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Ligue du LOL : deux ans après, le New York Times reconnaît ses erreurs
Le quotidien américain est revenu sur sa première version des faits, deux ans après l'éclatement de l'affaire.
John Nacion / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Ligue du LOL : deux ans après, le New York Times reconnaît ses erreurs

Mea culpa

Par Théo Moy

Publié le

Plus de deux ans après le scandale de la « ligue du LOL », le « New York Times » a publié une importante correction de son article de 2019. Le journal américain reconnaît dans un court texte les erreurs du récit médiatique qui s’est imposé à l’époque et qu’il a reprises. Un rectificatif courageux qui pourrait inspirer les rédactions françaises.

Revenir sur ses erreurs, les corriger et en informer ses lecteurs. Ces principes élémentaires de la déontologie journalistique font cruellement défaut lorsque l’on évoque l’affaire de la « ligue du LOL ». Ce mercredi 14 avril, le New York Times a mis à jour l'article qu'il avait consacré en 2019 à cette polémique et reconnu les manquements de la version d'origine.

En février dernier, Marianne publiait une enquête sur le traitement médiatique de la « ligue du LOL ». Voici ce que nous écrivions : « Si des femmes ont bien été harcelées sur Twitter au début des années 2010 par de jeunes journalistes et communicants, la coordination de raids de harcèlement depuis un mystérieux groupe Facebook n’a jamais été établie ».

Licenciements abusifs

Cette coordination présumée a pourtant été au cœur du traitement médiatique de l'histoire. Résultat : tous les membres de ce groupe, y compris des femmes dont nous avions recueilli le témoignage, ont été accusés de harcèlement et parfois licenciés abusivement, comme plusieurs entreprises le reconnaîtront plus tard.

Cet amalgame a aussi pu nuire aux femmes qui affirment avoir subi du harcèlement. Certaines d'entre elles ont depuis souligné les failles de cette médiatisation. Exemple dans cette note de blog : « Je tiens à écrire ici que "La ligue du LOL" ne m’a jamais harcelée. Des individus qui appartenaient à ce groupe FB l’ont fait. Je souhaite marquer cette différence car je refuse le récit médiatique de ce qui est devenu une affaire ».

Nombreuses modifications

Dans le corps de son article, le New York Times a procédé à de nombreuses modifications pour corriger cet amalgame entre le groupe Facebook et les personnes accusées de harcèlement. Ainsi, le 12 février 2019, le premier paragraphe indique : « Les rumeurs étaient là depuis des années : un groupe Facebook privé incluant de nombreux journalistes hommes français en pleine ascension était derrière des vagues d’insultes en ligne des moqueries et du harcèlement ciblant des femmes de ce milieu ». En 2021, il est désormais écrit : « Les rumeurs étaient là depuis des années : plusieurs journalistes et professionnels des relations publiques masculins français en pleine ascension étaient responsables d'avoir insulté, moqué et harcelé des femmes en ligne ».

Le quotidien aux 7,5 millions d’abonnés a également changé le titre de son article. « Un groupe Facebook de journalistes français a harcelé des femmes pendant des années » est transformé en « Des accusations de harcèlement en ligne jettent des médias français dans la tourmente ». Dans l'article, il ajoute également que « certaines des accusations de cyberharcèlement accusent globalement la Ligue du LOL sans citer de personnes précises ».

Dans une note sous la nouvelle version de son article sur l’affaire, le New York Times reconnaît qu’il a relayé ce récit d’un groupe où s’organisaient des raids de harcèlements alors que « seuls certains membres du groupe ont été accusés ». « À plusieurs endroits, l'article était trop général, suggérant ou affirmant carrément que l'ensemble du groupe était responsable », explique sans détour le quotidien.

Un « soulagement »

Si cette correction peut sembler anodine, elle correspond à ce que réclament les victimes collatérales de cette affaire depuis deux ans. Ces personnes se sont parfois retrouvées associées à des faits de harcèlement sans qu’aucune accusation ne les vise personnellement. En France, rares sont les médias qui sont revenus sur ces erreurs factuelles, embarqués dans un « storytelling » redoutable. En février dernier, plusieurs journalistes français ont raconté à Marianne s’être vu opposer une fin de non-recevoir alors qu’ils souhaitaient revenir sur les erreurs commises à l’époque.

Une membre du groupe Facebook dénoncée à tort en 2019 témoigne aujourd’hui auprès de Marianne de son « soulagement » que des médias reviennent « enfin dessus ». « J’ai besoin d’avoir une autre histoire gravée dans le marbre, plus proche de la vérité, pour pouvoir expliquer à mes enfants ce qui s’est passé, et ce qu’ils ont vécu », explique-t-elle. Pour elle, cette correction de la part d’un « grand média étranger » perçu comme très progressiste « envoie un signal à la presse française qui n’a pas voulu reparler de ce qui est devenu un gros tabou ». Au-delà de « l’aspect déontologique », elle salue une démarche « humaine » : « Pour le New York Times c’est pas grand-chose, mais pour nous c’est énorme ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne