AstraZeneca et Moderna : une sous-utilisation confirmée par les chiffres de vaccination
Environ 70% seulement des doses livrées de ces deux produits ont été administrées, contre plus de 90% pour Pfizer. La défiance ainsi que des problématiques logistiques peuvent l’expliquer.

Les images témoignent des doutes qui planent sur le vaccin AstraZeneca. Un centre de vaccination à Nice, proposant ce produit aux catégories prioritaires âgées de plus de 55 ans, a été contraint de fermer ses portes samedi après-midi… faute de volontaires. Même topo dimanche à Paris, où aucune file d’attente n’a été constatée dans une caserne de pompiers, rapporte l’AFP.
De façon plus globale, les données de Santé publique France confirment que ce vaccin n’est pas autant utilisé qu’il le pourrait. Au 17 avril, un peu plus de 3,4 millions de doses AstraZeneca ont été utilisées, sur 4,6 millions de doses livrées (jusqu’au dimanche 18 avril, chaque livraison hebdomadaire étant datée du jour de fin de semaine). Cela fait un taux d’utilisation de 74 %, mais celui-ci serait en réalité inférieur. En effet, « les livraisons des doses de ce vaccin postérieures au mercredi d’une semaine donnée sont comptabilisées dans les livraisons de la semaine qui suit », est-il indiqué sur data.gouv.fr. Ainsi, les livraisons réalisées jeudi et vendredi sont comptabilisées à la semaine prochaine.
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Moderna affiche un taux d’utilisation encore inférieur, à 68 % (1,3 million de doses utilisées sur 1,9 million de doses livrées). Mais attention : aucune livraison n’est prévue cette semaine, donc le total de doses livrées ce dimanche restera le même jusqu’à dimanche prochain. Le taux d’utilisation va donc mécaniquement grimper tout au long de la semaine.
« On rame »
Ces deux produits restent quoi qu’il en soit bien moins utilisés que Pfizer, solidement en tête avec plus de 92 % des 13,3 millions de doses administrées. Ces trois ratios sont très proches de ceux communiqués par le ministère de la Santé la semaine dernière. En Île-de-France, les taux d’utilisation sont respectivement de 93% des doses livrées pour Pfizer, 74% pour Moderna et 74% pour AstraZeneca.
Quelles sont les raisons de ce désamour apparent ? D’un côté, AstraZeneca fait fuir de nombreuses personnes pourtant éligibles, témoignent les professionnels de santé sur le terrain. « On ne va pas se le cacher, on rame », témoigne le médecin Luc Duquesnel, qui coordonne les huit centres de vaccination dans la Mayenne. À longueur de consultation prévaccinale, il passe son temps à expliquer que le rapport bénéfice risque est favorable, malgré les risques de thrombose.
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« Pfizer, il y en a pour 5 minutes, le temps de remplir le questionnaire. Mais pour AstraZeneca, il faut prendre le temps d’expliquer, de convaincre… Certains sont d’accord, d’autres n’en veulent pas. Déjà qu’il n’avait pas bonne presse et qu’il est moins efficace contre les variants, les thromboses ont été le coup de grâce », renchérit François Bricaire, membre de l’Académie de médecine, qui vaccine tous les matins à l’Hôtel-Dieu. « On a un gros travail à faire pour rétablir la confiance dans le vaccin AstraZeneca », a reconnu le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, ce lundi matin sur Europe 1.
Concernant Moderna, « c’est une aberration que les rendez-vous soient pris à des rythmes différents que Pfizer », s’agace le ministère de la Santé. « Ce sont des frères jumeaux, qui ont les mêmes caractéristiques et pourraient même être interchangeables », appuie-t-on. Certains médecins estiment que ce vaccin paie aussi un déficit de notoriété, lié au faible nombre de doses reçues. « On a l’impression qu’il y a de la confusion et que les gens ne veulent que du Pfizer. Personne ne parle de Moderna, mis dans le même panier qu’AstraZeneca », juge l’infectiologue Benjamin Davido.
Janssen, le prochain fiasco ?
Luc Duquesnel pointe une autre problématique, plus logistique. « On en reçoit dans des quantités beaucoup plus faibles, et on doit en garder en quantité suffisante pour faire les rappels », indique-t-il. L’allongement du délai entre les deux doses de 28 à 42 jours pourrait permettre d’écouler plus vite le stock. Moderna va aussi être administré prochainement en pharmacie en Moselle, avant une expérimentation à tout le pays envisagée en juin. Par ailleurs, il pourrait être utilisé pour la deuxième injection des 530 000 personnes de moins de 55 ans qui ont reçu une première dose d’AstraZeneca.
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Quoi qu’il ne soit, Pfizer confirme son statut de vaisseau amiral de la vaccination en France. En attendant Janssen, dont les premières injections doivent débuter en fin de semaine. Mais là aussi, les choses risquent de coincer. Ce vaccin, fonctionnant sur le même principe qu’AstraZeneca, est lui aussi ciblé sur les 55 ans ou plus en raison du risque de thrombose. « J‘ose espérer qu’on n’en commande pas trop », se désole François Bricaire. 8,1 millions de doses de ce produit sont attendues d’ici à fin juin.