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Dans les archives de Match - Lauren Bacall et Humphrey Bogart, une balade aux puces de Saint Ouen

« Le Marché aux Puces, à Paris, est la promenade que le couple Bogart-Bacall préfère : Lauren pour le shopping, Humphrey pour le pittoresque. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951
« Le Marché aux Puces, à Paris, est la promenade que le couple Bogart-Bacall préfère : Lauren pour le shopping, Humphrey pour le pittoresque. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951 © Michou Simon / Paris Match
Clément Mathieu , Mis à jour le

En 1951, Lauren Bacall et Humphrey Bogart, de passage à Paris, avaient donné un premier rendez-vous à notre magazine... Avec Rétro Match, suivez l’actualité à travers les archives de Paris Match.

Quelle meilleure idée, pour un premier rendez-vous, que d’aller chiner ? La première fois que Match a rencontré Lauren Bacall et Humphrey Bogart, en avril 1951, le couple vedette d’Hollywood était de passage à Paris. Ennuyés par les mondanités, « Bogie » et « The Look» s'étaient échappés pour une longue promenade dans les allées du marché aux puces de Saint-Ouen. Nos reporters, le journaliste Pierre Galante et le photographe Michou Simon les avaient accompagnés. Époque bénie où les stars, même les plus grandes, étaient accessibles sans chichi...

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Couple mythique de cinéma s’il en est, Bacall et Bogart s’étaient rencontrés en 1944 sur le tournage du film «Le port de l’angoisse», improbable titre français de série B pour l’excellente adaptation de « To have and have not » d’Hemingway par Faulkner, sous la direction d’Howard Hawks. Elle était une jeune mannequin de 19 ans, la fille en vogue. Lui, à 44 ans, était déjà une vedette de l’écran. Bacall lui a demandé s’il savait siffler , Bogart était tombé sous le charme...

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Lauren Bacall et Humphrey Bogart avaient célébré les noces l’année suivante, et enchaîné trois autres films ensemble dans la foulée. Trois chefs-d’œuvre : « Le Grand Sommeil », « Les Passagers de la nuit », « Key Largo ». En 1951, Bogart s'apprêtait à tourner l’« African Queen » de John Huston, qui lui vaudra son unique Oscar. Lauren Bacall, pour sa part, commençait à faire le tri parmi les scripts sans saveurs qu’on lui servait par millier. Et il faudra attendre 1953 pour la revoir au cinéma, dans « Comment épouser un millionnaire »...

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Voici le reportage consacré à la venue de Lauren Bacall et Humphrey Bogart à Paris, tel que publié dans Paris Match en 1951.

Découvrez Rétro Match, l'actualité à travers les archives de Match...  

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Paris Match n°107, 7 avril 1951

Humphrey Bogart montre Paris aux plus beaux yeux d’Amérique

Reportage Pierre Galante - Couverture et photos Michel Simon

Lauren Bacall s'est fait tutoyer par une marchande des « Puces »...

« Lauren Bacall est à Paris avec son mari Humphrey Bogart » - Couverture de Paris Match n°107, 7 avril 1951
« Lauren Bacall est à Paris avec son mari Humphrey Bogart » - Couverture de Paris Match n°107, 7 avril 1951 © Michou Simon / Paris Match

Lorsque Humphrey Bogart et sa femme Lauren Bacall, le couple des « durs » impitoyables des films policiers américains, débarquèrent à Paris la semaine dernière, leur premier soin fut de bondir chez le concierge du Ritz pour lui arracher la lettre qui leur donnait des nouvelles de leur petit garçon de deux ans, Stephen, qu'ils ont laissé à Hollywood.

A l'escale de Chicago, Humphrey et Lauren — les plus beaux veux d'Amérique — avaient appris que la nurse de leur fils avait été tuée accidentellement quelques heures après leur départ. Impossible de faire demi-tour. Humphrey téléphona à des amis de Hollywood pour les charger de trouver d'urgence une remplaçante. La lettre qui les attendait à Paris contenait une série de photos de Stephen dans les bras de la nouvelle nurse.

