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Cultes ! 10 œuvres qui nous ensorcellent

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Publié le , mis à jour le
Elle n’a jamais été autant dans le vent : depuis les années 1970, la figure de la sorcière accompagne les luttes féministes de ses pouvoirs bienveillants – les militantes vont jusqu’à porter chapeaux pointus et robes noires lors des manifestations. Mais au cours de l’histoire de l’art, c’est bien en créature maléfique qu’elle a peuplé l’imaginaire des artistes… Preuve en est avec dix œuvres aussi envoûtantes que terrifiantes.
Miniature extraite du “Roman de Mélusine” du troubadour Coudrette
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Miniature extraite du “Roman de Mélusine” du troubadour Coudrette, 1401

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La plus médiévale

Héroïne d’une bande dessinée bien connue aujourd’hui (27 tomes signés Clarke et François Gilson ont paru depuis 1995), Mélusine est un personnage bénéfique extrêmement ancien, qui a connu différents récits et appellations selon les régions. Son histoire a été fixée par l’auteur Jean d’Arras au XIVe siècle, sur la demande du fameux bibliophile Jean de Berry. Un certain Coudrette a repris la légende quelques années plus tard, pour écrire Le Roman de Mélusine, dont ce manuscrit constitue l’une des rares versions illustrées. Sur ces deux vignettes, Mélusine apparaît à différents personnages, notamment auprès de nouveaux nés, son histoire étant liée aux naissances ; comme Jean d’Arras le décrit, « à partir du nombril elle avait une énorme queue de serpent ».

Coll. BnF, Paris • © akg-images

Antoine van Dyck, Renaud et l’enchanteresse Armide
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Antoine van Dyck, Renaud et l’enchanteresse Armide, vers 1629-1632

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La plus amoureuse

Bien connu pour ses portraits, le Flamand Antoine van Dyck (1599–1641) a également peint de très belles scènes mythologiques, dont ce double portrait entouré de Cupidons dodus. Créée par l’Italien Le Tasse pour son poème épique La Jérusalem délivrée (1581), Armide est une sorcière musulmane, réputée pour sa grande beauté, qui part en mission contre les Croisés. Fait inattendu, elle tombe amoureuse de l’un d’entre eux, Renaud, et multiplie les enchantements pour le séduire, notamment grâce à un miroir qui reflète son joli visage et envoûte le Croisé désarmé… Jusqu’à ce que deux chevaliers viennent le secourir. Antoine van Dyck montre ici la malice d’Armide et l’hébétement de Renaud, alangui et presque drogué…

Huile sur toile • 133 x 109 cm • Coll. musée du Louvre • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)

David Teniers Le Jeune, La Cuisine de sorcières
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David Teniers Le Jeune, La Cuisine de sorcières, vers 1635

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La plus gourmande (quoique)

Qui dit sorcière dit potion. Sur cette peinture du Flamand David Teniers le Jeune (1610–1690), la cuisine rejoint en tout point le rituel. En pleine nuit, alors que la pleine lune éclaire des filaments de nuages, une sorcière entourée de créatures monstrueuses prépare une mixture mystérieuse dans un chaudron. Un crâne posé sur le sol, évident symbole de mort, s’ajoute à une chauve-souris voletant au-dessus de sa folle chevelure pour signer une scène typique de sabbat. Grand miniaturiste, David Teniers le Jeune réalise ici une vision condensée d’une peur bien réelle : que les sorcières se réunissent la nuit et conspirent contre l’harmonie du monde.

Huile sur bois • Coll. particulière • © FineArtImages/Bridgeman

Johann Heinrich Füssli, Les Trois Sorcières
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Johann Heinrich Füssli, Les Trois Sorcières, après 1783

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La plus théâtrale

L’huile sur toile peinte par le Suisse Johann Heinrich Füssli (1741–1825) en 1783 s’inspire de William Shakespeare et de sa pièce Macbeth (1623), où les trois femmes sont sœurs et maîtresses du destin. Au nombre de trois comme les Parques de la mythologie romaine, ce sont elles qui annoncent à Macbeth qu’il deviendra roi, elles aussi qui incarnent le mal le plus noir – en réalité, elles ne connaissent pas l’avenir mais distillent la tentation qui poussera Macbeth au meurtre puis à la mort. Sous le pinceau de Füssli, leurs visages creusés, leurs tuniques aux plis sombres et leurs doigts tordus leur donnent plus que jamais des allures de mauvais augure. Une impression accentuée par la répétition anguleuse des profils…

Huile sur toile • 75 x 90,2 cm • Coll. The Royal Shakespeare Company Collection, Stratfordupon-Avon

Katsushika Hokusai, Démon riant
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Katsushika Hokusai, Démon riant, 1830

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La plus nippone

Une tête échevelée, un sourire aux dents acérées, des cornes et des ongles pointus comme des poignards… Cette représentation de l’archétypale Yama-Uba (« sorcière des montagnes ») japonaise, signée par le maître de l’estampe Katsushika Hokusai (1760–1849), en reprend les gimmicks avec un malin plaisir. Les rides arrondies (évidemment, la sorcière est une vieille femme seule) complexifient les visages et le teintent d’une joie malsaine ; près de sa bouche, des traces de sang font écho à la tête de bébé tranchée qu’elle tient à la main comme une simple balle. Car ne l’oublions pas : la Yama-Uba mange les voyageurs perdus !

