Avoir raison avec... Antonio Gramsci

Antonio Gramsci dans les années 1930 ©Getty - Laski Diffusion
Antonio Gramsci dans les années 1930 ©Getty - Laski Diffusion
Antonio Gramsci dans les années 1930 ©Getty - Laski Diffusion
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Porté aux nues par Pasolini, cité par les politiques, Antonio Gramsci (1891-1937), journaliste et penseur italien, reste peu connu. Déçu par le socialisme positiviste, séduit par le communisme, engagé et militant, il fut emprisonné en 1926 où il rédigea 33 Cahiers de prison, une oeuvre monumentale.

Avec
  • Jean-Yves Frétigné Historien, maître de conférences à l’Université de Rouen-Normandie, spécialiste de l'Italie contemporaine
  • Christophe Mileschi Professeur en études italiennes (littérature contemporaine) à l’Université Paris Nanterre, co-directeur du CRIX, Centre de recherche italienne de l'Université Paris Nanterre, traducteur, écrivain

Antonio Gramsci, né en 1891 et mort en 1937, était un journaliste militant, coo-fondateur et dirigeant du Parti communiste italien, condamné à 20 ans de prison par le régime fasciste.
Nicolas Sarkozy ou Jean-Luc Mélenchon, des Etats-Unis à la Russie en pointillés depuis les années 70, ils ont tous à la bouche ses concepts : hégémonie culturelle, guerre de mouvement ou de position, victoire des idées, mécanisme révolutionnaire, mais à gauche ou à droite, à l’est ou à l’ouest, ont-ils bien compris de quoi parlait Gramsci ? Qui était-il ? Quelle était sa pensée ? Et comment faire appel aujourd’hui à sa philosophie de l’action, non pas à tort et à travers mais à raison ?

Partie 1 : Antonio Gramsci, journaliste et penseur engagé

avec Jean-Yves Frétigné, maître de conférence en histoire à l’Université de Rouen, membre du laboratoire du GRHIs (groupe de recherche d’histoire de l’Université de Rouen), ancien membre de l’école française de Rome

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Gramsci, journaliste et penseur italien

Il faut replacer Antonio Gramsci dans son terreau principalement italien, même s’il a vécu en Union soviétique, même s’il a été membre de l’Internationale communiste, même s’il a aussi vécu en Autriche, sa pensée s'est essentiellement forgée dans le contexte italien, ses concepts sont nés en rapport avec une situation italienne… Gramsci est né en Sardaigne, et on peut dire de lui qu’il "élargit" son horizon de vie : d'abord la Sardaigne, puis la nation italienne, et finalement l’international avec la rencontre de Lénine, plus importante selon moi que la rencontre avec Marx… Gramsci est un intellectuel qui fut très longtemps un journaliste, et indéniablement un penseur avec les "Cahiers de prison".                  
Jean-Yves Frétigné

L'écriture journalistique et l'écriture en prison

Dans son œuvre, il y a une ligne directrice qui est l’écriture d’articles, et les "Cahiers de prison" sont un autre genre d’écriture. En prison, il écrit sur des cahiers, les gardiens contrôlent chaque page numérotée, surveillent qu’elles ne circulent pas. Au sein de sa période de journaliste il y a encore des étapes. Il est assez peu connu puis devient rédacteur en chef de l'Avanti!, un grand journal socialiste, et cette dimension du journalisme est importante. Les cahiers c’est la volonté for ewig, pour l’éternité, une manière de contourner la censure, parler de choses qui ne sont pas d’actualité politique mais en réalité le sont dans une optique plus réflexive, en prison il va réfléchir sur l’histoire italienne, l’art, le roman feuilleton…                  
Jean-Yves Frétigné

Partie 2 : La pensée de Gramsci plane-t-elle sur les mouvements populaires contemporains ?

avec Christophe Mileschi, professeur en études italiennes (littérature contemporaine) à l’Université Paris Nanterre, co-directeur du CRIX, Centre de recherche italienne de l'Université Paris Nanterre, traducteur, écrivain, auteur de l’article Gilets jaunes, ou la révolte des subalternes dans la revue Historia Magistra (numéri 28, 2018), co-organisateur d'une journée d'étude en décembre 2018 sur les usages et mésusages de la pensée d'Antonio Gramsci

Considérer les Gilets Jaunes depuis une perspective gramscienne

Je vois l'oeuvre de Gramsci comme un sous texte des mouvements populaires ou une pensée qui peut fournir des outils conceptuels pour lire, comprendre ce qui se passe. Les Gilets Jaunes sont un bon exemple, on peut considérer ce mouvement depuis une perspective gramscienne avec des outils forgés par Gramsci, parce que sa pensée est complexe, mobile, ses concepts sont plastiques, jamais figés dans des définitions. Une des idées fortes de Gramsci c’est l’idée d’historicisation : inscrire y compris ses propres pensées dans l’histoire et considérer qu’une chose peut être vraie à un temps donné, et être utile dans le sens de l’émancipation des subalternes, mais plus tard se retourner en son contraire et devenir une idée qu’il faut abandonner parce qu’il faut repenser le temps présent. Donc ce n’est pas trahir Gramsci de rendre ses concepts dans la dynamique, leur donner leur historicité et les faire vivre en fonction de leur temps. C’est pour ça que Gramsci a eu tellement de succès en dehors d’Italie alors même que ses concepts sont nés dans un terreau italien...                  
Christophe Mileschi

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