Depuis jeudi 25 mars au matin, un professeur de religion britannique est en fuite. Cet enseignant, en poste depuis près de trente ans à la Batley Grammar School, dans la banlieue de Leeds (centre de l’Angleterre), a dû quitter son domicile avec sa compagne et demander protection à la police. Il est menacé et son nom circule sur les réseaux sociaux. L’assassinat du professeur français Samuel Paty, le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), est évidemment dans tous les esprits.

L’enseignant aurait montré, lundi 22 mars, des caricatures du prophète de l’islam dans sa classe, extraites – selon certaines sources – du magazine français Charlie Hebdo. Les circonstances de ce cours ne sont pas encore clarifiées. D’après les témoignages d’élèves cités par la presse britannique – et repris dans une pétition mise en ligne aux noms de certains d’entre eux –, « le professeur enseignait lors de ce cours le racisme et le blasphème. Il avait prévenu les élèves avant de montrer les images ».

Une trentaine d’hommes musulmans

Le soir même, des parents d’élèves se sont plaints auprès de l’école, située dans une ville où les musulmans représentent 41 % de la population. Le nom du professeur a ensuite été cité accompagné de menaces sur les réseaux sociaux, dans des messages appelant à l’organisation d’une manifestation aux portes de l’école. Jeudi matin, une trentaine d’hommes musulmans étaient rassemblés devant les grilles pour demander l’expulsion du professeur.

Dans un mail et un message vidéo, le directeur de l’école, Gary Kibble, « remercie les parents » qui l’ont contacté et leur présente « ses excuses sincères et sans équivoque ».

Le « matériel » utilisé pendant le cours était « totalement inapproprié », écrit-il, et susceptible d’« offenser gravement une partie des membres de notre communauté scolaire ». Il s’engage à retirer le « matériel » et à « suspendre le cours » en question, et même à « vérifier tout le programme de cours de religion pour s’assurer qu’aucune autre ressource ou déclaration inappropriée » n’y figure.

Menaces et intimidations inacceptables

Dans son message audio, il ajoute que l’enseignant a été « suspendu dans l’attente d’une enquête officielle indépendante » et que lui aussi a présenté ses « sincères excuses ». « Il est important que les enfants apprennent la foi et les croyances, mais cela doit être fait avec sensibilité », ajoute le directeur, en précisant que « l’école travaille en étroite collaboration avec le conseil d’administration et les responsables communautaires pour aider à résoudre la situation ».

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Ces mesures n’ont pas suffi à calmer les esprits. Bien au contraire, les manifestants étaient plus nombreux encore vendredi 26 mars, obligeant l’école à fermer ses portes. Selon la presse britannique, aucun des hommes présents n’était parent d’élève de l’école. Venus des villes alentour, certains ont indiqué qu’ils reviendraient jusqu’à l’annonce de l’expulsion définitive du professeur.

Devant l’ampleur des rassemblements, le ministère de l’éducation a publié un communiqué vendredi 26 mars encourageant « le dialogue entre les parents et l’école » et rappelant qu’il est « inacceptable de menacer ou d’intimider les enseignants ».

Y compris des sujets difficiles ou controversés

« Les écoles sont libres d’inclure une gamme complète de questions, d’idées et de matériels dans leur programme, y compris des sujets difficiles ou controversés », a également souligné le porte-parole du ministère de l’éducation. « Elles doivent trouver un équilibre avec la nécessité de promouvoir le respect et la tolérance entre les personnes de confessions et de croyances différentes, notamment en décidant du matériel à utiliser en classe ».

Quant au ministre en charge des communautés, Robert Jenrick, il s’est dit « choqué » de voir « des enseignants ou des membres du personnel des écoles qui se sentent intimidés ». « Les informations selon lesquelles un enseignant peut même se cacher sont très inquiétantes », a-t-il reconnu.