Crime

La police américaine peut maintenant utiliser un lasso high-tech

La cartouche éjecte son câble à une vitesse de 156 mètres par seconde, sur une distance de 3 à 8 mètres.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
BolaWrap
À gauche : Le BolaWrap (Photo : Marvin Joseph/The Washington Post via Getty Images) À droite : Un agent du service de police de Fruitland dans le Maryland déploie le BolaWrap sur un homme en décembre 2020 (Capture d’écran via des images de caméra corporelle)

C’est un jour de décembre 2020 et, après avoir tenté à plusieurs reprises de calmer un homme devenu violent après avoir fait une crise, les agents du service de police de Fruitland, dans le Maryland, décident d’essayer une autre approche. 

« Vous voyez ce dispositif ici ? » demande un policier sur place à la mère de l'homme, selon les images vidéos. « Il va venir s’enrouler autour de lui. » 

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Environ une minute plus tard, le policier tient devant lui un appareil jaune de la taille d'un téléphone portable et dirige son laser vert vers l'homme. Il appuie sur la gâchette et un câble en Kevlar de deux mètres de long s'enroule autour des genoux de l'homme, qui tombe au sol. La police lui passe immédiatement les menottes. 

« Oh, donc ce n'est pas comme un Taser ? » demande la mère de l'homme. 

« Non, c'est bref, dit le policier. C'est pour éviter de blesser quelqu’un dans ce genre de situation. »

Le dispositif en question a été développé en 2016 et s’appelle le BolaWrap. La cartouche éjecte son câble à une vitesse de 156 mètres par seconde. Il est rapide à utiliser, facile à recharger et, surtout, sans aucun danger. Il permet de neutraliser une cible à une distance de 3 à 8 mètres, ce qui est particulièrement utile lorsque la police a affaire à des individus qui peuvent souffrir de crises de santé mentale et ne pas être conscients de leurs actes. 

Le Dr Tino Posillico, professeur de justice pénale au Farmingdale State College, a étudié le BolaWrap et assisté à des démonstrations du dispositif directement auprès du fabricant, Wrap Technologies. Il affirme qu’au moins 200 services de police à travers les Etats-Unis envisagent d'ajouter le BolaWrap à leur équipement. 

« Nous voulions trouver un moyen d'éviter la contrainte par la douleur et d'utiliser quelque chose qui ressemble plus à ce que l’on voit dans Batman ou dans Spider-Man, pour arrêter les suspects sans les blesser », explique le PDG de Wrap Technologies, Tom Smith, qui a rejoint l'entreprise en 2019. Et il n’y a pas besoin de maîtriser la corde comme un cow-boy pour être capable d'arrêter quelqu'un. »

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Mais comme beaucoup d'outils policiers, le BolaWrap comporte certains risques. Les crochets peuvent pénétrer la peau, surtout si la personne est torse nu. Et si l'agent ne vise pas bien, le câble peut toucher une zone sensible. Les directives de Wrap Technologies concernant le produit indiquent explicitement qu'il faut éviter de l’utiliser sur des cibles en mouvement. De plus, le BolaWrap coûte environ 900 dollars pièce, donc si l'objectif est de le rendre aussi omniprésent que le Taser dans les services de police, il faudra investir beaucoup d’argent.

« S’il est dirigé, délibérément ou par accident, au-dessus du niveau du coude, le BolaWrap peut causer des problèmes, car il ne va plus faire le tour du corps de manière régulière et symétrique, explique Posillico. Une partie du BolaWrap peut s'enrouler autour de l'épaule et du cou et provoquer l’asphyxie. »

En février 2020, le département de police de Los Angeles a été l'un des premiers à tester l'utilisation du BolaWrap dans le cadre d'un programme pilote de 180 jours. Le département a approuvé une prolongation de 180 jours en août dernier et a prolongé pour une année supplémentaire début mai.

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La police de Los Angeles n'a pas voulu faire de commentaires sur son évaluation du dispositif, mais un document sur le programme pilote indique qu'il y avait un intérêt à donner aux agents des moyens plus indulgents de maîtriser un suspect. Le département a également mis en place un certain nombre de politiques concernant le BolaWrap, notamment en interdisant son utilisation sur les femmes enceintes, les personnes âgées et les enfants de moins de 12 ans.

Le département de police de Fruitland est beaucoup plus petit que ses homologues de Los Angeles ou de Baltimore et supervise une ville d'un peu plus de 5 000 habitants, dont 56 % sont blancs, selon les données du recensement de 2019. Depuis un an que le BolaWrap fait partie de son arsenal, le dispositif n'a été utilisé que deux fois, à chaque fois pour une crise de santé mentale. Mais pour le chef du département, Brian Swafford, le BolaWrap reste un investissement rentable, malgré le peu d'occasions qu'ont eu les policiers de l'utiliser. « Sans vouloir dramatiser, l'analogie que j'utilise est la suivante : combien de fois un gilet de sauvetage doit-il être efficace pour en valoir la peine ? dit-il. S'il peut empêcher quelqu'un d’être blessé au moins une fois, alors oui, il en vaut la peine. »

Le département de police de Fruitland a testé le dispositif au début de l’année 2020. En mars, il en a acheté pour 16 de ses 20 policiers de la route. Swafford explique qu'il a eu le soutien total du conseil municipal local, mais il admet que le dispositif a des limites. Pour fonctionner comme prévu et ne pas mettre en danger la sécurité de quiconque, le BolaWrap ne peut être utilisé que dans des situations où un agent a le temps d'envisager d'autres options, comme la communication verbale, et l'espace nécessaire pour déployer l'outil.

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Mais au cours d'une année de critiques massives des tactiques de maintien de l'ordre, en particulier dans les communautés de couleur, plusieurs villes américaines, dont Denver et San Francisco, ont décidé que la police ne devrait pas du tout intervenir en cas de crise de santé mentale. Elles ont confié cette responsabilité à des ambulanciers et à des professionnels des sciences du comportement mieux équipés pour désamorcer ces situations.

En l'état actuel des choses, les personnes atteintes de maladies mentales ont 16 fois plus de risques d'être tuées par les forces de l'ordre, selon le Treatment Advocacy Center, un organisme à but non lucratif spécialisé dans la santé mentale.

Smith, le PDG de Wrap Technologies, explique que le BolaWrap a été conçu spécifiquement pour les scénarios liés à la santé mentale, comme alternative au recours à la force. Et Smith a de l'expérience dans la création de produits utilisables par les forces de l'ordre : il a également créé le Taser avec son frère au début des années 1990. Bien que le Taser ait été largement perçu et commercialisé comme un dispositif non létal, il a été répertorié comme une cause de décès pour au moins 153 personnes depuis 2000, selon Reuters. Sur les 1 081 personnes décédées après l'utilisation d'un Taser, 32 % étaient noires, selon un deuxième rapport de Reuters sur le même sujet publié l'année dernière.

Pour Smith, le BolaWrap est un produit unique et distinct. « Je ne considère pas le Taser comme un concurrent du BolaWrap, dit-il. Des situations différentes nécessitent des outils différents. Il a été conçu pour avoir l'apparence et la sensation d'une télécommande de télévision pour ne pas paraître menaçant pour un sujet. »

Et selon les experts, nous pouvons nous attendre à voir le BolaWrap davantage utilisé par la police à l'avenir. « Je pense que s'il est utilisé conformément à la formation, il pourrait s'agir d'un moyen non létal très utile pour maîtriser un suspect », dit Posillico.

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