Barthes et la tyrannie de la langue : épisode • 1/4 du podcast Le langage

Roland Barthes en 1978 ©AFP - Ulf Andersen / Aurimages
Roland Barthes en 1978 ©AFP - Ulf Andersen / Aurimages
Roland Barthes en 1978 ©AFP - Ulf Andersen / Aurimages
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Pourquoi Roland Barthes vit-il le langage comme une maladie ? Pourquoi la langue est-elle "fasciste" selon le mot du sémiologue ? En quoi consiste son pouvoir ? Pour cette introduction à la sémiologie barthésienne, Adèle van Reeth s'entretient avec Eric Marty.

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Le langage n’est pas la langue, la langue n’est pas le discours, le discours est autre que la parole, la parole ne se réduit pas aux mots, les mots sont plus que des lettres, les lettres qui existent sans les sons, les sons qui ne forment pas toujours des phrases, les phrases qui ne constituent pas à elles-seules un langage. Dans le langage, on tourne facilement en rond. Puisqu’en parler c’est déjà le solliciter. Comment alors lui tendre un miroir sans le déformer par notre subjectivité ?

Le langage est un pays dans lequel nous pouvons voyager, comme on arpente un terrain familier dont chaque recoin nous paraît, de plus près, étranger. Le langage, par définition, on n’y pense pas puisque c’est lui qui nous fait penser. Mais à le tenir pour acquis, hors de soi, immobile, il s’assèche, et fige la pensée dans des postures incapables de dire ce que nous voulons dire. C’est que le langage n’est pas à notre service. Il est un pouvoir, une tyrannie même qui, même lorsqu’on en fait un jeu, s’impose à nous avec insolence, et parfois, humiliation. Essayez de le dompter, il montrera les crocs. Mieux vaut renoncer à toute domestication. Comment alors se faire entendre dans ces mots qui ne sont pas les miens ?

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Pourquoi Roland Barthes vit-il le langage comme une maladie ? Pourquoi la langue est-elle "fasciste", selon le mot du sémiologue ? En quoi consiste son pouvoir ? Pour cette introduction à la sémiologie barthésienne, Adèle van Reeth s'entretient avec Eric Marty, écrivain, essayiste et professeur de littérature française à l’Université Paris Diderot-Paris 7.

Eric Marty : La position de Barthes vis-à-vis du langage se caractérise par une ambivalence totale, qui est celle également de tous les penseurs de sa génération. Ce qui caractérise les penseurs du structuralisme, et les "modernes" en général, c’est une entreprise totale de maîtrise de la pensée, du discours, et du langage. Et cette maîtrise est contradictoire parce qu’ils veulent maîtriser le langage comme système et, à la fois, ils affirment que l’homme est fait par le langage. Alors comment maîtriser ce qui nous fait ? Il y a là une sorte d’impossibilité, une position qui mène forcément à l’imposture. Comme le soulignera Lacan quand il dira qu’il n’y a pas de métalangage, de langage qui viendrait couvrir le langage lui-même.

À réécouter : Roland Barthes
Roland Barthes au Collège de France

Textes lus

  • Roland Barthes, « Je vois le langage » dans Roland Barthes par Roland Barthes, 1975, dans Œuvres complètes, IV, Seuil, 2002, p.735
  • Roland Barthes, Le mythe, aujourd’hui, 1957, dans Œuvres complètes, tome 1, Seuil, 1993, p.699-700

Extraits diffusés

  • Leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France prononcée le 7 janvier 1977)
  • « Archives du XXe siècle Roland Barthes », 01/01/1971
  • L’Etranger (1942) (lu par Michael Lonsdale, 2002)

Musiques diffusées

  • J.S. Bach par Jacques Loussier, Pastorale in do minore
  • Angelo Badalamenti, Moving through time
  • Barbara, Publicité DS Citroën
  • Roy Eldridge, Les tricheurs
  • Léo Ferré, Ta parole

Bibliographie

  • Roland Barthes, Le théâtre du langage , documentaire de Chantal Thomas et Thierry Thomas, Arte DVD
À réécouter : Roland Barthes
Roland Barthes au Collège de France

La chronique « 2 minutes papillon » de Géraldine Mosna-Savoye

  • Paolo Virno, Essai sur la négation et Usage de la vie, Editions de l’Éclat

La chronique 2 minutes papillon : Lundi 14 mars 2016

2 min

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