James Bond passe au vert

‘’C’est à nous de nous assurer que ce qu’ils font réellement correspond à ce qu’ils ont signé’’, Richard Moore, patron du MI6 ©Getty - HollenderX2
‘’C’est à nous de nous assurer que ce qu’ils font réellement correspond à ce qu’ils ont signé’’, Richard Moore, patron du MI6 ©Getty - HollenderX2
‘’C’est à nous de nous assurer que ce qu’ils font réellement correspond à ce qu’ils ont signé’’, Richard Moore, patron du MI6 ©Getty - HollenderX2
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La lutte contre le changement climatique devient de plus en plus un enjeu de compétition entre Etats. Au point que les services de renseignement sont impliqués dans ce combat.

Laissez-moi commencer par un scoop : figurez-vous que j’ai entre les mains le scénario du prochain James Bond. L’essentiel de l’action se déroule en France, à Paris, dans un périmètre assez restreint entre l’hôtel Matignon et les Palais Bourbon et Iéna. 007 y est envoyé par le MI6 pour s’attirer les faveurs de Jean Castex et lui soutirer des renseignements à propos de la Convention citoyenne pour le climat. D’après les informations détenues par les Services de sa Majesté, le lobby de l’industrie pétrolière serait sur le point de faire capoter cette initiative en la travestissant sous la forme d’une prétendue ‘loi Climat’. Bond, obligé de troquer son Aston Martin contre un Vélib’ (puisqu’on ne peut plus circuler en voiture dans la capitale) réussira-t-il à stopper cette machination, à sauver les travaux de la Convention, et par ricochet à appuyer les efforts de son propre pays pour lutter contre le réchauffement ? Je ne vous en dis pas plus…

Vous trouvez ce scénario absurde ? Et pourtant, il ne l’est pas tant que ça. Car comme nous l’apprend une dépêche de l’Agence France Presse, les services secrets britanniques ont révélé avant-hier s’être lancés dans ‘’l’espionnage vert’’. L’espionnage vert, cela consiste en quoi ? A ‘’vérifier si les autres pays, et notamment les plus gros pollueurs du monde, tiennent leurs engagements en matière de changement climatique’’. Une confidence faite par le patron du MI6 en personne, Richard Moore, à l’occasion d’une interview dimanche à Times Radio : ‘’c’est à nous de nous assurer que ce qu’ils font réellement correspond à ce qu’ils ont signé’’.

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Cette déclaration n’a peut-être l’air de rien, mais elle en dit beaucoup sur la place prise désormais par l’enjeu climatique dans les relations internationales. On peut supposer que si les services de renseignements extérieurs britanniques se préoccupent de ces questions, ils ne sont pas les seuls. C’est un véritable enjeu de souveraineté. En l’occurrence, il s’agit de défendre les intérêts du Royaume-Uni, lequel vient encore de relever ses ambitions en matière d’émissions de gaz à effet de serre : une diminution de 78% d’ici à 2035 par rapport à 1990.

Cette compétition dans l’affichage d’objectifs ambitieux est une excellente chose. Le leadership mondial passe désormais par une politique climatique volontariste. Le nouveau président américain Joe Biden l’a bien compris. Le sommet sur le climat qu’il organisait à distance en fin de semaine dernière, et auquel a participé une 40aine de dirigeants mondiaux, avait notamment pour objet de montrer à quel point les Etats-Unis étaient de retour sur ce dossier, prêts à prendre la tête du combat plutôt que de laisser la place à leurs adversaires (notamment les Chinois).

Mais entre l’affichage et la réalité, il y a souvent un décalage. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler quelles étaient les ambitions de l’accord de Paris de 2015 et de voir ce qui a été accompli pour comprendre que le volontarisme a bien du mal à passer des paroles aux actes. Or si la dimension compétition est importante pour stimuler les pays (sur l’air de ‘’c’est moi le meilleur’’), la lutte contre le changement climatique suppose en même temps, et avant tout, un haut niveau de coopération entre eux. Il faut que tout le monde joue le jeu, et s’assurer que certains ne se comportent pas en passagers clandestins, c’est-à-dire en pays qui profitent des efforts des autres sans en fournir eux-mêmes (un peu comme quand vous faites semblant de chanter dans une chorale).

D’où la déclaration dimanche du patron du MI6, en forme d’avertissement : nous ouvrons l’œil et nous ne manquerons pas de le faire savoir si nos partenaires essaient de nous embobiner. D’où le scénario –plausible- du prochain 007 : ‘’James Bond passe au vert’’ (sans son Aston Martin).

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