Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry : un amour tumultueux dévoilé dans la publication de leur correspondance

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Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry : un amour tumultueux dévoilé dans la publication de leur correspondance

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Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry dans leur appartement parisien en 1936
Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry dans leur appartement parisien en 1936
© Getty - Keystone France

Gallimard publie ce jeudi la correspondance croisée des époux Saint-Exupéry. 160 lettres et télégrammes en grande majorité inédits, envoyés entre 1930 et 1944, qui révèlent la relation d'amour, passionnelle mais bien souvent orageuse, qui unissait Antoine et Consuelo.

Ce sont quatorze années d’échanges intimes qui sont exhumés dans le Correspondance (1930-1944) publié chez Gallimard ce jeudi. Quatorze années durant lesquelles Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry, deux personnalités entières et engagées, donnent à lire, à travers 160 lettres et télégrammes, le récit de leur relation tumultueuse, passionnelle mais souvent orageuse, qui débuta en 1930 à Buenos Aires, en Argentine, où le couple se rencontre. Dans sa première lettre envoyée à Consuelo, Antoine de Saint-Exupéry évoque ce coup de foudre : "Il était une fois un enfant qui avait découvert un trésor. Mais ce trésor était trop beau pour un enfant dont les yeux ne savaient pas bien le comprendre ni les bras le contenir. Alors l'enfant devient mélancolique." Pour Alban Cerisier, éditeur de cette correspondance, cette première lettre, rédigée douze à treize ans avant l'écriture du Petit Prince, "exprime assez bien à quel point il y a la recherche d'une forme de pureté, de lumière dans l'amour. Cette métaphore revient en permanence dans la correspondance mais elle vient aussi en contradiction avec cette difficulté d'aimer. Il y a la difficulté de construire une relation apaisée et finalement cette relation ne sera jamais totalement apaisée".

Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry : un amour tumultueux dévoilé dans la publication de leur correspondance

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"Je vous ai fuie et je vous ai cherchée"

La tension est présente dans l'ensemble de la correspondance estime Alban Cerisier. Dans une autre lettre, Antoine de Saint-Exupéry démontre assez bien cette contradiction qui le traverse quand il écrit à Consuelo : "Je vous ai fuie et je vous ai cherchée." "En fait, c'est l'histoire de leur vie" précise Alban Cerisier, "il y a toujours cette volonté de prendre de la distance pour redécouvrir ce qui nous tient aux autres". Antoine de Saint-Exupéry apparait ainsi traversé par des "polarités contradictoires," selon l'éditeur. L'écrivain aviateur avait "à la fois ce besoin permanent de consolation, de retour au foyer, de présence et de proximité de ses proches, et en tout premier lieu de Consuelo, et en même temps l'appel du monde, de l'engagement. Ces deux 'polarités', ces deux pôles se regroupent et s'opposent," analyse Alban Cerisier.

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L'interview d'Alban Cerisier, l'éditeur de cette correspondance.

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Une polarité, une dualité, qu'étudie Alain Vircondelet depuis 1994. Le biographe a ainsi montré à travers plusieurs ouvrages un autre visage d'Antoine de Saint-Exupéry qui apparait clairement dans cette correspondance. Antoine de Saint-Exupéry n'était pas seulement "le grand aviateur, le héros mort pour la France, mais c'était un homme dans toute son humanité. Une humanité intense qui chavirait entre violence et tendresse, entre infidélités successives et fidélité à cette femme, entre dépression et état de grâce. Il y a donc ce côté obscure et en même temps ce côté presque pathologique que Saint-Exupéry pouvait avoir qui est ici exposé dans toute sa crudité, dans toute sa force," détaille le biographe. "Une épaisseur humaine que peut-être l'image mythique qu'on a voulu donner avait effacé."

Consuelo et Antoine de Saint-Exupéry en 1935, à bord du navire les ramenant d'Egypte.
Consuelo et Antoine de Saint-Exupéry en 1935, à bord du navire les ramenant d'Egypte.
© Getty - Keystone-France

Un héros démythifié

Cette correspondance démythifie donc le héros et permet aussi au grand public de "découvrir qu'Antoine de Saint-Exupéry avait une femme," souligne Alain Vircondelet, "qui, elle, était un personnage franc, frontal, exubérant et qui assumait sa poésie et son côté excessif. Antoine était véritablement très amoureux de sa femme avec des élans très violents et des moments de douceur, mais surtout avec un grand narcissisme. Ces lettres montrent combien Saint-Exupéry s'écoute, combien il veut d'abord être aimé plutôt qu'aimer. Et malgré toutes les paroles de fidélité qu'il énonce, c'est aussi un homme qui n'a pas cessé de tromper sa femme, qui pouvait écrire le même jour des lettres à d'autres femmes avec le même lexique."  On peut ainsi penser que certaines lettres ont été écrites "pour la postérité", questionne le biographe. 

L'analyse du biographe Alain Vircondelet sur le couple Saint-Exupéry.

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Mais malgré cette dualité du personnage, Antoine de Saint-Exupéry n'a jamais voulu se séparer de sa femme, avec qui il était marié religieusement. Avec Consuelo, il a ainsi "forgé un amour idéal" que l'absence, la solitude et la distance qui les séparait favorisaient." Consuelo restait ainsi "le point de repère, l'ancre" pour Antoine de Saint-Exupéry. Et lorsqu'en 1942, il entreprit l'écriture du Petit Prince à Long Island, près de New York, c'est Consuelo qui lui inspira le personnage de la Rose dans ce conte philosophique qui connaîtra un succès planétaire. 

Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry évoqués par Alain Vircondelet également en 2007 sur France Culture dans l'émission d'Antoine Perraud "Jeux d'Archives".

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Après la mort d'Antoine de Saint-Exupéry lors d'une mission de repérage au large de la Méditerranée en 1944, son testament désigne sa famille comme dévolutaire des droits sur son œuvre et son nom. Consuelo conserve de son côté de nombreux objets du couple et archives, dont ces lettres, qu'elle légua à sa mort en 1979 à son secrétaire José Martinez Fructuoso. La publication de cette correspondance croisée, quarante-deux ans plus tard, vient ainsi mettre un terme à plusieurs décennies de batailles juridiques entre les deux familles autour de la co-titularité du droit moral.

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