La nouvelle carte d'identité électronique présentée à l'imprimerie nationale de Flers-en-Escrebieux, près de Douai, dans le Nord le 16 mars 2021

La nouvelle carte d'identité électronique présentée à l'imprimerie nationale de Flers-en-Escrebieux, près de Douai, dans le Nord, le 16 mars 2021.

afp.com/FRANCOIS LO PRESTI

Il y a des entreprises qui ripolinent leur histoire pour en faire un argument marketing. Et d'autres qui préfèrent faire peau neuve et passer sous silence le poids des années. A première vue, IN Groupe ne dit rien à personne. Et puis le brouillard se dissipe quand on évoque l'ancien nom de l'Imprimerie nationale. Un joyau français né sous François Ier en 1538, métamorphosé en société anonyme à capitaux 100 % publics en 1993. Si l'entreprise a traversé les siècles et les régimes, c'est au cours des dix dernières années qu'elle a connu sa mue la plus radicale. D'imprimerie "poussiéreuse" fabriquant le Bottin, les documents administratifs (Cerfa) et les cartes d'identité papier, elle est devenue un des leaders mondiaux de la cryptographie et de la sécurité numérique et électronique.

Publicité

50 millions de titres d'identité par an

Pour s'en convaincre, il faut se rendre à Flers-en-Escrebieux, non loin de Douai (Nord), et pénétrer dans le saint des saints de la société, l'un des sites industriels les plus sécurisés de l'Hexagone. Là, derrière de hautes clôtures grillagées bardées de caméras de surveillance et des sas de sécurité en cascade, des machines ultramodernes fabriquent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept tous les titres d'identité et les certificats français (passeports, cartes nationales, permis de conduire, cartes de séjour, vignettes Crit'Air, cartes professionnelles...), de l'impression des "fonds" sécurisés en papier ou en polycarbonate en passant par le façonnage et jusqu'à la personnalisation des documents.

LIRE AUSSI : Une nouvelle carte d'identité "plus sécurisée" mise en service en août

Cinquante millions de titres d'identité sortent chaque année de l'usine de Flers. Des documents français, évidemment, mais pas seulement... Car IN Group gère aussi tout ou partie des documents d'identité de plus d'une cinquantaine d'Etats dans le monde : Pérou, Gabon, Uruguay, Sénégal, Djibouti, Bénin, Bolivie, Monaco... On trouve aujourd'hui une brique de technologie made in France dans la moitié des passeports en circulation dans le monde et dans une carte nationale d'identité sur quatre... Jusqu'à Pékin, où les hologrammes incrustés sur les papiers chinois ont été peaufinés ici, sur ces anciennes terres houillères du Nord.

Un homme est à l'origine de cette mue : Didier Trutt. Quand il arrive, en 2009, à la tête de l'entreprise, il trouve une vieille dame endormie qui n'a pas pris le virage du numérique et n'est jamais sortie des frontières de l'Hexagone. La vague du digital et ses ravages, il les connaît. Chez Thomson, il a vécu la disparition des tubes cathodiques et l'arrivée de l'analogique. Surtout, à l'époque, il prêche dans le désert quand il parle de souveraineté. Qu'importe. Il rachète tambour battant des pépites dans les semi-conducteurs spécialisés, la sécurité optique, les hologrammes et les activités biométrie et identités de Thales. De quoi construire une filière de l'amont à l'aval aux mains de l'Etat.

Souveraineté numérique

"La France a aujourd'hui une autonomie stratégique en matière de maîtrise des données d'identité des citoyens, ce que beaucoup de pays dans le monde ont perdu", soutient Didier Trutt. Son chantier du moment : les passeports vaccinaux. C'est IN Groupe qui a mis au point la technologie utilisée par les forces de l'ordre et les compagnies aériennes pour lire les QR codes de l'application TousAntiCovid. "Maintenant, il va falloir travailler sur l'interopérabilité avec le passeport vert européen annoncé par Bruxelles", anticipe le patron.

En attendant, l'Etat actionnaire se frotte les mains : le chiffre d'affaires de l'entreprise a grimpé, en dix ans, de 131 à 427 millions d'euros, les effectifs ont été multipliés par quatre et 60 % des résultats du groupe viennent désormais de l'étranger. De quoi faire manger leur chapeau à tous ceux qui raillent ces "entreprises publiques ringardes et poussives"...

Publicité