Pourquoi il faut prendre les menaces de Poutine (très) au sérieux
Par Vincent Jauvert
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Bien plus que l’arsenal nucléaire américain et les sanctions économiques européennes, c’est le spectre d’une révolution qui inquiète réellement le leader du Kremlin et son clan.
A quoi joue Vladimir Poutine, qui, mercredi 22 avril, a menacé les Occidentaux comme jamais ? Tente-t-il seulement de reprendre l’ascendant sur son homologue américain qui l’a récemment traité de « meurtrier » ? Ou fait-il savoir au monde – et à son peuple – que toute tentative de remettre en cause son pouvoir pourrait réellement déclencher une guerre secrète féroce, voire un affrontement armé ?
Mercredi, lors de sa traditionnelle adresse au Parlement, le chef du Kremlin a dénoncé ces pays pour lesquels, selon lui, « s’en prendre à la Russie pour tout et n’importe quoi est devenu une sorte de sport ». Puis il a brandi une menace. « J’espère que personne n’aura l’idée de franchir une ligne rouge avec la Russie. Mais nous déterminerons nous-même par où elle passe », a-t-il déclaré promettant une riposte « asymétrique, rapide et dure », c’est-à-dire une série d’actions clandestines violentes.
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Quelles sont ces « lignes rouges » ? L’inamovible porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, a précisé qu’il s’agissait notamment de l’ingérence extérieure dans la vie politique russe. Autrement dit, Poutine vise le soutien de l’Occident aux partisans d’Alexeï Navalny, le principal opposant au Kremlin, qui est en grève de la faim depuis son incarcération dans un camp de prisonniers et dont l’état de santé inquiète ses amis et médecins.
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La peur d’une révolution
Car, bien plus que l’arsenal nucléaire américain et les sanctions économiques européennes, ce qui terrifie vraiment Vladimir Poutine et son clan, c’est le spectre d’une révolution de couleur en Russie. Rien n’inquiète davantage le FSB que ces mouvements non-violents souvent organisés par des jeunes, parfois conseillés par des ONG occidentales, auxquels les plus âgés, exaspérés par la corruption et l’inaction des gouvernants, finissent, de temps à autre, par se rallier.
Aux marches de l’empire, en Géorgie et en Ukraine, mais aussi en Serbie, les services russes ont étudié avec grande minutie les méthodes de ces groupes qui, ces dernières années, ont réussi, grâce à de multiples petites actions pacifiques, à faire descendre dans la rue des centaines de milliers de citoyens et, ainsi, à balayer le pouvoir place. Le FSB a ensuite concocté des mesures concrètes, répressives et de contre-propagande, pour tuer dans l’œuf ces initiatives. Et elles ont marché.
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Jusqu’à quand ? La double crise économique et sanitaire, l’emprisonnement de Navalny dont l’injustice apparaît de plus en plus évidente même aux yeux des Russes les plus réfractaires à l’opposant et la décision de Poutine de modifier une fois encore la Constitution afin d’être en capacité de demeurer au pouvoir jusqu’en 2036, tout cela crée un terreau favorable comme jamais à l’émergence d’une colère populaire immaîtrisable.
Voilà pourquoi Poutine menace l’Occident et son peuple. Il faut prendre au sérieux un homme et un clan qui ont tant accumulé et tant à perdre. Sans évidemment laisser tomber Navalny et ses amis.