Estampe • 25,9 x 18,3 cm • Coll. particulière • © FineArtImages/Bridgeman

Luis Riccardo Falero, La Vision de Faust
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Luis Riccardo Falero, La Vision de Faust, 1878

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La plus sensuelle

De l’Espagnol Luis Ricardo Falero (1851–1896), on n’en attendait pas moins. Grand amateur de nus, de scènes orientalistes kitschissimes et de visions fantastiques crémeuses, l’artiste exprime dans cette composition aérienne son talent emphatique – et son goût pour les chairs jeunes et galbées. L’inspiration lui vient du Faust de Goethe (1832), qui décrit la « nuit de Walpurgis ». Une fête païenne, orgiaque, durant laquelle Méphistophélès amuse ses sens avec toutes sortes de sorcières et de démons ; Faust, quant à lui, a une apparition funeste, « une adolescente aux yeux de morte »… Un mauvais présage qui explique l’angoisse grise qui hante cette débauche de corps au milieu des nuages.

Huile sur toile • 145,4 x 117,5 cm • Coll. particulière • © Bridgeman Images

John William Waterhouse, Circe Invidiosa, Circe Poisoning the Sea
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John William Waterhouse, Circe Invidiosa, Circe Poisoning the Sea, 1892

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La plus maléfique

N’est-ce pas précisément le regard que vous adopteriez si vous deviez jeter un sort ? La tête penchée, le regard perçant, Circé fixe une coupe d’eau d’un vert vif, étonnamment lumineux, déjà transformée par son désir jaloux. Amoureuse de Glaucos, elle est furieuse que celui-ci lui ait demandé de fabriquer un philtre d’amour pour séduire la sublime nymphe Scylla. Circé concocte alors un poison et le verse dans la fontaine où se baigne sa rivale… Celle-ci se transformera en monstre. Sur cette toile aussi haute et verticale qu’une colonne, peinte par John William Waterhouse (1849–1917) – un Britannique proche des Préraphaélites –, Circé flotte sur l’eau et nous donne quelques frissons…

Huile sur toile • 180,7 × 87,4 cm • Coll. Art Gallery of South Australia, Adelaide

Ivan Iakovlevitch Bilibine, La Sorcière Baba Yaga
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Ivan Iakovlevitch Bilibine, La Sorcière Baba Yaga, 1902

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La plus russe

Peintre et décorateur de théâtre, Ivan Iakovlevitch Bilibine (1876–1942) est devenu très célèbre grâce à ses superbes illustrations de contes. Cette image de la sorcière cannibale Baba Yaga est tirée de Vassilissa la Belle et est emblématique de ce que l’on a appelé le « style Bilibine ». Des contours noirs délimitent les couleurs, à la façon d’un vitrail. La palette est un camaïeu élégant de bruns et de vert ; la composition est chargée, la forêt envahissant tout l’espace, seulement ponctuée des points de couleur rouge des petits champignons. Un décor terrifiant, hanté par la sorcière aux bras immenses, aussi rêches que des branches d’arbre…

Illustration tirée de L'Histoire de 'Vassilissa The Beautiful' • Coll. particulière • © Archives Charmet / Bridgeman Images

Mission Citroën Centre-Afrique - "Croisière Noire" 14 mars 1925, Sorcière malouba “Asumini”
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Mission Citroën Centre-Afrique - "Croisière Noire" 14 mars 1925, Sorcière malouba “Asumini”

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La plus documentaire

Entre le 28 octobre 1924 et le 26 juin 1925, le constructeur automobile Citroën organise une grande expédition à travers l’Afrique pour faire connaître ses voitures et ouvrir une ligne motorisée. La Société de géographie en profite pour organiser un reportage qui comptera 6000 photographies, afin de faire connaître aux Français les paysages et les habitants de leurs colonies. Cette image d’une sorcière malouba « Asumini » témoigne de cet intérêt documentaire, mais aussi d’une domination par l’image : la femme maquillée et parée pose devant l’objectif de façon frontale, exposée au regard curieux comme un objet étrange…

Coll. musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du quai Branly - Jacques Chirac) / Jean-Gilles Berizzi

Pierre Joseph, La sorcière (Personnage à réactiver) ; vue de l’exposition “Histoires sans sorcière”, Maison de la Vache qui rit, Lons-le-Saunier, 2014
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Pierre Joseph, La sorcière (Personnage à réactiver) ; vue de l’exposition “Histoires sans sorcière”, Maison de la Vache qui rit, Lons-le-Saunier, 2014, 1993

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La plus vivante

Depuis le début des années 1990, le Français Pierre Joseph (né en 1965) invite super-héros et créatures légendaires à parasiter des événements (vernissages, expositions…) ; journalistes, visiteurs et professionnels cohabitent alors avec les images vivantes, ou sculptures vivantes, de personnages fictifs. Dès le lendemain, une photographie les remplace et rappelle leur existence ; le propriétaire de la photo est alors libre de « réactiver » le personnage, comme cette sorcière dont le vol en balai s’est fini droit dans le mur… Et qui, soit dit en passant, nous évoque une métaphore du « backlash » (ou retour de bâton) défini par la journaliste Susan Faludi, bien connu des féministes – ou quand le triomphe de l’égalité hommes-femmes finit toujours par être détrompé.

Cibachrome marouflé sur aluminium • Coll. Frac Provence-Alpes-Côte-d'Azur • Courtesy Air de Paris / Photo Martin Argyroglo

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