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"Il fallait que la vérité soit dite" : calomniée par des étudiants, Nadia Geerts est blanchie
Nadia Geerts

"Il fallait que la vérité soit dite" : calomniée par des étudiants, Nadia Geerts est blanchie

Entretien

Propos recueillis par

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Agrégée en philosophie, essayiste et chroniqueuse à "Marianne", Nadia Geerts est en conflit avec le Conseil Étudiant de la Haute École Bruxelles-Brabant, en Belgique, dans laquelle elle enseigne. Réhabilitée par son établissement, elle témoigne.

Marianne : Pouvez-vous brièvement rappeler le contentieux qui vous opposait au Conseil Étudiant de la Haute École Bruxelles-Brabant?

Nadia Geerts : Il a commencé en octobre dernier, quand j’ai été exclue de la page Facebook qu’il gérait pour avoir publié un #JesuisSamuelPaty qui a déclenché une salve de commentaires haineux à mon égard. Le Conseil Étudiant a fini par exclure tous les protagonistes, me mettant donc sur le même pied que mes agresseurs en m’infligeant la même sanction. Le contentieux a redoublé en janvier, lorsqu’un ancien étudiant (qui a quitté cette école avant que j’y arrive et n’a donc jamais suivi mes cours !) m’a accusée publiquement (sur la page Facebook du Conseil Étudiant) de discriminer mes étudiants trop basanés, et que le Conseil Étudiant, au lieu de condamner ces propos calomnieux, les a approuvés. Enfin, en mars dernier, le Conseil Étudiant a voté une motion de défiance à mon encontre et s’en est ouvert à la presse, prétendant qu’il recevait chaque année des plaintes contre moi.

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Dans un mail interne, l'école a affirmé qu'elle n'avait rien à vous reprocher. Comment prenez-vous ce geste de l'université à votre égard ?

Ce n’est pas une initiative spontanée. Mon avocate et moi avions sollicité une réunion de conciliation, étant donné que rien n’était fait pour rectifier les propos diffamants que le Conseil Étudiant avait fait circuler sur mon compte. Ma demande était depuis janvier que la vérité soit enfin dite par une instance tierce, qui connaît la totalité des faits qui se sont déroulés depuis octobre. J’estime que mes collègues, mes étudiants et évidemment moi-même, nous avions droit à un récit impartial sur ce qui s’est réellement produit depuis le mois d’octobre. De ce point de vue, la communication qui a enfin été adressée est un strict minimum : elle atteste que jamais la moindre plainte à mon sujet n’est arrivée sur le bureau de la direction et qu’en conséquence, mon dossier disciplinaire est vierge.

Le communiqué parle d'un accord entre les parties, quel est-il ?

L’accord était qu’une communication soit adressée à l’ensemble de la communauté (étudiants et membres du personnel) pour rétablir les faits. Ma demande était que le Conseil Étudiant soit clairement désavoué, ce qui n’a pas été fait. De même, j’avais demandé à ce que soient fait mention des plaintes déposées au civil et au pénal contre mes agresseurs, plaintes d’ailleurs soutenues par la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont dépend l’école en question. Cela n’a pas été fait non plus, or c’était important pour moi dès lors que certains collègues continuent à prétendre que je n’ai pas vraiment été agressée ni menacée. Il fallait que la vérité soit dite, sans rien omettre. Faute de quoi mon avocate et moi sommes déterminées à poursuivre les étudiants du Conseil Étudiant en justice.

Votre vie d'enseignante pourra-t-elle reprendre normalement, après cela ?

Non. Pour moi, c’est trop peu, et c'est trop tard. Ce n’est pas la première fois que je suis victime de menaces, cela ne me fait plus peur. Mais j’ai été attaquée dans mon milieu professionnel, et il n’a pas réagi comme j’estime qu’il aurait dû le faire, en condamnant rapidement et fermement mes agresseurs. Si dès le mois d'octobre, ma direction avait clairement communiqué en dénonçant l'assassinat abject de Samuel Paty et en se solidarisant de moi, et si dès le mois de janvier elle avait dénoncé les accusations scandaleuses dont je faisais l’objet en rappelant l’absence de plainte contre moi, j’aurais pu rester. Mais il a fallu attendre de 5 mois. Le mal est fait, et désormais ma vie professionnelle est ailleurs.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne