Des gardes-frontière bosniens et croates face à des migrants, à Maljevac, en Croatie, en octobre 2018 (photo d'illustration). Crédit : Reuters
Des gardes-frontière bosniens et croates face à des migrants, à Maljevac, en Croatie, en octobre 2018 (photo d'illustration). Crédit : Reuters

L'association Danish Refugee Council a recueilli le témoignage d'une migrante afghane ayant tenté d'entrer illégalement en Croatie. Cette dernière affirme avoir été agressée sexuellement en février par des policiers croates qui l'ont forcée à se déshabiller, l'ont battue puis menacée à l'aide d'un couteau.

De nouvelles accusations ont été proférées à l'encontre des forces de l'ordre croates près de la frontière avec la Bosnie. Selon des détails rapportés par l'association Danish Refugee Council (DRC), une migrante afghane a été agressée sexuellement durant la nuit du 15 février par un officier de police croate.

La Commission européenne a réagi à ces accusations en jugeant qu'il s'agissait "d'un acte criminel présumé grave". Les autorités croates doivent "enquêter sur toutes ces accusations", a ajouté la Commission.

Les faits se sont produits en Croatie, près de la ville bosnienne de Velika Kladusa, selon le rapport du DRC qui s'appuie sur le témoignage de la principale intéressée. Cette nuit-là, raconte-t-elle, le groupe de quatre personnes dont elle faisait partie, parmi lequel se trouvaient deux enfants, est arrêté par la police alors qu'ils tentent d'entrer illégalement en Croatie. Le policier à qui ils ont affaire les tient en joue avec une arme à feu.

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Les migrants, afghans, expriment alors leur souhait de demander l'asile dans le pays, mais le policier déchire leurs documents en riant. Leur demande ne sera pas prise en compte.

"Il nous a insultés, il a giflé l'homme âgé qui était avec nous et il nous a dit de vider nos poches et de montrer nos sacs", détaille la femme, dont le témoignage a été repris par le journal britannique The Guardian qui a pu consulter le rapport du DRC. Elle a ensuite été amenée à l'écart du groupe.

"Il a commencé à toucher ma poitrine et je me suis mise à pleurer"

"[L'officier] a commencé à me fouiller", poursuit-elle. "Je lui ai dit qu'il ne devait pas me toucher. Il a demandé pourquoi. Je lui ai dit que c'était parce que je suis une femme musulmane et que c'est péché ["haram" dans le texte original, ndlr]. L'officier m'a alors donné un coup sur la tête et m'a dit : 'Si tu es musulmane, pourquoi es-tu venue en Croatie, pourquoi n'es-tu pas restée en Bosnie avec les musulmans ?'."

La victime présumée explique ensuite que le policier en question lui a retiré son foulard et sa veste. "Il a commencé à toucher ma poitrine et je me suis mise à pleurer", se souvient-elle, ajoutant qu'elle lui a donné les 50 euros qu'elle avait dans sa poche dans l'espoir que cela le fasse cesser. Mais l'agression sexuelle s'est poursuivie. 

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"Il m'a ordonné de retirer mon haut et j'ai refusé. Il a continué à me toucher, sur la poitrine et derrière, je pleurais beaucoup. L'officier m'a dit d'arrêter de pleurer, qu'il m'étranglerait si je continuais. J'étais terrifiée mais j'ai arrêté de pleurer."

Quelques instants plus tard, un autre officier de police a également demandé à cette femme de se déshabiller. "J'ai refusé et j'ai reçu une grosse gifle. On m'a dit : 'déshabille-toi'", raconte-t-elle encore. La migrante qui, en raison du froid glacial, était vêtue de six t-shirts et de trois pantalons, retire alors la plupart de ses vêtements et se couvre à l'aide d'une couverture. 

"Un officier est venu me toucher à travers la couverture, puis il m'a frappée en m'ordonnant de tout enlever, même mes sous-vêtements. Une fois nue, il m'a encore touchée. Il m'a dit : 'Je t'aime, est-ce que tu m'aimes ? Est-ce que tu veux que je t'emmène quelque part avec moi ?'".

Ce même officier a ensuite sorti un couteau. "Il l'a mis contre ma gorge et m'a dit que, si jamais je racontais quoi que ce soit à qui que ce soit, il me tuerait. Il a ajouté que si je revenais un jour en Croatie, ce serait la fin pour moi, dans la forêt, sous lui", dit-elle encore.

Après avoir été battus, les membres du groupe ont tous reçu l'ordre de retourner en Bosnie à pied.

"Pas la moindre preuve"

Le ministère de l'Intérieur croate, de son côté, a indiqué dans un communiqué que, le jour de l'agression présumée, "aucun traitement de femmes issues d'une population de migrants illégaux" n'avait été recensé. Les autorités ont par ailleurs déploré la pluie d'accusations qui vise de manière fréquente leurs forces de l'ordre, dépeignant la police comme un groupe "brutal et inhumain", "sans la moindre preuve", ont-elles regretté.

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De nombreuses accusations de violences, notamment sexuelles, sont en effet régulièrement rapportées dans cette zone frontalière. Le DRC a déjà étayé plusieurs agressions de la sorte, notamment des sévices sexuels. Selon le collectif "Border Violence Monitoring Network", des dizaines de femmes et de jeunes filles auraient par ailleurs subi des fouilles corporelles similaires à celles décrites dans le témoignage de cette migrante afghane par des officiers masculins de la police croate.

La mission de l'ONU en Bosnie a pour sa part appelé, le 5 avril, la Croatie et la Bosnie à enquêter sur encore d'autres cas de violences contre des migrants. L'agence affirme avoir vu 50 hommes "épuisés" et couverts de blessures marcher près de cette frontière vendredi après avoir été refoulés de Croatie.

Selon le DRC, près de 24 000 migrants ont été refoulés vers la Bosnie depuis la Croatie ces deux dernières années.

 

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