– Du moment qu'elle a, elle aussi, une blouse blanche et lui donne régulièrement ses bouillies, je pense que Stephen ne s'apercevra pas du changement ! déclara Humphrey Bogart.

Lauren Bacall et Humphrey Bogart au Ritz de Paris, en avril 1951.
Lauren Bacall et Humphrey Bogart au Ritz de Paris, en avril 1951. © Michou Simon / Paris Match

Lorsqu'il descendit de l'avion à Orly, Bogart s'exclama :
- Ça fait du bien de respirer de l'air pur !
Un reporter d'un journal parisien de gauche traduisit ainsi cette confidence :
« Bogart trouve l'air plus respirable en France qu'en Amérique, où l'on étouffe. »
On craignait un éclat du redoutable « tueur » de l'écran. Mais il se contenta d'éclater de rire, enchanté de l'absurdité comique de cette interprétation tendancieuse.

Humphrey Bogart et sa femme sont à la fois aux antipodes de l'image que se fait le grand public des vedettes hollywoodiennes et du type de personnages élémentaires qu'ils incarnent à l'écran. Humphrey, qui est fils d'un célèbre chirurgien, est extrêmement fin et cultivé. Il compte parmi ses amis intimes les romanciers Ernest Hemingway et Louis. Bromfield.

Son horreur des snobs et des mondanités est presque pathologique, comme sa répugnance à s'« habiller ». Il porte le plus souvent des pantalons de marin en grosse toile bleue, et, comme Bing Crosby, des vestes claires à carreaux.

« Sa garde-robe : 5 tailleurs et 3 robes sévères, sauf celle du soir, en dentelle. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951
« Sa garde-robe : 5 tailleurs et 3 robes sévères, sauf celle du soir, en dentelle. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951 © Michou Simon / Paris Match

Lauren Bacall dévore à tous ses moments perdus des romans historiques et psychologiques. Elle ne suit aucun « régime de vedette », mange quand elle a faim et à sa faim, et se maquille très peu. Tous les jours, elle ajoute une page à son journal.

Dans leur appartement de l'hôtel Ritz, ils se sont efforcés de recréer dès leur arrivée une atmosphère familière. Les murs sont tapissés de photos de Stephen, de leur villa de Beverly Hills (qu'ils ont achetée à Hedy Lamarr), de leur bateau. Dans l'intimité, Humphrey appelle Lauren « Baby ». Elle l'a surnommé « Bogie ». Lauren a sorti de ses malles cinq tailleurs, deux robes noires de dîner, une robe du soir, une cape et un manteau de vison. Toutes ses chaussures portent à l'intérieur l'inscription : Mme Humphrey Bogart.

Humphrey et Lauren, dès leur arrivée à Paris, et entraînés par des amis, ont visité quelques boîtes de nuit. Leur première soirée les a déçus.

Ce n'est pas cela que nous sommes venus chercher à Paris ! a déclaré Humphrey, qui conservait un souvenir ému de leur premier « lunch » en France, à l'auberge du « Soleil d'Or », sur la route du Havre à Paris.

Le canard au sang de la « Tour d'Argent » a réconcilié Humphrey avec Paris. Après le dîner, les deux époux sont rentrés à pied à leur hôtel. Lauren a été « très surprise du nombre de jeunes femmes qui se promènent seules le soir, dans les rues de Paris ».

Lauren s'est précipitée chez les couturiers parisiens. Elle avait pris auparavant rendez-vous chez chacun d'eux par téléphone.
- Je leur parlais en français, mais malheureusement, avoue-t-elle, ils me répondaient tous en anglais.

« Le dîner à la “Tour d'Argent”, Humphrey a voulu goûter le célèbre “canard au sang”. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951
« Le dîner à la “Tour d'Argent”, Humphrey a voulu goûter le célèbre “canard au sang”. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951 © Michou Simon / Paris Match

Humphrey et Lauren ont passé leur meilleur après-midi parisien au « Marché aux Puces », Lauren a voulu y négocier deux petites boîtes en cristal.
- 2.000 ! annonça la marchande. Pour vous ce sera 1.500 francs.
- 15.000 ! s'écria Lauren inquiète. Je crois que c'est trop cher !
- Mais non, ma belle, corrigea la marchande, j'ai dit 1.500! Si tu fais toutes tes affaires comme ça, toi !...

