas confiance en moi.

"Il faut traiter le problème tôt et ne surtout pas faire l’autruche, ne pas laisser les choses se tasser."

Vaginisme : comment le surmonter ?

Parmi les pistes de traitements prometteurs : la thérapie psycho-comportementale encadrée par une sage-femme ou un(e) gynécologue. Une méthode exploitée avec un franc succès depuis une vingtaine d'années par Odile Bagot au sein de sa consultation.

"Le but est de déconditionner ce réflexe, explique la gynécologue. Après un entretien, on met en place une séance de relaxation et de sophrologie pour apprendre à la patiente à se relâcher de manière générale. Chez elle, on l'incite à développer toutes les possibilités de sa sexualité alternative avec interdiction de pénétration. De cette façon, elle peut développer sa sensualité, et par là même sa sexualité. Nous l'encourageons à se masser également. 

Ensuite, nous lui demandons de visualiser et de ressentir ce qui se passe dans son périnée, zone que la plupart des femmes ne connaissent pas du tout. Elle entraîne ainsi son cerveau à ressentir quelque chose qu'elle avait totalement occultée. 

À la troisième séance, on la place sur une chaise gynécologique et l'on pose simplement ses mains à l’intérieur des cuisses et des genoux, puis on remonte doucement vers la vulve. Certaines ne le tolèrent pas forcément. Il faut y aller petit à petit. Si c’est possible, on déplisse très légèrement l’hymen. Et si elle le supporte, la prochaine étape consiste à introduire un dilatateur vaginal appelé Bougie de Hégar. Comme il est très fin, il ne provoque pas d’étirement de l’hymen. On demande ensuite à la femme de la retirer elle-même, et c’est très souvent une révélation. Elle la retire et prend alors conscience de la profondeur de son vagin. Séance après séance, son périnée ne lui envoie plus de messages de 'douleurs'.

Une fois qu’elle a réussi, je lui demande le refaire seule, chez elle, mais aussi que son partenaire le fasse pour elle. Cela permet alors de tester la confiance que la femme a dans son partenaire. Lui, souvent maladroit lors des tentatives infructueuses de rapports sexuels, peut ainsi sentir quelle est l’orientation du vagin. À chaque séance, on passe des bougies de taille croissante."

L’important est de ne pas forcer les choses, et les séances ne durent généralement pas plus de 5 minutes. Nerveusement, la femme prend beaucoup sur elle dans ces moments-là.  

"C’est de cette façon que l’on arrive à la dernière bougie, qui correspond pratiquement à la taille d’un sexe en érection. Je demande ensuite que le partenaire soit présent lors de la séance et lui explique comment il va devoir ‘remplacer’ la bougie. Comme c’est une situation qui peut être stressante, je l’encourage à ne pas se formaliser s’il a du mal à avoir une érection : ce n’est pas grave, si ça ne marche pas aujourd’hui, ça marchera demain. Je lui explique qu'il doit se positionner devant la vulve, appuyer doucement, et rentrer. Quand il n’y a pas d'autre problème particulier dans le couple, alors ils sont rapidement 'guéris'. Bien entendu, la femme ne va pas avoir d’orgasme vaginal dès le lendemain, mais tout va rentrer dans l’ordre au fur et à mesure. La vie du couple change radicalement."

Cette technique peut également être couplée à des séances avec d’autres spécialistes comme un(e) psychologue, sexologue, kinésithérapeute ou encore ostéopathe... Le but étant de faire double un travail : sur son corps, mais aussi dans sa tête.

Poser un mot sur des maux et rompre l’isolement

Au-delà des traitements, l’importance d’un soutien de la part d’autres patientes est primordial pour ces femmes, qui souvent se referment peu à peu sur elles-mêmes.

Pendant un long moment je me suis sentie anormale, différente, déficiente. Il me semblait que j’avais échouée quelque part mais je ne savais pas où exactement.

"Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait, pourquoi je n’avais jamais entendu parler de ça avant, pourquoi personne autour de moi n’en n’avait jamais entendu parler. Étais-je si anormale que ça ?", raconte Laura, 28 ans. Un sentiment partagé par Sarah, 42 ans. "Être seule dans la chambre conjugale, ne pas réussir à faire ‘rentrer’ quoi que ce soit dans son vagin, souffrir physiquement, pleurer, se sentir dévalorisée par l’échec : tout cela m’a fait plonger dans un désespoir."

