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Tous les microbes du chocolat

Pas de fermentation, pas de chocolat. Un article de The Conversation rappelle combien les microbes font tout le prix du précieux aliment qui va être abondamment offert et dégusté en ce week-end de Pâques

Bon à savoir avant de déguster: ce ne sont pas les fèves elles-mêmes qui fermentent, c’est la pulpe qui les enveloppe dans la cabosse. — © (Wikimedia)
Bon à savoir avant de déguster: ce ne sont pas les fèves elles-mêmes qui fermentent, c’est la pulpe qui les enveloppe dans la cabosse. — © (Wikimedia)

Kimchi, choucroute et chocolat, même combat! C’est ce que rappelle la doctorante en sciences de l’alimentation Caitlin Clark dans The Conversation, dans un article opportunément sorti pour Pâques: le chocolat doit ses saveurs à la fermentation.

Lire l’article original: Chocolate’s secret ingredient is the fermenting microbes that make it taste so good

Tout commence avec des Theobroma cacao, ces arbres cacaoyers «qui auraient pu être dessinés par le Dr Seuss», avec de grandes coques ovales, les cabosses, poussant directement sur leur tronc. Les premiers qui ont su en tirer de la gourmandise furent les Olmèques, en Amérique centrale, il y a 3900 ans.

On ouvre les cabosses pour en retirer les graines et la pulpe, le mucilage. Les graines, maintenant appelées fèves, durcissent et s’égouttent en trois à dix jours, sur des feuilles de bananier, ou dans des caisses en bois: c’est là qu’intervient la fermentation, pendant cette phase cruciale de maturation.

© keystone-sda.ch
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La fermentation naturelle permet d’améliorer les qualités d’un aliment grâce à l’activité contrôlée des microbes, explique Caitlin Clark, c’est elle qui permet aux fèves amères, sinon sans goût, de développer les riches saveurs associées au chocolat.

Du vinaigre dans mon chocolat

La première étape est une fermentation alcoolique – tout comme la levure de la bière, la levure dans une fermentation de cacao produit de l’alcool en «digérant» la pulpe sucrée qui s’accroche aux fèves. […] Au fur et à mesure que le mucilage se décompose, l’oxygène entre dans la masse en fermentation et la population de levures diminue, à mesure que les bactéries aimant l’oxygène prennent le relais. Ces bactéries sont connues sous le nom de bactéries d’acide acétique car elles transforment l’alcool généré par la levure en acide acétique (oui, du vinaigre!).

L’acide pénètre dans les fèves et provoque des changements biochimiques. La plante qui poussait meurt. Les graisses s’agglomèrent. Certaines enzymes décomposent les protéines en peptides plus petits, qui auront une senteur très «chocolatée» au cours de la phase de torréfaction suivante. D’autres enzymes décomposent les molécules de polyphénols antioxydants, ces molécules qui valent au chocolat la réputation d’être un superaliment (le résultat c’est que, contrairement à cette réputation, la plupart des chocolats contiennent très peu de polyphénols, voire pas du tout, précise Caitlin Clark).

Le terroir, c’est le microbe

Toutes les réactions déclenchées par les bactéries de l’acide acétique ont un impact majeur sur la saveur. L’amertume des fèves de cacao s’adoucit et devient goût de noisette, et la couleur passe du pourpre au brun: la couleur du chocolat.

Enfin, à mesure que l’acide s’évapore lentement et que les sucres s’épuisent, d’autres espèces comme les champignons filamenteux et les bactéries Bacillus sporulantes prennent le relais. Leur prolifération peut tout ruiner cependant, «amenant des saveurs rances de fromage».

Tout ce processus de fermentation est sauvage, insiste Caitlin Clark, les producteurs de cacao comptent sur les microbes naturels de l’environnement pour créer des saveurs locales uniques. Ce sont ces microbes qui créent le «terroir», le parfum caractéristique d’un chocolat.

Framboises, abricots et sauvignon

La suite est connue: le séchage, puis la torréfaction. Les fèves sont ensuite écrasées avec du sucre et parfois du lait séché. A ce stade, le chocolat est prêt à être transformé en plaques, pralines ou confiseries.

La demande du marché pour des fèves de haute qualité augmente. Les fabricants de chocolats gourmands qui travaillent sur de petites quantités sélectionnent à la main les fèves en fonction de leur terroir, pour produire toute une gamme de saveurs de chocolat.

Et Caitlin Clark de s’emporter: «Une plaque de chocolat du domaine malgache d’Akesson peut rappeler les framboises et les abricots, tandis que les plaques du Pérou fermentées à l’état sauvage du chocolatier canadien Qantu donnent l’impression d’avoir été trempées dans du sauvignon blanc. Pourtant, dans les deux cas, les plaques ne contiennent rien d’autre que des fèves de cacao et du sucre.

C’est le pouvoir de la fermentation: changer, convertir, transformer. De l’ordinaire surgit l’extraordinaire – grâce à la magie des microbes.»

Bonne dégustation!

Plus de détails dans l’article original de The Conversation : Chocolate’s secret ingredient is the fermenting microbes that make it taste so good

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