Finalement Lauren obtint les deux boites pour 1.200 francs ! Ravie, elle annonça à son mari que, grâce à son français, elle venait de gagner 300 francs. Humphrey bougonna indistinctement.
- Je reviendrai la semaine prochaine, conclut Lauren un peu vexée, mais sans Mister Bogart.

Humphrey manifeste toujours un peu d'inquiétude lorsque sa femme se livre à sa passion dominante, le « shopping ». Il cherche surtout à l'éloigner des marchands de tableaux.

- Elle achèterait un Renoir tous les jours !

Il la pousse à collectionner de préférence les cendriers des cafés. Lauren pourrait à son tour reprocher à son mari sa manie des énormes pourboires.

- C'est un vice de touriste, avoue-t-il, qui s'ajoute aux nombreux autres que j'avais déjà !

« Sa trouvaille aux “Puces” : coffret et tabatière, 1.500 francs. Lauren croyait : 15.000. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951
« Sa trouvaille aux “Puces” : coffret et tabatière, 1.500 francs. Lauren croyait : 15.000. » - Paris Match n°107, 7 avril 1951 © Michou Simon / Paris Match

C'est peut-être aussi en souvenir de son ami intime, le reporter et nouvelliste Mark Hellinger, mort il y a trois ans, qu'Humphrey fait montre de cette générosité fastueuse. Cette amitié l'a profondément marquée. Hellinger est l'auteur de plusieurs scénarios de films comme The Killer (Le Tueur) et Naked City (La Cité sans voiles).

Hellinger avait deux passions : boire et dépenser. Il faisait pleuvoir de fastueux pourboires. Sans doute le souvenir des années de misère qu'il avait connues, celui de son père et de son frère qui moururent pauvres sans qu'il pût les aider poussait-il Hellinger, devenu riche, à faire des heureux autour de lui.

Lorsqu'il apercevait dans un restaurant un ami qu'il savait gêné, il appelait discrètement un maître d'hôtel et anonymement, réglait l'addition de son ami.

Il disputait volontiers avec Humphrey Bogart des matches d'endurance au whisky qu'il gagnait régulièrement, en dépit de la réputation de buveur endurci que la publicité a bâtie autour de l'acteur. Réputation entièrement imaginaire, mais qui fait partie du personnage de « tough guy » sous les traits duquel le public aime à se représenter Bogart.

L'agent de publicité d'une boite de nuit new-yorkaise très célèbre en abusa même, il y a quelques années pour monter de toutes pièces un « incident » burlesque destiné à appâter la clientèle.

Bogart était venu là boire un verre avec un ami. Tous deux placèrent à leur côté deux grands ours en peluche qu'ils avaient achetés pour leurs enfants. Une jeune femme voulut s'emparer d'un de ces ours. Bogart la repoussa. De connivence avec l'agent de publicité de la boîte, elle porta plainte, prétendant avoir été brutalisée et demanda une indemnité de 10.000 dollars (3 millions et demi de francs). Elle perdit le procès car Bogart put prouver que les prétendues marques de coups que la jeune femme exhibait au tribunal avaient été dessinées avec du crayon noir à maquillage.

On peut simplement retenir à la charge d'Humphrey qu'en 1947, sa femme avait fait poser sur la clôture de leur maison l'écriteau suivant :

« Danger ! Alcool et Bogart au travail ! Prière de ne pas discuter : politique, religion, femmes, hommes, cinéma, théâtre. »

Humphrey et Lauren ont commencé tous deux leur carrière d'artiste à l'échelon le plus modeste. Leur réussite a été lente, et le fruit d'un long travail.

