Comment le Covid-19 modifie les sciences du comportement

Durant les premiers mois de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020, Jay Van Bavel, psychologue à l’université de New York, s’est demandé quels facteurs sociaux permettaient de prédire l’adhésion des individus à des mesures de santé publique telles que la distanciation sociale ou la fermeture des restaurants et des commerces. Il avait une petite équipe prête à recueillir des données. Mais comme la pandémie sévissait dans le monde entier, il a imaginé d’élargir le projet. Il a la donc tenté quelque chose qu’il n’avait jamais fait auparavant.

En avril 2020, il a publié une description de son projet d’étude sur Twitter, en invitant d’autres chercheurs à se joindre à lui. « Peut-être réussirai-je à réunir dix personnes de plus et quelques points de données supplémentaires », s’est-il dit à l’époque. Au lieu de cela, le résultat l’a sidéré. Plus de 200 scientifiques de 67 pays se sont joints à son initiative. Au final, les chercheurs ont pu recueillir des données sur plus de 46 000 personnes. « C’était une collaboration massive », explique Jay Van Bavel. Ensemble, ils ont montré que, en moyenne, les gens qui déclarent accorder de l’importance à « l’identité nationale » sont plus susceptibles de soutenir les mesures de santé publique. Ces travaux font actuellement l’objet d’un examen par les pairs.

Pour les chercheurs en sciences sociales, la pandémie de Covid-19 a représenté une occasion unique – une expérience à grande échelle « qui traverse toutes les cultures et tous les groupes socioéconomiques », explique Andreas Olsson, psychologue à l’institut Karolinska, à Stockholm. Tout le monde a été confronté à des menaces similaires sur sa santé et ses moyens de subsistance, « si bien que nous pouvons voir comment les gens réagissent différemment à une même situation selon la culture, les groupes sociaux et les différences individuelles », explique-t-il. Les chercheurs ont par exemple pu comparer les comportements des individus avant et après des mesures politiques de grande ampleur, ou étudier plus facilement le flux d’information – et de désinformation.

La portée mondiale de la pandémie de Covid-19 a rapproché des groupes du monde entier comme jamais auparavant. Et avec un tel intérêt simultané, les chercheurs ont pu tester des idées et des applications plus rapidement que naguère. La pandémie a également obligé les chercheurs en sciences sociales à adapter leurs méthodes à un contexte où les entretiens de visu et les expériences en groupe étaient pratiquement impossibles. Certains pensent que les innovations suscitées par la pandémie pourraient survivre à la crise actuelle et même changer définitivement ce domaine de recherche.

Par exemple, selon Jay Van Bavel, grâce à des outils désormais éprouvés, il est beaucoup plus facile de constituer une équipe internationale. « Maintenant que nous disposons de l’infrastructure et de l’expérience nécessaires, nous pourrons le faire pour toutes sortes de projets », ajoute-t-il.

Des accélérateurs sociaux de la vaccination

Avant cette collaboration à grande échelle, Jay Van Bavel et un groupe d’une quarantaine de chercheurs s’étaient réunis pour réfléchir à la façon dont la recherche en sciences du comportement pouvait éclairer et améliorer la réponse à la pandémie de Covid-19 à un moment où les gens étaient effrayés, inondés d’informations et méfiants. Ils ont fait une recension des travaux antérieurs susceptibles d’influencer la réponse