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« Ne confions pas à Facebook le pouvoir de rendre la justice »

Pierre Louette, spécialiste des médias, invite les Etats, dans une tribune au « Monde », à ne pas déléguer à des entreprises privées leur compétence dans le domaine de la justice, et ce au moment où l’Union européenne travaille sur un projet de directive traitant de la responsabilité des plates-formes.

Publié le 03 juin 2021 à 00h22, modifié le 03 juin 2021 à 06h58 Temps de Lecture 4 min.

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Les logos de Google, Apple, Facebook et Amazon.

Tribune. Par cette ironie qu’aime à manier l’histoire, c’est une « cour suprême » qui aura finalement eu raison de la carrière de Donald Trump sur Facebook et Instagram. Mais ce n’est pas une cour suprême comme les autres qui, début mai 2021, a décidé de bannir définitivement de « l’agora du monde » l’ancien président américain, après la suspension de ses comptes, au lendemain de l’invasion du Capitole par ses partisans, le 6 janvier.

Cette cour n’a pas été créée par un Etat pour garantir la constitutionnalité de ses lois et les libertés fondamentales de ses citoyens. Elle est le fruit de l’imagination de Mark Zuckerberg lui-même, PDG de Facebook aux airs d’« imperator », soucieux de temporiser face à des régulateurs de plus en plus déterminés, aux Etats-Unis comme ailleurs, à brider la toute-puissance devenue écrasante des géants technologiques américains.

Depuis des années, le fondateur de Facebook tente coûte que coûte d’échapper à la réglementation, notamment sur l’épineuse question de la modération des contenus haineux et mensongers en ligne, en faisant valoir sa capacité à s’autoréguler.

De fait, son groupe n’a pas lésiné sur les investissements (objectivement colossaux) pour supprimer automatiquement les milliards de faux comptes et contenus interdits détectés sur ses plates-formes de médias sociaux, et employer quelque 15 000 modérateurs à tenter de séparer (tâche effarante !) le bon grain de l’ivraie.

Droits fondamentaux des citoyens

Mais est-il judicieux de laisser ainsi à un géant de la tech la responsabilité de prendre des décisions qui touchent aussi intimement aux droits fondamentaux des citoyens, et à cet équilibre subtil entre liberté d’expression et droits humains que ne cessent de chercher, depuis leur fondation, les Etats démocratiques ? A fortiori, quand on sait le conflit d’intérêts majeur qui le freine dans son action de régulation ?

Car n’oublions jamais que Facebook (comme Google, YouTube ou Twitter) vit seulement de la publicité qu’il vend. Et que c’est en mettant en avant, par le jeu des algorithmes, les contenus les plus excessifs, ceux-là mêmes qui polarisent et génèrent le plus d’« engagement », qu’il engrange un maximum de revenus publicitaires… Sa première responsabilité ne serait-elle pas de corriger un tel modèle économique, de limiter ses effets ? C’est bien au cœur des algorithmes qu’est la racine des excès.

C’est pour répondre à de telles critiques que Zuckerberg a mis en place, il y a un an, un « Oversight Board » (« conseil de surveillance »), pour statuer en dernier ressort sur les décisions du groupe relatives à la modération interne de ses contenus. Dans cet organe volontiers présenté comme une « cour suprême », vingt membres siègent aujourd’hui, éminents professeurs de droit, journalistes, personnalités politiques, militants, représentant seize pays, pour un mandat de trois ans.

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