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Le Captagon, une manne pour Bachar el-Hassad et le narco-État syrien

Le régime a trouvé en la fénétylline un business lucratif.

Une saisie de Captagon par les autorités syriennes en 2015 –à l'époque, le régime n'organisait pas encore lui-même le trafic. | Louai Beshara / AFP
Une saisie de Captagon par les autorités syriennes en 2015 –à l'époque, le régime n'organisait pas encore lui-même le trafic. | Louai Beshara / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Guardian

«Je savais ce qu'on me demandait de faire. Ils voulaient l'ingrédient principal du Captagon. Et cette drogue est un sale business.» Ces mots sont ceux d'un homme, interrogé par le Guardian, qui a décidé de quitter la Syrie et sa ville de Lattaquié en 2015 pour gagner l'Europe, effrayé à l'idée de trafiquer de la fénétylline et de tremper dans ces mortelles affaires.

Lui a migré, mais beaucoup sont restés et sont entrés dans le jeu. Ainsi que l'explique le quotidien britannique, le Captagon est, pour la région syrienne comme pour son immédiate voisine libanaise, devenu une industrie florissante.

Dans des pays économiquement ravagés, cette «cocaïne du pauvre», utilisée à fins récréatives mais aussi parfois guerrières, est même l'une des industries les plus en vue, en croissance rapide. Au point, raconte le Guardian, de «rivaliser avec le PIB à plat du pays» et de devenir, pour Bachar el-Hassad et son clan, une précieuse source de revenus pour s'accrocher au pouvoir.

La frontière entre la Syrie et le Liban est une zone de non-droit, que le régime a tout intérêt à conserver en l'état. Dans ce chaos administratif s'est organisé un cartel digne de celui de Sinaloa, au Mexique. Sur une route allant de la vallée libanaise de la Bekaa à la ville-frontière syrienne de Qousseir, les trafics vont bon train, les uns fournissant aux autres les ingrédients nécessaires à la confection du Captagon.

Des miliciens, des figures politiques locales ou des lignées de criminels ont mis la main sur le business –quiconque souhaite en croquer devra en payer le prix. «Ce sont des gens très dangereux», affirme un officiel libanais, interrogé à Beyrouth par le Guardian. «Ils n'ont peur de personne, ils se cachent à la vue de tous.»

Les regards se tournent également vers le port de Lattaquié, plaque tournante de cette chaîne du Captagon. Un cousin de Bachar el-Assad, Samer el-Assad, y règne en maître: selon le quotidien britannique, il fournit un accès aux réseaux et une protection contre une part du marché.

L'argent du crime

Associé au business tout aussi massif du haschich, celui-ci est énorme et implique également, selon certains observateurs, le Hezbollah libanais. Le Center for Operational Analysis and Research, qui scrute la région, a publié fin avril un rapport sur la question.

«En 2020, les exportations de Captagon depuis la Syrie ont atteint une valeur estimée au minimum à 3,46 milliards de dollars [2,85 milliards d'euros]», est-il écrit.

«Il est possible que le marché soit bien plus grand encore. Le trafic du Captagon a autrefois été associé aux revenus utilisés par les groupes armés rebelles pour leurs activités, mais une consolidation du contrôle du territoire par le régime Assad lui a permis, ainsi qu'à ses alliés régionaux, de devenir les principaux bénéficiaires des exportations de drogues de la Syrie.»

Ces exportations sont aussi nombreuses que massives et lucratives. En 2019, les autorités grecques saisissaient plus de 5,25 tonnes de Captagon en provenance de Syrie. L'année suivante, ce sont 14 tonnes de la «drogue du djihad», soit 84 millions de comprimés d'une valeur marchande de 1 milliard de dollars, qui étaient découvertes dans le port de Salerne, en Italie, dissimulées dans des machines agricoles.

En avril 2021, l'Arabie saoudite découvrait quant à elle 2,5 millions de comprimés planqués dans des grenades en provenance du Liban et interdisait dans la foulée toute importation de produits agricoles depuis le pays du Cèdre.

Ce ne sont là que quelques exemples de cargaisons prises dans les mailles du filet international. D'autres arrivent sans doute à bon port et s'écoulent à bon prix, fournissant à Bachar el-Assad quelques munitions financières supplémentaires pour continuer à martyriser son peuple.

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