Elyaas Ehsan appartient à la communauté Hazara, une communauté chiite discriminée en Afghanistan et ciblée par les Taliban. Crédit : DR
Elyaas Ehsan appartient à la communauté Hazara, une communauté chiite discriminée en Afghanistan et ciblée par les Taliban. Crédit : DR

Elyaas Ehsas, un journaliste afghan de 27 ans, redoute d'être expulsé vers la Suède. Il pourrait alors être renvoyé en Afghanistan, où il est menacé de mort par les Taliban. Il devait réaliser un test PCR ce lundi mais, en l'absence de son "consentement libre et éclairé", le laboratoire a refusé d'effectuer le prélèvement.

"Il va sûrement falloir que je disparaisse en attendant de pouvoir vivre en paix." Elyaas Ehsas, un journaliste afghan de 27 ans qui vit actuellement à Rennes, assure ne plus vraiment avoir le choix. Ce demandeur d'asile, en France depuis sept mois, est visé par une procédure d'expulsion du territoire français. Récemment, les choses se sont accélérées : ce lundi 5 avril, il était tenu d'effectuer un test PCR, sur décision de la préfecture, condition préalable, selon lui, à une expulsion.

"Je me suis présenté au laboratoire d'analyses à 11h du matin et j'ai expliqué ma situation au docteur, commente Elyaas Ehsas à InfoMigrants. Je lui ai dit que je risquais une expulsion [vers la Suède] qui pourrait aboutir à un renvoi dans un pays où je suis menacé par les Taliban. Le docteur a alors refusé de pratiquer ce test PCR."

Avant son rendez-vous, le journaliste avait adressé une lettre au personnel du laboratoire qui devait effectuer l'examen. InfoMigrants a pu en prendre connaissance. "Avant de réaliser ce test, je tenais à vous informer que cet acte va se faire sans mon consentement libre et éclairé comme l'exige la loi", y est-il écrit. "En effet, j'accepte de faire ce test PCR sous la contrainte, car le refus de cet acte sera considéré comme une obstruction à l'exécution d'une mesure d'éloignement et je risque une condamnation à une peine de prison."

Au pied de cette lettre, une mention manuscrite de la main du professionnel de santé stipule : "Au vu du contexte du patient, je ne souhaite pas effectuer le prélèvement PCR de Elyaas Ehsas".

"Nous pensons qu'il va être transféré dès le 7 avril"

Elyaas Ehsas, qui travaillait jusqu'en 2015 dans son pays pour une chaîne de télévision, appartient à la communauté Hazara, une communauté chiite discriminée et régulièrement cible d'agressions des Taliban.

Le jeune Afghan est actuellement assigné à résidence, dans un foyer pour demandeurs d'asile, à Rennes. 

"Avant chaque transfert dans un pays tiers, un test PCR négatif est exigé, et comme dans le cadre du règlement de Dublin M. Ehsas a vocation à être transféré en Suède, nous pensons qu'il va être transféré dès le 7 avril", avait indiqué la semaine dernière à l'AFP son avocat, Clément Père.

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En France, le jeune homme est considéré comme "dubliné", ce qui implique son renvoi vers le pays de l'Union européenne où il a été initialement enregistré. La Suède dans son cas. Le journaliste craint que les autorités suédoises ne décident de le renvoyer en Afghanistan. 

"En Suède, il a déjà fait une demande d'asile qui a été rejetée et il a épuisé toutes les voies de recours depuis septembre 2020. En France, il est demandeur d'asile mais en vertu du règlement de Dublin, sa demande d'asile n'a pas vocation à être étudiée dans notre pays mais par la Suède", avait poursuivi l'avocat. 

"Les Taliban ne plaisantent pas"

Elyaas Ehsas est terrifié à l'idée d'être renvoyé en Afghanistan. Quand il travaillait à Kaboul, les Taliban l'ont appelé et lui ont demandé de collaborer avec eux, a-t-il expliqué à l'AFP. Ils lui ont demandé de leur prouver qu'il était un "moudjahid" (combattant, ndlr) et un vrai musulman. Si ce n'était pas le cas, ils "viendraient le tuer", l'ont-ils prévenu.

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"Je ne peux pas prendre un tel risque pour ma vie une nouvelle fois. Les Taliban ne plaisantent pas", commente Elyaas Ehsas. "Ils ont déjà tué beaucoup de mes amis et ils peuvent facilement détruire une personne. Je suis une cible facile pour eux." 


Le cas de ce journaliste a suscité un mouvement de soutien en France. Une pétition s'opposant à son expulsion a rassemblé plus de 26 000 signatures. "Je suis très heureux que des Français me soutiennent et soutiennent les droits de l'Homme et la liberté d'expression. J'espère qu'un jour, j'obtiendrai gain de cause", poursuit l'intéressé.

Malgré ce soutien, Elyaas Ehsas se voit désormais contraint d'envisager une vie dans l'illégalité, pour éviter un renvoi. Une vie à devoir "survivre avec la peur des forces de l'ordre probablement pendant des mois".

 

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