Aux États-Unis, Kamala Harris déçoit

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Aux États-Unis, Kamala Harris déçoit

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La vice-présidente américaine Kamala Harris est peu présente dans les médias depuis sa prise de fonctions aux cotés de Joe Biden en janvier 2021
La vice-présidente américaine Kamala Harris est peu présente dans les médias depuis sa prise de fonctions aux cotés de Joe Biden en janvier 2021
© AFP - MANDEL NGAN

Selon plusieurs médias américains, la vice-présidente ne serait pas à la hauteur des attentes suscitées lors de son élection aux côtés de Joe Biden. Kamala Harris est peu visible dans les médias, et prend peu de décisions.

La vice-présidente américaine Kamala Harris s'apprête à se rendre au Mexique et au Guatemala cette semaine. Il s'agit de l'une de ses premières actions sur le front de l'immigration depuis qu'elle a été nommée, par Joe Biden, en mars dernier, cheffe de la réponse à la crise migratoire. Mais celle qui était apparue à son arrivée comme une femme à poigne a du mal à se faire une place, dans l'ombre d'un Joe Biden qui, malgré ses 78 ans, marquera surement l'histoire du pays.

Peu présente sur le front de l'immigration

En annonçant sa visite au Mexique et au Guatemala, Fox News en profite pour rappeler que depuis 72 jours, Kamala Harris ne s'est pas rendue à la frontière mexicaine et n'a pas tenu de conférence de presse au sujet de sa nomination à ce poste en mars dernier. 

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D'ailleurs, un démocrate siégeant à la chambre des Représentants ne se gêne pas pour suggérer que Harris et Biden devraient tous les deux se rendre à la frontière et visiter les villes qui la bordent côté américain, afin de mieux saisir le désarroi des habitants face à la vague de migrants submergeant la zone ces derniers mois. Sous-entendu : avant d'aller au Mexique pour essayer de "comprendre" les causes de l'immigration, voyez la souffrance du peuple américain

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Fox News a même reproché à Kamala Harris de plus se préoccuper des rénovations en cours à la résidence de la vice-présidence que de ces sujets. Elle se serait notamment énervée en raison de la durée des travaux, qui l'ont obligée à habiter dans la "guest house" de la Maison Blanche. Elle a même été vivement critiquée après avoir répondu en riant à un journaliste qui lui demandait si elle envisageait de se rendre à la frontière. 

"Pas aujourd'hui !", avait-elle répondu dans un grand éclat de rire 

Après tout, Kamala Harris voulait être une vice-présidente "généraliste" comme le rappelle le New-York Times. Lors des premiers mois, elle a donc été assignée à certaines tâches par le président. Pas beaucoup de marge de manœuvre. Peu de place pour l'initiative. Les critiques (relayées notamment dans The Atlantic) disent d'elle :

Elle arrive à bord d'Air Force Two suivie de son cortège de voitures, dit quelques platitudes, promet aux gens qu'elle va faire remonter leurs doléances à Washington. Puis disparait.

Le redécoupage électoral, "un sacré job" selon Biden

La voilà maintenant désignée par le président pour gérer l'épineux dossier de "la protection du droit de vote", à savoir le redécoupage électoral qui pourrait bien ôter la possibilité de voter à des millions d'électeurs noirs et d'électeurs pauvres. C'est un dossier extrêmement important pour l'héritage Biden. Selon le New-York Times, c'est elle-même qui a signalé au président qu'elle souhaitait s'emparer de ce dossier. 

Mardi, Joe Biden a annoncé lors d'un discours à Tulsa, dans l'Oklahoma, qu'il lui confiait ce dossier. Il en a profité pour rappeler que les actions des Républicains pour limiter le droit de vote dans certaines circonscriptions (en majorité noires et pauvres), en raison du nouveau redécoupage électoral, était une attaque à l'encontre de la démocratie et il a affirmé que Kamala Harris avait les épaules pour mener ce combat, tout en tempérant :

C'est un sacré job !  

Kamala Harris avait demandé à ne pas avoir qu'un seul dossier. Mais gérer deux fronts aussi essentiels que la crise migratoire et le redécoupage électoral risque d'avoir une conséquence : ne laisser sa marque sur rien.

Une vice-présidente pourtant très prometteuse

Après tout, c'est le sort de tous les vice-présidents américains que de voir leur rôle dans l'ombre du président en place. Puis, parfois, ils se retrouvent subitement dans la lumière comme ce fût le cas par exemple pour Lyndon B. Johnson, vice-président de John Kennedy, propulsé président après l'assassinat de ce dernier. Car comme le prévoit la Constitution, la mission première du vice-président est de remplacer au pied levé le président en cas de décès ou "d'impossibilité à gouverner". 

Mais Kamala Harris avait donné une autre image. À 55 ans, la vice-présidente cumule les "premières", ces records qui font d'elle un être d'exception : première femme à avoir accédé à la vice-présidence, elle était déjà la première femme élue procureure générale de Californie de 2011 à 2017, pendant le mandat du gouverneur Jerry Brown. Elle est devenue ensuite la première sénatrice américaine d'origine indo-américaine (son père est jamaïcain-américain, sa mère est indienne). 

Kamala Harris le 8 novembre 2020, après la confirmation des résultats de la présidentielle 2020 confirmant l'élection de Joe Biden et Kamala Harris
Kamala Harris le 8 novembre 2020, après la confirmation des résultats de la présidentielle 2020 confirmant l'élection de Joe Biden et Kamala Harris
© AFP - Jim WATSON

Et puis on se souvient de sa personnalité si enjouée et de sa présence lors des étapes-clé de l'élection : la soirée électorale et la soirée de proclamation des résultats après le décompte minutieux des voix. 

Les médias républicains, eux, l'accusaient de manipuler le président soi-disant diminué par l’âge (on se souvient du surnom "Sleepy Joe" dont Donald Trump l'avait affublé). Mais il n'en n'est rien. Elle travaille avec un homme qui, après avoir été lui-même vice-président pendant huit ans, est déterminé à être le boss. Il prend les décisions, fait lui-même les annonces.

La difficile tâche de ne pas montrer qu'elle est en campagne

À sa décharge, The Atlantic rappelle un fait indéniable : Kamala Harris sera de nouveau candidate à la présidentielle (elle avait été candidate à la primaire démocrate en 2020 et s'était finalement inclinée devant Joe Biden). Ce sera logiquement en 2024, si Joe Biden ne se représente pas. Sauf que "son poste actuel l'empêche de montrer qu'elle prépare son avenir politique personnel", selon le journal : "Élus et membres de son entourage sont partagés quand il s'agit de décrire l'action de la vice-présidente. Mais ils reconnaissent tous qu'elle se trouve dans une position très complexe. Elle est déjà entrée dans l'Histoire, et pourrait bien laisser une marque encore plus importante. Elle porte sur les épaules le poids d'être la première femme et première personne bi-raciale à occuper le poste de vice-présidente."

Si la présidence Biden réussit, ce sera un boulevard pour une nomination de Kamala Harris à la candidature démocrate de 2024. Elle pourrait alors facilement être élue présidente. Mais si le ticket échoue, sa vice-présidence sera également synonyme de fin de carrière politique pour Kamala Harris.

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