Moscou réprime durement les soutiens d'Alexeï Navalny

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Moscou réprime durement les soutiens d'Alexeï Navalny

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Une rue de Saint-Pétersbourg bloquée par des policiers anti- émeutes lors de manifestation pro-Navalny le 21avril 2021
Une rue de Saint-Pétersbourg bloquée par des policiers anti- émeutes lors de manifestation pro-Navalny le 21avril 2021
© AFP - Olga Maltseva

Le monde dans le viseur. Malgré l’interdiction de se rassembler, des milliers de Russes sont descendus manifester dans une centaine de villes pour soutenir Alexeï Navalny, le principal opposant au régime de Vladimir Poutine. Le dissident est toujours emprisonné et dans un état de santé préoccupant.

Aux cris de "Laissez les médecins entrer !", "Poutine tueur" ou encore "Liberté !", des milliers de Russes sont sortis ce mercredi 21 avril dans les rues de Moscou, de Saint-Pétersbourg et dans une centaine d'autres villes pour exprimer leur colère contre l'emprisonnement d'Alexeï Navalny. La police russe a interpellé au moins 1 784 personnes lors de ces rassemblements, a indiqué l'ONG spécialisée OVD-Info.

Le principal opposant au régime du président Poutine est incarcéré depuis février dernier dans une colonie pénitentiaire à l’est de Moscou. Alexeï Navalny a entamé une grève de la fin le 31 mars pour dénoncer ses conditions de détention, avant d'y mettre fin ce vendredi. Il accuse l’administration pénitentiaire de lui refuser l’accès à un médecin et à des soins. Ce même mercredi, le président russe prononçait son discours annuel sur l'état de la Nation. Il n'a pas dit un mot sur l'état de santé de l'opposant.  

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La photo de la manifestation a été prise mercredi 21 avril dans les rues de Saint-Pétersbourg par Olga Maltseva de l'AFP, l'Agence France Presse. Au premier plan, une rangée de policiers russes anti-émeutes équipés de casque, gilet pare-balle, matraque et bouclier. Ils sont sur le pied de guerre dans l'attente de l'arrivée des manifestants. 

On distingue une foule au loin dans le centre historique de Saint-Pétersbourg. Le ciel est dégagé et au milieu, au moins trois gilets jaunes. Ce sont des journalistes venus couvrir l'évènement. Olga Maltseva a choisi de se placer derrière les forces de l'ordre pour saisir cet instant. 

Une perspective vertigineuse

Pour son confrère Ammar Abd Rabbo, on a une première impression de vertige avec la perspective de la photo. "La photographe s’est vraiment mise dans l’axe pour avoir cette perspective qui donne beaucoup d’ampleur à la photo et au mouvement. _On a l’impression que nous-mêmes allons nous engouffrer dedans, qu’on va suivre, que ça va aller loin__. En plus il s’agit de Saint-Pétersbourg"_, ajoute le photojournaliste "avec ses immeubles anciens, cela inscrit l’évènement dans l’histoire."

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Tweet du journal Novaya Gazeta : À Moscou, sur la place Rozhdestvenskaya, les gens scandent : "Cela ne peut pas être gardé silencieux".

Habituellement, explique Ammar Abd Rabbo, la photo idéale est la confrontation entre l’homme armé, casqué et le manifestant - souvent une femme – qui fait tout de suite fonctionner l’opposition de manière frappante. "Je pense à la photo de Marc Riboud 'La jeune fille à la fleur' [une femme face aux forces armées à Washington aux Etats-Unis en 1967 pour dénoncer la guerre au Vietnam] ou à l’homme de la place Tian'anmen en 1989 devant une colonne de chars" [prise par l’Américain Jeff Widener le 5 juin 1989]. 

"Il y a souvent cette opposition qu’on va rechercher dans une manifestation", poursuit le photographe, "alors que cette image-là est superbement renouvelée car on est derrière la muraille de policiers armés, il y a un côté Robocop. Et de l’autre côté, on devine au fond ces civils qui nous ressemblent et qui peut-être viennent vers les forces de l’ordre. Cette masse sombre et violente de policiers avec leur casque, leur matraque, leur bouclier, apporte un vrai contraste avec la clarté de la perspective qui s’ouvre devant nous, l’œil va vers l’horizon".

Les gilets jaunes de la presse

Pour Ammar Abd Rabbo, "ce qui est fabuleux ici, c'est la présence de trois ou quatre 'gilets jaunes' qui n'ont rien à voir avec ceux en France !" dit il. "Là, ce sont des journalistes au milieu des forces de l’ordre et des manifestants, ils viennent ponctuer l'image. On a l’impression d’un chapelet", détaille le photographe face à cette muraille d’hommes. "Cela donne une autre lecture assez intéressante sur la photographe et sa position".   

"Si la presse peut encore couvrir ces manifestations en Russie", analyse Ammar Abd Rabbo, "il faut rappeler qu’en Syrie il y a dix ans, les journalistes pouvaient difficilement faire des images puisque le photographe était lui-même une cible. Les manifestations étaient réprimées à balle réelle", dit-il. 

"Depuis une dizaine d’années, nous sommes devenus des cibles", poursuit Ammar Abd Rabbo, "alors que nous étions tolérés comme témoin auparavant. Aujourd’hui les  guerres sont devenues des guerres du récit, le récit est très important", explique t-il. "Le photographe ou le journaliste fait partie du récit, il est alors légitime pour les forces en présence de l’abattre ou de l’enlever parce que c’est un protagoniste et non plus juste un témoin".  

C'est aussi le cas en Russie où de nombreux journalistes critiquant la politique menée par Vladimir Poutine ont eux été assassinés. 

Photo journaliste franco-syrien, Ammar Abd Rabbo a vécu en Lybie, au Liban et en France. Son multiculturalisme lui a permis de saisir des moments historiques comme en 1992 dans cette Lybie sous embargo où Ammar Abd Rabbo a photographié le dirigeant Mouammar Kadhafi. En Syrie également, il réalise des clichés de la famille Assad. Ammar Abd Rabbo a aussi couvert les bombardements en Irak en 2003. Après 2011 et la répression des manifestations syriennes, le photographe, devenu persona non grata, se rend à Alep pour rendre compte du quotidien des civils, loin des images choc.  

Ces "Héros du quotidien" au Liban, en Syrie, en Jordanie et en Turquie, Ammar Abd Rabbo les a rassemblés le temps d’une exposition en ligne : " Karama".