Pas question d’attendre les cinq ans théoriques. Moins d’un an après la mort de Juliette Gréco, les élus de Paris se préparent à attribuer le nom de la chanteuse à un lieu de la capitale. Et pas n’importe lequel : c’est un bout de la place Saint-Germain-des-Prés, juste devant la fameuse église, qui sera rebaptisé « place Juliette-Gréco ». En face, une autre partie de la place a déjà reçu en 2000 les noms de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. La « chanteuse existentialiste » et ses amis verront ainsi leurs mémoires célébrées à quelques mètres de distance.
Le projet sera soumis au prochain conseil municipal, qui débute le 1er juin, mais le suspense est limité. La décision a d’ores et déjà été validée par la commission de dénomination des voies, places, espaces verts, équipements municipaux et des hommages publics, qui s’est réunie le 11 février. Puis, mardi 18 mai, le conseil du 6e arrondissement y a donné son accord à l’unanimité. « C’était une femme de gauche, évidemment, relève Jean-Pierre Lecoq, le maire (Les Républicains) de l’arrondissement. Mais elle était avant tout l’égérie du quartier. »
Née le 7 février 1927 à Montpellier (Hérault), Juliette Gréco est morte le 23 septembre 2020 à Ramatuelle (Var). Mais entre ces deux dates, elle a incarné plus que quiconque l’« esprit de Saint-Germain-des-Prés ». Durant l’Occupation, tandis que sa mère et sa sœur sont déportées à Ravensbruck, la toute jeune Juliette, qui a réussi à échapper à la Gestapo, est hébergée près de Saint-Sulpice par la comédienne Hélène Duc, son ancienne professeure. C’est ainsi qu’à la fin de la guerre et juste après, elle arpente les rues de Saint-Germain-des-Prés et fréquente de jeunes artistes et intellectuels du quartier nommés Jacques Prévert, Raymond Queneau, Boris Vian ou encore Jean-Paul Sartre.
« J’ai été mise au monde ici »
En quelques années, la jeune fille à la silhouette gracile, qui entame une carrière de comédienne, devient le symbole de l’esprit libre, bohème et festif de Saint-Germain-des-Prés. Elle boit un verre au Café de Flore ou aux Deux-Magots. Grâce à Sartre, elle dort à l’Hôtel La Louisiane, rue de Seine, où elle occupe la chambre 10, tandis que Miles Davis loue la 76 – ils se retrouvent bien vite. Dans un bistrot de la rue Dauphine, elle pose son manteau sur la rampe de l’escalier, le manteau glisse, et elle découvre un sous-sol parfait pour danser : la cave du Tabou est lancée ! « Je ne suis pas née à Paris, j’ai vu le jour à Montpellier. Mais j’ai été mise au monde ici », dira-t-elle plus tard.
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