Des migrants sont retenus par des trafiquants à Bani Walid (photo d'illustration). Crédit : capture d'écran Twitter
Des migrants sont retenus par des trafiquants à Bani Walid (photo d'illustration). Crédit : capture d'écran Twitter

"Walid", l'un des principaux trafiquants d'êtres humains de Libye, a été reconnu coupable de cinq chefs d'accusation par un tribunal éthiopien, fin avril. L'homme érythréen est connu pour avoir été durant des années l'un des chefs d'une prison de Bani Walid, où tortures, viols et meurtres sont monnaie courante.

Son surnom, "Walid", l'associe aussitôt à l'un des endroits les plus redoutés de Libye. Tewelde Goitom, trafiquant de migrants notoire qui officiait entre 2014 et 2018 dans une prison clandestine de Bani Walid en Libye, a été reconnu coupable de cinq chefs d'accusation liés au trafic d'êtres humains par un tribunal d'Addis Abeba, en Ethiopie, fin avril.

L'homme de nationalité érythréenne ne connaît pas encore sa peine de prison, qui sera annoncée le 21 mai prochain.

Le verdict a été accueilli avec soulagement par les victimes et les proches du dossier. "Walid est l'un des trafiquants d'êtres humains les plus cruels [et] a commis des crimes inimaginables contre les réfugiés érythréens", a réagi, à l'issue de la décision de justice, Meron Estefanos, journaliste érythréenne citée par le journal The Guardian. "Ce verdict est important car il adresse un message sans équivoque aux autres trafiquants en leur montrant qu'ils ne peuvent pas se cacher [et se dérober à la justice]."

"Beaucoup de femmes ont été ses victimes"

Pendant des années, "Walid" a été à la tête d'un business lucratif et sans pitié qui consistait à extorquer des migrants cherchant à rejoindre l'Europe depuis la Libye. Selon des dizaines de victimes différentes, il a torturé des milliers de migrants en transit dans le pays, les retenant captifs en exigeant des rançons. 

D'anciens détenus étant passés entre les mains de Tewelde Goitom ont décrit les violences physiques subies sous son contrôle, les assassinats à répétition, ainsi que l'absence de soin, de nourriture et d'eau qui entraînaient la mort de certains migrants. "Walid" était aussi connu pour les multiples viols et agressions sexuelles dont il se rendait coupable. 

Cité par le journal The Irish Times, un témoin, qui a comparu durant le procès, a affirmé que Tewelde Goitom lui avait donné l'ordre de violer devant tout le monde une autre personne détenue, sous peine d'être sévèrement puni. 

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"Il n'y a pas de mots pour expliquer son comportement, surtout quand il violait les femmes", a déclaré une autre victime, un homme érythréen qui fut sous le contrôle de Walid entre 2017 et 2018. "Beaucoup de femmes ont été ses victimes."

Bani Walid, ville située à une centaine de kilomètres au sud de Tripoli, est tristement célèbre pour être l'une des terribles étapes des migrants sous le coup des trafiquants en Libye. Ils y sont régulièrement la cible d'exactions commises au vu et au su de tous. Depuis des années, InfoMigrants reçoit régulièrement des témoignages de migrants passés par un des centres de cette ville. En 2017, un Camerounais prénommé Issa expliquait qu'il fallait "prier Dieu pour de pas être vendu dans un ghetto de Bani Walid". Plus récemment, en janvier 2020, Ibrahim, un Sénégalais, racontait que "Bani Walid [était] le pire endroit sur terre".

Craintes de fuite

Toujours selon des victimes, Tewelde Goitom a été jugé sous un faux nom : Amanuel Yirga Damte. Même en état d'arrestation et menotté, l'influence de ce criminel ne s'est pas démentie ces derniers mois. En octobre, il aurait essayé, malgré la surveillance de gardes, de soudoyer des témoins potentiels à l'extérieur du tribunal d'Addis Abeba pour les empêcher de témoigner à la barre.

"Nous sommes venus en dépit des risques", a déclaré Fregi Ataklti, un Ethiopien de 24 ans qui a témoigné durant le procès, lui aussi cité par The Irish Times. "Nous risquons nos vies en confrontant une personne qui a déjà menacé de nous tuer."

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Les activités criminelles de Tewelde Goitom ont subi un coup d'arrêt en mars 2020, lorsqu'il a été arrêté en Ethiopie. Son arrestation est survenue un mois après celle d'un autre trafiquant d'ampleur, Kidane Zekarias Habtemariam, lui aussi Erythréen et acolyte de "Walid" en Libye.

Kidane Zekarias Habtemariam avait été reconnu dans les rues d'Addis Abeba par une de ses victimes début 2020, ce qui avait mis les autorités sur sa trace. Il a, pour sa part, pu échapper à son procès après s'être évadé en février dernier de sa cellule de prison. Une enquête est actuellement en cours mais l'homme est toujours recherché.

Une issue qui fait craindre le pire aux proches des victimes de "Walid", qui disposerait d'importants moyens financiers accumulés durant ses années de trafic. "J'ai peur que Walid réussisse à soudoyer [des personnes] et à s'évader de prison, comme Kidane", affirme encore la journaliste Meron Estefanos.

 

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