C’est une tâche sisyphéenne. Arbitres malgré eux du conflit israélo-palestinien, les États-Unis sont confrontés au défi de la reconstruction de Gaza. L’enclave palestinienne a subi d’importants dommages, pilonnée par les frappes israéliennes onze jours durant. 1 800 bâtiments ont été pulvérisés et 16 800 endommagés, parmi lesquels des hôpitaux, centres de santé et trois usines de désalinisation. Israël dit n’avoir visé que des installations du Hamas, mais 254 Palestiniens (dont 66 enfants) sont morts et 52 000 ont été contraints de quitter leur domicile, selon l’ONU.

L’Égypte et le Qatar ont tous deux promis 500 millions de dollars (410 millions d’euros) de fonds d’aides à la reconstruction de Gaza. En tournée diplomatique dans la région, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a de son côté annoncé « fournir » plus de 360 millions de dollars (293 millions d’euros) d’aide aux Palestiniens, dont 38 millions d’aide humanitaire (31 millions d’euros).

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Une nouvelle enveloppe de 75 millions de dollars (environ 61 millions d’euros) est également à l’étude au Congrès américain, dans laquelle une aide d’urgence de 5,5 millions de dollars (4,5 millions d’euros) devrait être allouée à la bande de Gaza. Seule condition : que cela ne « bénéficie » pas au Hamas. L’organisation, qui contrôle l’enclave, s’est défendue de prendre «aucun centime destiné à la reconstruction» et a assuré garantir un processus « transparent et impartial ».

Détournement de l’aide matérielle

Une gageure, estime toutefois David Khalfa, chercheur associé au Center for Peace Communications à New York, qui rappelle l’échec du mécanisme mis en place en 2014 après la Guerre de Gaza. En sept ans, l’arsenal militaire du Hamas s’est considérablement renforcé. Plus de 4 000 roquettes ont été lancées vers Israël en l’espace de onze jours. Un record.

« Le Hamas et le Djihad islamique se sont dotés d’une capacité de production autonome d’armements », explique le chercheur. « Par exemple, ils utilisent des tuyaux de canalisation d’eau pour fabriquer des roquettes et missiles qu’ils remplissent d’explosifs confectionnés à base de produits chimiques issus de mélanges agricoles. » Dans ces conditions, difficile d’envisager une aide matérielle à la reconstruction des infrastructures civiles sans qu’elle ne soit détournée de nouveau à des fins militaires.

Asphyxier les coffres du Hamas

De même, la question du contrôle de l’acheminement de l’aide financière pour s’assurer qu’elle ne finisse pas entre les mains du Hamas reste épineuse. « Les États-Unis souhaitent relégitimer une autorité palestinienne démonétisée en conférant à cette dernière un rôle d’intermédiaire dans la reconstruction de la bande de Gaza. Ils pourraient également passer par les Émirats arabes unis pour coordonner les transferts d’argent et limiter l’influence du Qatar », poursuit David Khalfa. À moins que les Égyptiens ne servent d’intermédiaire.

« Si nous faisons cela correctement, la reconstruction de Gaza entraînera une importante perte de l’emprise du Hamas [sur sa population, NDLR] », a déclaré mardi 25 mai Antony Blinken à Jérusalem. « Le Hamas prospère, malheureusement, sur le désespoir, sur la misère, sur le manque d’opportunités [pour les habitants de Gaza, NDLR]. » Reste, pour Washington, à redorer le blason considérablement terni de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, pour en faire de nouveau un partenaire de dialogue avec Israël et contenir l’influence grandissante du Hamas.