Chronique. La Biélorussie est ce pays où le seul fait d’afficher des chaussettes rouge et blanc peut vous conduire en prison. Si vous filmez l’interpellation d’une jeune femme portant ces couleurs, c’est aussi la prison. Ou si vous êtes surpris à chanter et danser dans la rue quand vous ne devriez ni chanter ni danser dans la rue. Pourtant, jour après jour, des Biélorusses manifestent.
Les peines tombent : de plusieurs mois à quatre voire six ans d’emprisonnement ferme pour troubles graves à l’ordre public ou atteinte à la sécurité d’un régime qui n’aime pas les chaussettes de couleur. Dans son bureau de l’Assemblée nationale, à Paris, ce jeudi 15 avril, Frédéric Petit tient les comptes : « Deux cent cinquante jours déjà et pas une semaine sans que, d’une façon ou d’une autre, des Biélorusses n’entretiennent le mouvement de protestation né le 9 août dernier. » « Ils sont inventifs », ils créent et recréent les signes extérieurs de leur opposition au régime dans un climat de répression continue, dit le député de la 7e circonscription des Français de l’étranger (Europe centrale et orientale). Frédéric Petit est un polyglotte, passionné, amoureux de son « terrain ».
Retour en arrière. Le 9 août 2020, Alexandre Loukachenko, 65 ans, dont vingt-cinq de dictature, ancien militaire mais portant encore volontiers la casquette soucoupe volante des généraux de l’Armée rouge, est « réélu » à la tête de ce pays de 9,5 millions d’habitants : 80,2 % des suffrages. Inconsolable nostalgique de l’URSS, Loukachenko est prudent : quelques mois avant le vote, il a jeté en prison l’un de ses principaux opposants, le courageux blogueur Sergueï Tsikhanovski. Mais la femme de celui-ci, Svetlana Tsikhanovskaïa, paisible mère de famille de 37 ans, a pris le relais et suscité un immense enthousiasme populaire – que ne traduit pas son score officiel (9,9 %).
Au moins 450 cas de torture avérés
Unanimement perçu comme le résultat d’une fraude monstrueuse, le scrutin a provoqué des semaines de manifestations massives, d’une ville à l’autre, réprimées avec une particulière brutalité : 6 morts, des dizaines de milliers d’arrestations, tabassage des détenus et, selon un rapport de l’ONU, au moins 450 cas de torture avérés. Andreï Vaitovich, tout jeune journaliste franco-biélorusse, aujourd’hui installé à Paris, dénonce la probable intervention de mercenaires ukrainiens, encagoulés, venus de la région du Donbass, où la Russie entretient une « république » sécessionniste.
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