Lauren Bacall aux puces de Saint Ouen en avril 1951.
Lauren Bacall aux puces de Saint Ouen en avril 1951. © Michou Simon / Paris Match
Humphrey Bogart aux puces de Saint Ouen en avril 1951.
Humphrey Bogart aux puces de Saint Ouen en avril 1951. © Michou Simon / Paris Match

Humphrey Deforrest Bogart (c'est son nom véritable) est né le 25 décembre 1900 à New-York. Son père était chirurgien et sa mère artiste peintre. Elle avait étudié la peinture à Paris en 1895, et était diplômée de l'école des Beaux Arts. Son père n'avait d'autre ambition pour Humphrey que de le voir devenir à son tour chirurgien. Mais il passa le plus clair de son séjour à l'université à faire du ski. A dix-sept ans, les Etats-Unis étant entrés en guerre, il s'engagea en cachette · dans la marine. A la fin des hostilités, il tenta sans succès sa chance dans la finance, à l'échelle modeste d'employé de banque. Peu après, il accepta d'entrer comme régisseur dans un théâtre. Bientôt il obtint de petits rôles puis de plus grands. Ses vrais débuts à l'écran datent de La Forêt pétrifiée. En 1943, avec Casablanca, il fut désigné comme le meilleur acteur de l'année.

Lauren est née également à New-York le 16 septembre 1924. Aussitôt après l'école elle choisit la carrière de « covergirl », posant pour les plus célèbres magazines américains. Elle habitait le « Barbizon Hôtel » qui ne reçoit que des jeunes filles, et dont l'entrée est interdite aux hommes. Seuls les médecins traitant les pensionnaires sont autorisés à en franchir le seuil. A dix-huit ans elle obtint un petit rôle à Broadway, Le producteur Howard Hawks remarqua sa photo dans la revue de inode Harper's Bazaar. Quelques semaines plus tard, Lauren Bacall était engagée à Hollywood. Lauren fit connaissance d'Humphrey en tournant à ses côtés To Have and Have not, tiré du roman d'Hemingway. Ils se sont mariés le 21 mai 1945 à la ferme « Malabar » à Mansfield, dans l'Ohio, chez leur ami l'écrivain Louis Bromfield.

Lauren Bacall au Ritz de Paris, en avril 1951.
Lauren Bacall au Ritz de Paris, en avril 1951. © Michou Simon / Paris Match

Aujourd'hui, Humphrey Bogart, qui est l'acteur le mieux payé de Hollywood (il « fit » près de 117 millions de francs en 1948) possède sa propre compagnie de production pour laquelle il tourne un film tous les ans, en plus de celui qu'il doit suivant ses contrats, à la Warner Bros. Le dernier réalisé pour cette firme est « The Enforcer ».

Son prochain film sera tourné en Afrique, au Kenya, par le metteur en scène John Huston, réalisateur du Trésor de la Sierra Madre et de Quand la ville dort (Asphalt Jungle) que Bogart considère comme le cinéaste le plus accompli de Hollywood. Ce film, qui portera le titre d'African Queen, est tiré d'un roman de C. S. Forrester et retrace un épisode de la Première Guerre mondiale. Bogart y aura Katharine Hepburn pour partenaire.

Lauren et Humphrey resteront deux mois en Afrique et reviendront ensuite à Londres pour tourner les « intérieurs » en studio. Leur fils, Stephen, viendra alors les rejoindre. Ils espèrent pouvoir passer tous leurs week-ends à Paris et visiter, lorsque le film sera terminé, la Riviera et l'Italie. Ensuite, Lauren tournera un film pour la compagnie de son mari.
- Serez-vous payée ? lui demanda au cours d'une récente interview un journaliste américain.
- Évidemment, répondit-elle. Vous ne pensez pas que je travaille pour rien ?
- Pourquoi devrai-je la payer? coupa Humphrey. D'après la loi californienne, elle possède la moitié de ce que j'ai. La moitié de ma compagnie lui appartient.
Le reporter se retira discrètement..

Lauren Bacall, pour Paris Match, 1951
Lauren Bacall, pour Paris Match, 1951 © Michou Simon / Paris Match

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