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Des droits à la retraite pour des terroristes étrangers incarcérés ? L'alerte d'un député
Le député LR Eric Pauget a déposé un amendement pour dénoncer un "scandale".
Thomas SAMSON / AFP

Des droits à la retraite pour des terroristes étrangers incarcérés ? L'alerte d'un député

Prisons

Par Théo Moy

Publié le

En plein examen de la loi sur la « confiance dans l’institution judiciaire », le député LR Eric Pauget a déposé un amendement pour supprimer l’accès aux droits vieillesse et retraite aux détenus étrangers condamnés pour terrorisme qui auraient travaillé en prison. Un débat épineux.

Examiné à l’Assemblée nationale depuis ce mardi 18 mai, le projet de loi « pour la confiance dans l'institution judiciaire » du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti contient plusieurs mesures pour faciliter et mieux rémunérer le travail pénitentiaire. Le texte prévoit la création « d'un contrat d'emploi pénitentiaire ». Il doit aussi permettre d’ouvrir « des droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion ».

Traduction concrète de cette avancée sociale : les détenus qui travaillent pourront désormais cotiser et obtenir des droits vieillesse et retraite. « Une bonne chose » pour le député des Alpes Maritimes Eric Pauget... sauf s'il s'agit de terroristes étrangers.

Alerter sur le sujet

L'élu a déposé un amendement qui vise précisément à priver de leurs droits vieillesse et retraite les « détenus étrangers qui ne disposent pas de la nationalité d'un des Etats membres de l'espace Schengen, dès lors qu'ils ont été définitivement condamnés pour les infractions terroristes les plus graves ». Que ces détenus « puissent travailler s’ils montrent leur volonté de réintégration », soit, mais « qu’on leur ouvre des droits à la retraite, c’est scandaleux! » juge Eric Pauget, contacté par Marianne.

Le député rappelle les attentats qui ont touché son département, en particulier la ville de Nice, et estime que la France « n’a pas à financer la retraite des terroristes étrangers ». Autre argument : si ces prisonniers accumulaient ces droits, ils pourraient plus aisément « demeurer dans notre pays à leur sortie de prison » alors qu’il faudrait « favoriser leur expulsion vers leurs pays d'origine ».

Eric Pauget précise que son amendement sert à « alerter sur le sujet ». En effet, le texte présenté par le ministre de la justice ne précise pas pour le moment « si oui ou non ces détenus bénéficieront de ce droit ». C'est le gouvernement qui devrait prendre des ordonnances pour trancher la question.

Une double peine ?

Sollicitée par Marianne, Cécile Marcel, directrice de la section française de l’Observatoire International des Prisons, une ONG qui défend les droits des détenus, s’agace contre un amendement qui relèverait de la « surenchère populiste », une proposition pour « flatter l’opinion dans un contexte très sécuritaire ». Pour elle, « il n’y a aucune raison de priver de droits à la retraite une personne, quelle que soit sa peine ».

Cécile Marcel considère que « pour son crime, la personne a déjà été condamnée, il n’y a pas de raison qu’il y ait une double peine ». Elle rappelle aussi qu'« il y a actuellement pleins de dispositions pour individualiser les peines », et prendre, au cas par cas, les décisions qui s’imposent.

Des détenus qui n'ont pas accès au travail

Au-delà de ce clivage, la responsable de cette ONG souligne un point factuel : il est très rare qu’une personne condamnée pour terrorisme puisse travailler en prison. Déjà parce que « moins de 30 % des personnes détenues ont accès à du travail ». Ensuite parce que les personnes condamnées pour terrorisme sont « à l’isolement » et n’ont tout simplement « pas accès au travail ».

Une réalité que reconnaît Eric Pauget. Mais « ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être pas dans 10, 15 ou 20 ans », explique le député. Alors qu'ils sont aujourd’hui « en début de peine, dans une phase aiguë de leur détention où ils sont souvent à l’isolement », ils pourraient dans quelques années ressembler à des détenus comme les autres et demander un travail. D’où la nécessite de son amendement, explique-t-il.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne