Dans l’ombre de la crise du Covid-19 et de l’accélération du changement climatique, croît discrètement mais inexorablement une crise de la faim. Entre les problèmes d’approvisionnement et les pertes dues au changement climatique, 88 millions de personnes souffraient de faim extrême dans le monde. Pour Antonio Guterres, il n’y a pas de fatalisme là-dedans, c’est l’Homme qui en est responsable et le conseil de sécurité de l’ONU a la responsabilité d’agir.

Il n’a pas tergiversé. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a averti jeudi le Conseil de sécurité qu’à défaut d’une "action immédiate", "des millions de personnes" risquent "la famine et la mort" dans le monde. "Les chocs climatiques et la pandémie de Covid-19 alimentent" le risque encouru, a-t-il souligné lors d’une réunion du Conseil sur le lien entre la faim et la sécurité. Il alerte : "plus de 30 millions de gens sont proches d’être déclarés en situation de famine" dans une trentaine de pays.
"Mon message est simple: si vous ne nourrissez pas les gens, vous alimentez les conflits", a-t-il martelé, en dénonçant la responsabilité de l’homme dans la création des famines. "La famine et la faim ne sont plus une question de manque de nourriture. Elles sont maintenant en grande partie fabriquées par l’Homme – et j’utilise le terme délibérément", a-t-il précisé. Selon lui, "au 21e siècle, il n’y a pas lieu d’avoir des famines".


Les gens sont affamés
L’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a aussi souligné qu’il n’y avait "aucune raison de ne pas fournir de ressources aux personnes qui en ont un besoin urgent". "Dans le monde d’aujourd’hui, la famine est causée par l’Homme. Et si cela est causé par nous, cela signifie que nous devons aussi l’arrêter", a-t-elle estimé. La directrice de l’ONG Oxfam International, Gabriela Bucher, confirme : "Les gens de ces régions ne meurent pas de faim. Ils sont affamés (…) Peu importe pour les affamés qu’ils soient affamés par une action délibérée ou par la négligence impitoyable des parties au conflit ou de la communauté internationale".
"Nous nous dirigeons droit vers la plus grande famine de l’histoire moderne", assure le patron du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley. "Environ 400 000 enfants pourraient mourir (de faim, ndlr) au Yémen cette année sans intervention urgente, soit un toutes les 75 secondes". "Allons-nous vraiment leur tourner le dos et regarder ailleurs ?", a-t-il demandé au Conseil de sécurité.
De la nourriture ou des armes
Le chef de l’ONU a quant à lui rappelé qu’"à la fin de 2020, plus de 88 millions de personnes souffraient de faim aiguë en raison des conflits et de l’instabilité, une augmentation de 20 % en un an". "Les projections pour 2021 indiquent une poursuite de cette tendance effrayante", a-t-il mis en garde, en indiquant qu’elles "montrent que les crises de la faim s’intensifient et se propagent dans le Sahel et la Corne de l’Afrique, et s’accélèrent au Soudan du Sud, au Yémen et en Afghanistan".
Antonio Guterres chiffre les besoins : "5,5 milliards de dollars de ressources supplémentaires", dit-il. Pour Gabriela Bucher d’Oxfam, la responsabilité des États ne s’arrête pas à des dons d’argent. Elle a dénoncé "une communauté internationale dont les États les plus puissants provoquent trop souvent la famine avec un approvisionnement abondant en armes" dans divers pays.
Le patron de l’ONU a annoncé la création au siège new-yorkais de l’ONU d’une "équipe spéciale de haut niveau sur la prévention de la famine", à laquelle contribueront des représentants du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Ludovic Dupin avec AFP

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