Une situation que connaît bien Aurélie Jaffrelot, Présidente de l’Association Les Clés de Vénus, fondée en 2009 pour soutenir les femmes atteintes de dyspareunies (douleurs sexuelles).

"Grâce à nos actions, nous souhaitons que les femmes se ré-approprient leur sexualité, leur corps, et qu’elles ne se sentent plus seules, nous confie-t-elle. Nous sommes souvent le premier lien car cette maladie fait honte. Elle touche à l’intimité et ce n’est pas le genre de chose dont on parle avec son entourage.

Nous vivons dans une société très sexualisée, avec des normes, des performances et il n’y a pas de place pour ces femmes là. Elles sont d’ailleurs souvent cataloguées comme frigides, comme n’ayant pas envie.

"Mettre un nom sur ce trouble et découvrir qu’il y a une association peut vraiment être libérateur pour elles."

Et d’ajouter : "Avec l’association, nous leur apportons des informations fiables, validées par des professionnels de santé qui sont habitués à diagnostiquer, prendre en charge le vaginisme (gynécologues, sexologues, sages-femmes, psychologues, dermatologues, kinésithérapeutes, ostéopathes...), et vers qui nous les dirigeons via un annuaire. Nous voulons éviter une errance thérapeutique qui peut parfois durer des années. Grâce à ces informations, les femmes ont moins de risque de tomber sur quelqu’un qui leur dit, comme cela a été le cas pour moi, ‘il faut vous détendre, c’est rien, c’est dans votre tête’ ; ‘vous vous rendez compte de ce que vous faites vivre à votre mari’, ou encore ‘vous engendrez une abstinence pour votre mari’. Si elles peuvent éviter ce genre de propos, c’est un traumatisme en moins."

Un soutien qui se matérialise de diverses façons : "Nous menons des actions d’entraide au quotidien à travers des conférences de professionnels ou des rencontres conviviales durant lesquelles les femmes peuvent partager leurs expériences. Ce sont des moyens de donner aux femmes des informations récentes sur le sujet et de leurs exposer de nouvelles pistes de traitements. Nous avons également mis en place une permanence téléphonique gratuite une fois par mois avec une sexologue pour nos adhérentes."

Le vaginisme secondaire, une forme moins répandue

Beaucoup moins répandu, le vaginisme secondaire concerne les femmes ayant récemment accouché, pour qui il s’est passé parfois beaucoup de temps sans rapports sexuels, ou qui a pu subir une épisiotomie

"Même si la cicatrice n’est plus vraiment douloureuse, la sensation fait qu’elle a un vaginisme secondaire et il est fréquent que l’arrivée d’un bébé ne favorise pas forcément une reprise sexuelle ‘normale.’ Il s’agit alors de cas psychiques, avec un point de départ somatique. Mais ces cas sont beaucoup plus rares et se résolvent le plus souvent par eux-mêmes", conclut la gynécologue. 

Autres causes possibles : des vulvo-vaginites à répétions, une vestibulodynie ou des traitements contre les cancers hormonos-dépendants (cancers du sein, du col de l'utérus, de l'ovaire), qui induisent une ménopause précoce. Privées d'hormones à vie, de nombreuses femmes souffrent alors de vaginites atrophiques et d'effets secondaires graves associés (sécheresse vaginale, infections gynécologiques, douleurs lors des rapports sexuels...). Problème : les traitements remboursés pour soulager les effets de la ménopause sont à base d’hormones et interdits aux malades et ex-malades de cancer. À ce propos, Rose Association a lancé une pétition (petition.rosemagazine.fr) et le hashtag #cancersexemetoo en mars 2018 dans le but d'interpeller les ministres de la Santé et des Droits des Femmes.

* Citation de Danièle Choukroun, sage-femme ayant travaillé aux côtés du Pr Willy Pasini, psychiatre et sexologue très médiatisé dans les années 90.
* Les prénoms ont été modifiés.