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Etats-Unis : Aaron Appelhans, premier shérif noir de l’Etat très conservateur du Wyoming

Seuls 5 % des shérifs sont afro-américains à l’échelle nationale et c’est la première fois en cent trente et un ans que cela arrive dans un Etat encore « très raciste », selon l’organisation américaine de défense des droits civiques.

Publié le 24 mars 2021 à 18h40, modifié le 25 mars 2021 à 18h35 Temps de Lecture 4 min.

Aaron Appelhans a bien conscience qu’il n’est que l’un des quelque 650 Noirs qui vivent dans le comté d’Albany. Ici à Laramie (Wyoming), le 3 février 2021.

Il ne se passe en général pas grand-chose à Laramie, la grande ville du comté d’Albany, dans le sud-est du Wyoming (Etats-Unis). Cette enclave démocrate, dans laquelle résident un peu plus de 32 000 habitants, sur les 38 000 du comté, accueille la seule université de l’Etat. Il y a une dizaine d’années, elle a été désignée par Money Magazine comme l’une des destinations idéales pour prendre sa retraite aux Etats-Unis : les impôts y sont peu élevés et il y a de l’espace, à foison.

Fin 2020, la promotion d’Aaron Appelhans n’est toutefois pas passée inaperçue. A l’âge de 39 ans, il a prêté serment devant la juge Tori Kricken et a pris la direction du département du shérif du comté d’Albany. Il est ainsi devenu le premier shérif noir depuis que le Wyoming a été admis dans l’Union, il y a cent trente et un ans, le 10 juillet 1890. Une nomination symbolique à plus d’un titre.

« L’Etat de l’égalité »

A peine nommé, Aaron Appelhans a essuyé un tweet raciste de Cyrus Western, un élu républicain de l’Etat. Face au tollé, celui-ci lui a présenté des excuses. « Je savais que cela allait arriver, cela ne m’a pas surpris, raconte le nouveau shérif au New York Times. C’est quelque chose que j’ai eu à gérer tout au long de ma vie. Malheureusement, j’y suis habitué. »

Le Wyoming, parfois appelé « l’Etat de l’égalité », parce qu’il a été le premier du pays, en 1869, à accorder aux femmes le droit de vote et d’exercer des fonctions officielles, est aussi l’un des Etats les plus « blancs » des Etats-Unis. Et il « reste très raciste », confirme auprès de l’agence Associated Press Stephen Latham, président pour l’Etat de la National Association for the Advancement of Colored People, l’organisation américaine de défense des droits civiques.

Aaron Appelhans n’est que l’un des quelque 650 Noirs qui vivent dans le comté d’Albany. Au sein du service qu’il dirige – 42 agents dont cinq femmes –, il est le seul policier noir. Le comté ne dénombre, à part lui, que deux autres policiers noirs.

Le Wyoming est également l’un des Etats américains les plus conservateurs : 21 de ses 23 comtés ont voté pour Donald Trump lors des élections du 3 novembre, le président sortant l’emportant avec 69,9 % des voix. C’est, par ailleurs, à Laramie que Matthew Shepard, un étudiant, avait été torturé et assassiné en raison de son homosexualité, en 1998. Son meurtre avait profondément marqué les esprits. Il était alors devenu le symbole de toutes les victimes de violences homophobes.

L’image ternie du service

Originaire du Colorado, Aaron Appelhans s’est installé à Laramie il y a vingt ans. Il y a occupé divers postes au sein des forces de police locales et n’a pas fait campagne pour devenir shérif. Il a été nommé par les responsables du comté d’Albany le 11 décembre, pour prendre le relais et terminer le mandat du shérif David O’Malley, rappelle CNN. Son défi : rétablir la confiance entre la population et les forces de l’ordre locales, empoisonnée par deux affaires récentes, explique le New York Times.

Son prédécesseur a été poussé à la démission après la mort de Robbie Ramirez, abattu de trois balles, dont deux dans le dos, lors d’un contrôle routier en novembre 2018 par Derek Colling, un adjoint du shérif. Selon sa famille, Robbie Ramirez ne représentait, pourtant, aucune menace et souffrait de troubles mentaux. A la suite des faits, le shérif adjoint n’a fait l’objet d’aucune poursuite. Un grand jury a refusé en 2019 de le poursuivre pour homicide involontaire. Il appartient toujours au service de police, à un poste où il est moins en contact avec le public.

La famille de M. Ramirez a intenté un procès au comté d’Albany, lui réclamant 20 millions de dollars, arguant que les antécédents de Derek Colling n’ont pas été vérifiés avant d’être embauché dans le Wyoming. Il avait été licencié par la police de Las Vegas après avoir été impliqué dans deux fusillades mortelles et, plus tard, avoir violemment battu un homme qui avait essayé de le filmer en train d’intervenir.

Le bureau du shérif fait, par ailleurs, l’objet d’un autre procès, intenté par un étudiant de l’université du Wyoming qui accuse deux adjoints d’avoir fait pression sur lui pour qu’il retire une plainte.

Manque de diversité

Dans ce contexte, le shérif Appelhans admet qu’il a hésité avant d’accepter ce poste. Lors d’une interview sur CBS, il a rappelé combien sa profession avait encore du chemin à parcourir pour être plus inclusive. « Traditionnellement, les forces de l’ordre attirent toujours les mêmes personnes », explique le shérif, faisant référence aux hommes blancs. 

Les disparités raciales dans les bureaux des shérifs sont la règle, même dans les Etats où la population non blanche est importante, relève l’ONG Reflective Democracy Campaign. Les hommes blancs occupent 90 % des 3 000 postes de shérif aux Etats-Unis, alors qu’ils ne représentent que 30 % de la population. Seuls 5 % des shérifs à l’échelle nationale sont afro-américains. Selon les données les plus récentes, plus de 20 Etats du pays n’avaient élu aucun shérif noir.

« Bien sûr, quelqu’un aurait dû occuper ce poste plus tôt, mais il faut bien commencer quelque part », a expliqué M. Appelhans sur CBS. A son poste, il aura le dernier mot sur le recrutement : il entend embaucher davantage d’officiers noirs, latinos et féminins. S’il veut conserver son poste lors des élections 2022, Il devra faire campagne. Il a deux années pour convaincre.

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