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Pour le gouvernement, le terme «islamophobie» est inapproprié

Le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) est un organisme interministériel français créé en 2006.
Le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) est un organisme interministériel français créé en 2006. Philippe LOPEZ / AFP

Le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation estime que ce terme «a été imposé par les islamistes» pour «interdire toute forme de critique à l'égard de l'islam radical».

Dans une série de tweets publiés lundi 29 mars, le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) a pris ses distances avec le terme controversé d' «islamophobie». Cet organe interministériel, créé en 2006, s'est vu confier depuis 2016 une mission de lutte contre la radicalisation. Son secrétaire général est Christian Gravel, un proche de Manuel Valls - lequel avait déjà déclaré en 2013 à L'Obs que «l'islamophobie est le cheval de Troie des islamistes».

Dans sa publication, le SG-CIPDR rappelle en préambule qu'il n'est «pas permis d'appeler à la haine ou aux discriminations contre des groupes religieux» mais qu'en revanche, «il est autorisé de critiquer des systèmes de croyance ou des conceptions philosophiques» au nom de la liberté d'expression. Il estime alors que «pour parler de la haine contre les musulmans, le terme 'islamophobie' est inapproprié puisqu'il confond stigmatisation des croyants et critique de l'islam», et précise que «les institutions utilisent l'expression 'racisme anti-musulman'».

Poursuivant la critique du terme «islamophobie», l'organe interministériel soutient également que ce concept «a été imposé par les islamistes avec pour objectif d'interdire toute forme de critique à l'égard de l'islam radical, sous couvert d'une défense - fallacieuse - de la religion musulmane» et même qu'il sert aujourd'hui pour les islamistes «à introduire un délit de blasphème», qui n'existe pas en droit français. Et de citer, en exemple, la diabolisation de l'œuvre du romancier Salman Rushdie, les attaques contre Charlie Hebdo ou l'assassinat de Samuel Paty. La conclusion est sans appel : «l'ostracisation des musulmans» est interdite et poursuivie, mais «l'État refuse d'utiliser ce terme d' 'islamophobie' qui n'est que l'arme des islamistes contre les libertés et la République».

La controverse autour du terme d'islamophobie ne date pas d'hier, et ce concept a été plusieurs fois critiqué dans les colonnes du Figaro, notamment par le sociologue Philippe d'Iribarne (auteur en 2019 d'un essai intitulé Islamophobie - Intoxication idéologique, publié chez Albin Michel), l'essayiste Pascal Bruckner, ou encore les philosophes Alain Finkielkraut ou Henri Peña-Ruiz. Si le droit français ne l'utilise pas, le concept d'islamophobie est toutefois repris à son compte par le Conseil de l'Europe, qui avait publié en 2005 un rapport intitulé «L'islamophobie et ses conséquences pour les jeunes».

Dans le débat intellectuel, des universitaires français continuent également à employer ce terme, à l'instar du sociologue Marwan Mohammed, qui a publié en 2013 Islamophobie : comment les élites françaises fabriquent le problème musulman (La découverte). Sur les réseaux sociaux, plusieurs chercheurs se sont désolidarisés de la publication du SG-CIPDR, comme l'historien Cédric Mas qui reproche au gouvernement de ne pas prendre en compte les travaux de certains «spécialistes». «Vous n'oseriez pas traiter d'islamistes les auteurs de ces travaux ?» a-t-il lancé à l'intention de l'organe interministériel.

Récemment encore, la querelle intellectuelle autour de cette notion avait agité Sciences Po Grenoble, où un professeur avait réclamé que le mot ne figure pas dans l'intitulé d'une «semaine pour l'égalité» organisée par l'établissement. Cette prise de position lui avait valu des remontrances de la part de ses collègues et des affichages hostiles sur la façade de l'IEP.

À VOIR AUSSI - François-Xavier Bellamy: «L'islamophobie est un concept dangereux»

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357 commentaires
  • chrif lunes

    le

    Donc, pour ce gouvernement nos concitoyens musulmans victimes d’actes et de propos islamophobes (terme utilisé fin du 19è début du 20è siècle) ne peuvent pas l’évoquer en France pays des droits de l’homme. Une régression. D’autre part, voilà des décennies qu’on dit tout et n’importe quoi notamment par des gens extrémistes qui n’ont pas de connaissance sur cette religion la seule à reconnaître nommément le judaïsme et le christianisme. Par conséquent, l’islam ne craint absolument pas la controverse. Il est reconnu par Voltaire comme « tolérant » et par Napoléon comme « la plus belle des religions ». Ainsi soit-il.

  • klauwaerts

    le

    Misislamique comme misogynie ou misanthropie.

  • k h

    le

    Cette agence gouvernementale ne fait que reprendre les âneries de Fourest et Bruckner, elle a d'ailleurs été livrée à ces ideologues. Le terme d'islamophobie etait déjà utilisé au début du 20 ème siècle dans l'administration coloniale française pour désigner des politiques discriminatoires ou favorables au musulmans. La thèse d'une invention par les islamistes est donc fausse, on peut dès lors se demander pourquoi elle est propagée par les idéologues de plateau qui veulent transformer les universités en plateau de cnews...

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