L’Occident pourrait devenir totalement infertile en 2045

L’Occident pourrait devenir totalement infertile en 2045
Image d'illustration © Jens Johnsson / Unsplash (CC)

Dans un livre récemment paru, le duo de scientifiques Shanna H. Swan et Stacey Colino montre que le nombre de spermatozoïdes produits dans les pays occidentaux a chuté de 59 % entre 1973 et 2011. Si la trajectoire actuelle se poursuit, ce chiffre pourrait atteindre zéro dès 2045. Une dégringolade qui sera au cœur des débats lors du Grand Tribunal pour les Générations Futures organisé par Usbek & Rica sur la thématique Faut-il encore faire des enfants ? qui aura lieu au Théâtre Mogador le 26 juin prochain.

La pandémie va-t-elle faire chuter le taux de fécondité ? D’après l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), en tout cas, le nombre de naissances enregistrées en France en janvier a chuté de 13 % par rapport à janvier 2020. Une baisse inédite depuis 1975, dans un contexte « de crise sanitaire et de forte incertitude, [qui] a pu décourager les couples de procréer ou les inciter à reporter de plusieurs mois leurs projets de parentalité », selon l’Institut d’études statistiques. Certes, le nombre de naissances en France est en baisse constante depuis six ans, mais l’Insee note que la chute observée en janvier est « sans commune mesure avec les baisses qui ont pu être observées dans le passé ».

La procréation assistée généralisée en 2045 ?

Une tendance qui reste à confirmer, donc… et à laquelle pourrait bien s’ajouter un autre phénomène encore plus global. Celui de la présence, dans notre organisme, de certaines substances chimiques aux effets nocifs sur la fertilité. C’est ce que met en évidence le duo de scientifiques Shanna H. Swan et Stacey Colino dans un nouveau livre récemment paru en anglais, Count Down - How Our Modern World Is Threatening Sperm Counts, Altering Male and Female Reproductive Development, and Imperiling the Future of the Human Race (éditions Simon & Schuster, 2021).

Dans une interview accordée au quotidien britannique The Guardian, Shanna H. Swan, par ailleurs professeure à l’école de médecine du Mont Sinaï à New York, va jusqu’à réitérer des craintes qu’elle avait déjà formulées il y a quelques années, déclarant que « la plupart des couples pourraient avoir recours à la procréation assistée en 2045 ».

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Extrait de la couverture du livre © Simon & Schuster

Dans une étude qu’elle avait co-signée en 2017, Swan montrait en effet que le nombre de spermatozoïdes produits dans les pays occidentaux avait chuté de 59 % entre 1973 et 2011. Si cette courbe poursuit sa trajectoire actuelle, prévient-elle aujourd’hui, ce chiffre pourrait atteindre zéro dès 2045. Une forme d’infertilité « totale » qui ne signifierait pas pour autant la fin des naissances – notamment grâce au développement de la PMA (procréation médicalement assistée) – mais pourrait les faire diminuer drastiquement. « C’est un peu inquiétant, c’est le moins qu’on puisse dire », estime Shanna H. Swan.

Dans le détail, Count Down démontre que ce sont les « substances chimiques du quotidien » que l’on trouve dans les emballages alimentaires, les jouets, les cosmétiques ou encore les pesticides qui affectent durablement notre système endocrinien. Les phtalates et le bisphénol A sont plus particulièrement visés par les deux auteurs «  car ils font croire au corps humain qu’il dispose de suffisamment d’hormones – testostérone ou œstrogènes – et qu’il n’a donc pas besoin d’en fabriquer davantage ». La taille et la forme des organes génitaux seraient aussi affectées.

Phénomène cumulatif

« Les phtalates abaissent les taux de testostérone et ont donc une influence particulièrement mauvaise côté masculin, par exemple en provoquant la diminution du nombre de spermatozoïdes, détaille Swan dans son interview au Guardian. Le bisphénol A, lui, imite les œstrogènes et est donc particulièrement nocif côté féminin, augmentant les risques de problèmes de fertilité. Mais il peut également faire chuter la qualité du sperme, la libido et provoquer des taux plus élevés de dysfonction érectile. »

« Une grande partie de l’exposition à ces matières se produit in utero, lorsque le fœtus se forme pour la première fois »

Le constat est d’autant plus inquiétant que l’exposition à ces substances commence… avant même la naissance. « Une grande partie de l’exposition à ces matières se produit in utero, lorsque le fœtus se forme pour la première fois, renchérit Swan. Les effets se poursuivent ensuite pendant l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. C’est un phénomène cumulatif : un fœtus femelle, in utero, développe déjà les ovules qu’il utilisera pour avoir ses propres enfants. »

Preuve de l’étendue du problème, une enquête publiée par Santé publique France en 2019 révélait que la présence de bisphénols et de phtalates dans le corps est généralement plus importante chez les enfants que chez les adultes. « L’alimentation participerait à 90 % de l’exposition totale », précisait à l’époque Santé publique France. Seules manières de minimiser les risques à l’échelle individuelle, selon Shanna H. Swan : manger, « dans la mesure du possible », des aliments non transformés comme « des carottes ou des pommes de terre cuisinés naturellement » ; éviter les poêles qui contiennent du téflon ou des molécules toxiques ; et « ne pas passer de matières plastiques au micro-ondes ».

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