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Non, l’innovation désintéressée n’existe pas (même chez Apple)

ÉDITORIAL. Les nouveaux paramètres de confidentialité proposés par Apple avec la version 14.5 d’iOS sont une bonne chose. Mais attention à ne pas se tromper sur les intentions du créateur de l’iPhone

Tim Cook, directeur d'Apple, le 20 avril 2021 en Californie.  — © Apple Inc./Handout via REUTERS
Tim Cook, directeur d'Apple, le 20 avril 2021 en Californie.  — © Apple Inc./Handout via REUTERS

Certains diront «à quoi bon ces nouveaux paramètres, de toute façon je suis pisté si souvent sur internet». D’autres penseront «quitte à voir de la publicité sur mon téléphone, autant qu’elle soit personnalisée». Pourquoi pas. Mais pour la majorité d’entre nous, les nouveaux paramètres de confidentialité proposés depuis lundi soir par Apple sur ses iPhone sont un événement. Car la version 14.5 du système iOS renverse totalement le jeu.

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Ce n’est plus à l’utilisateur d’aller lui-même au fin fond des paramètres de son téléphone pour essayer de ne plus être pisté par les annonceurs. Ce sont désormais à ces derniers de demander, pour chaque application, la permission de suivre en permanence l’utilisateur du smartphone. Cela change tout, car une partie très importante des propriétaires d’iPhone vont refuser d’être pistés jour et nuit. Facebook, et sa curiosité malsaine, en sera la première victime.

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L’initiative d’Apple est donc louable. Pour ses clients, bien entendu. Mais pas seulement: il semble impossible que Google n’introduise pas une fonction similaire pour ses téléphones tournant avec Android.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car derrière ces bonnes intentions, Apple voit beaucoup plus loin. La défense de la vie privée est devenue un fantastique argument marketing pour la firme dirigée par Tim Cook. A peu de frais: seule une infime fraction de son chiffre d’affaires dépend des annonces.

Si l’on prend davantage de recul, on observe qu’Apple, comme Google, est devenue si gigantesque qu’elle peut imposer des règles d’apparence dures et vertueuses à tout le monde, sans en payer elle-même le prix. Il y a quelques semaines, la marque à la pomme avait obligé tous les développeurs à créer des sortes d’étiquettes de confidentialité pour leurs apps: un moyen habile, pour Apple, de mettre en avant les vertus de ses propres applications.

Google joue le même jeu. La multinationale annonce depuis des mois vouloir tuer, sur son navigateur Chrome, les cookies publicitaires. Une initiative louable. Mais en réalité, Google n’a plus besoin de ces fichiers espions: la société en sait déjà assez, via ses services dont sont dépendants des milliards d’internautes, qu’elle peut se passer de ces cookies. Prime aux géants numériques, donc, qui peuvent dicter leurs règles en marginalisant leurs petits concurrents. Pour le bien commun, parfois. Pour étendre davantage leur empire, surtout.