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Marlène Schiappa
Réflexion

La laïcité, garante de la liberté des femmes

Septembre 2018 : l’antenne de Marseille du Planning familial affirme sur les réseaux sociaux que l’excision peut être « un choix » pour les femmes. Le souci de cet acteur historique du combat féministe : ne pas stigmatiser certaines traditions religieuses. Novembre 2020 : un député pourtant progressiste s’étonne que l’État veuille renforcer sa lutte contre la polygamie. C’est un « mode de vie » comme un autre, ose-t-il affirmer. Non seulement la tentation de céder aux intégrismes religieux n’a pas disparu, mais elle a même contaminé une partie de la gauche. Les premières victimes de ce retour de l’obscurantisme ? Les femmes. Et la gauche qui s’exprime en ce moment a abdiqué ce combat.

La laïcité : condition de l’émancipation

Car rien ne protège mieux les droits des femmes que la séparation du politique et du religieux. Rien ne les menace davantage que sa remise en cause. Profondément attachée à la liberté de conscience, je défends la liberté religieuse. Je défends tout autant la séparation des Églises et de l’État. « L’État chez lui, l’Église chez elle », disait Victor Hugo.

La laïcité offre un cadre protecteur aux femmes. Elle est la condition de leur émancipation. Elle leur permet d’être les égales des hommes. C’est parce que je vis dans un État où prime la loi humaine que j’ai le droit d’avorter sans subir de pressions. Le droit de travailler. D’être indépendante financièrement. De pratiquer la contraception. D’aimer qui je veux. De choisir mon mari ou ma femme. D’avoir un droit égal à mon époux dans le mariage comme dans le divorce.

« Là où les islamistes régissent la vie collective, les femmes sont vouées à un destin d’infériorité et d’assujettissement, parfois de mort. Laïcité et féminisme sont inséparables. Sans laïcité, pas de pleine égalité entre les femmes et les hommes. »

Dans les États où les islamistes font la loi, où la norme religieuse a la préséance sur la loi civile, c’est cette norme supérieure qui décidera ce que vous avez le droit de faire, de désirer, de manger, de porter sur votre corps. Le plus souvent, elle vous cantonnera au monde privé du foyer. Vous interdira l’accès à l’espace public. Peut-être même à l’école, comme dans les territoires sous le contrôle de Boko Haram ou des talibans. Vous serez un visage à soustraire à la vue des hommes. Vous serez la propriété des autres. Du père, du frère, du mari, de la tribu. Vous aurez peut-être la moitié des droits des hommes. Mais le droit en revanche d’être châtiée avec plus de sévérité – ici fouettée, là lapidée – si vous leur êtes « infidèle ». Dans les pires des régimes théologiques, en proie à la fureur totalitaire comme l’ex-État islamique, vous pourrez être vendue sur une place publique comme esclave sexuelle.

Là où les islamistes régissent la vie collective, les femmes sont vouées à un destin d’infériorité et d’assujettissement, parfois de mort. Laïcité et féminisme sont inséparables. Sans laïcité, pas de pleine égalité entre les femmes et les hommes.

Dominer le corps des femmes

D’où vient cette difficulté que les intégrismes ont avec les femmes ? Le point essentiel me semble être la volonté de cacher, de voiler, de maintenir les femmes dans le foyer, dans l’univers domestique, dans le domaine de l’intérieur. Comme s’il y avait de l’impudeur à ce que les femmes sortent dans l’espace public. Comme si cela revenait à les exposer au regard, au désir, aux pulsions des autres hommes. À en faire des objets de tentation.

Il est pourtant assez injuste, et même assez illogique, de demander aux femmes de se cacher, alors que l’on pourrait demander aux hommes, supposés incapables de se contrôler, de rester chez eux. Quelle inversion des rôles ! C’est que le corps désirable de la femme, et la vie qu’il porte en lui, représenterait un danger, celui de briser la clôture de la famille, de la tribu, de la nation. Kamel Daoud a raison de l’affirmer : c’est finalement parce que le corps de la femme appartiendrait à tous, parce qu’il ne lui appartiendrait pas à elle, qu’il devrait être dissimulé et dominé. […] LIRE LA SUITE.

Illustration : Marlène Schiappa, le 14 novembre 2019. Photo : Julie Sebadelha/ABACAPRESS.COM.


Publié dans la
Revue des Deux Mondes
mai-juin 2021

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Marlène Schiappa

Marlène Schiappa

Femme politique, romancière et essayiste, Marlène Schiappa est ministre déléguée chargée de la Citoyenneté depuis 2020. Dernier ouvrage publié : "Les Droits des femmes face aux violences" (Dalloz, 2020) › Twitter @MarleneSchiappa

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4 Comments to "La laïcité, garante de la liberté des femmes"

  1. Avatar
    Banlieue Rouge 3 mai 2021 at 9 h 15 min

    Dans “l’excision peut être « un choix » pour les femmes” et “la polygamie est un choix de vie comme un autre” il y a plus encore que la volonté de ne pas stigmatiser, il y a l’aboutissement de toutes les postures de transgressions post-soixante-huitardes et de la déconstruction de notre modèle de société sans aucun discernement. Pour une partie de cette génération et de ses héritiers, aucune barrière, aucune règle ni aucune valeur ne comptent, tout doit être possible dans l’univers rêvé du libéralisme social, puisque tout se vaut. Ce sont nos nouveaux barbares !

  2. Avatar
    Zenobie 4 mai 2021 at 11 h 27 min

    Hélas, trois fois hélas ! La loi de 1905 qui est fondatrice de la laïcité à la française n’a été suivie d’effet sur les droits des femmes françaises que très longtemps après/
    Pour mémoire:
    – 1938 : reconnaissance d’une capacité juridique restreinte pour les femmes
    – 1944 : droit de vote des françaises
    – 1965 : la femme peut gérer ses biens, ouvrir un compte en banque, exercer une profession sans l’autorisation de son mari
    – 1970 La mère devient l’égale du père en matière d’autorité parentale
    En clair, il a fallu plus de 2 générations après le vote de la loi de 1905 pour que les françaises voient leurs droits reconnus. La laïcité n’est donc pas du tout le garant de la liberté des femmes, CQFD.

    • Avatar
      Banlieue Rouge 6 mai 2021 at 13 h 11 min

      L’article évoque la laîcité de 2021, pas de 1938… il faut comprendre le propos dans notre contexte contemporain. A contrario, l’islam et ses traditions d’un autre âge mises en pratique dans beaucoup de pays ne reconnaissent aucun droit à la femme. Donc la laïcité garantit la liberté (relative si vous voulez) des femmes en 2021

  3. Avatar
    Louise Belanger 14 mai 2021 at 5 h 43 min

    Entièrement d’accord la femme perd tout ses droits,sa dignité et pourquoi l’excitions.Simplement pour que le dit mâle domine.C est une maladie mentale l’islamiste

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