► Qu’est-ce que l’Aduhelm ?

« C’est un espoir immense pour des millions de malades et leurs familles », s’enthousiasme le Pr Bertrand Fougère, gériatre au CHU de Tours. Lundi 7 juin, l’agence américaine des médicaments, la Food and drug administration (FDA), a donné son feu vert à un nouveau traitement contre la maladie d’Alzheimer. Ce n’était plus arrivé depuis 2003.

Commercialisé par l’entreprise pharmaceutique Biogen sous le nom d’Aduhelm, cet anticorps monoclonal a pour particularité de cibler les plaques amyloïdes présentes dans le cerveau. Il s’attaque ainsi à la cause de cette pathologie dégénérative, et non à ses symptômes.

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« La FDA a donné son autorisation par rapport à un effet biologique du médicament, soit la réduction du volume de ces plaques amyloïdes. Ce n’est pas habituel, car en général, c’est plutôt par rapport à un effet clinique qu’on se prononce sur un médicament, c’est-à-dire à l’impact sur les symptômes », observe le Pr Philippe Amouyel, directeur de l’association France Alzheimer.

À ce titre, l’autorisation de mise sur le marché délivrée par le régulateur américain est conditionnelle. « La FDA demande à Biogen de conduire des essais cliniques post-autorisation pour vérifier les bénéfices cliniques du médicament », précise ainsi le régulateur dans un communiqué. « Si le médicament ne fonctionne pas comme prévu, nous pourrons prendre des mesures pour le retirer du marché. »

« L’enjeu des prochains mois va donc être de mesurer les effets du médicament sur le déclin cognitif, en espérant que cette réduction des plaques permette de la ralentir », explique le Pr Amouyel.

► Pourquoi est-il contesté ?

Outre-atlantique, cette molécule divise la communauté médicale, qui appelle à ne pas se réjouir trop vite. Pour l’heure, trois études lui ont été consacrées, dont deux concluent à son efficacité. Les résultats du troisième essai, eux, ne sont « pas significatifs », indique le Pr Bertrand Fougère. « Mais ces études ne sont pas comparables, car les doses utilisées et la durée du traitement ne sont pas les mêmes ».

Autre sujet de débat : son prix. « C’est une biothérapie, et comme toutes les biothérapies, cela coûte très cher » en l’occurrence 56 000 dollars (46 000 €) par an et par patient, soulève le Pr Amouyel, qui signale aussi la survenue d’effets secondaires chez 20 à 30 % des patients.

« On perfuse tous les mois une dose très importante d’anticorps qui vont lancer une réaction inflammatoire dans le cerveau du patient. C’est ce qui va permettre d’éliminer les plaques, mais cela peut aussi entraîner des micro-hémorragies, d’où la nécessité d’un suivi régulier par imagerie », détaille le médecin.

► Sera-t-il commercialisé en France ?

Une demande d’autorisation de mise sur le marché a été déposée auprès de l’Agence européenne du médicament à la fin de l’année 2020. « Si ce traitement est validé, il faudra encore que les autorités françaises donnent leur feu vert. On pourra alors espérer une commercialisation en France dans un ou deux ans », calcule le Pr Bertrand Fougère.

D’ici là, il espère que cet événement va donner « un coup de boost » à la recherche sur cette pathologie qui touche 3 millions de personnes en France, aidants inclus. « La commercialisation aux États-Unis n’est pas une fin, mais un point de départ. Je n’imagine pas qu’au vu des millions de malades dans le monde, d’autres industriels ne surfent pas sur cette vague. »

En attendant une éventuelle mise sur le marché en France, le médecin plaide pour un meilleur dépistage de la maladie. « Les études ont été faites sur des malades à un stade peu avancé. Si on veut pouvoir utiliser ce médicament en France, il va donc falloir qu’on progresse sur le diagnostic précoce…»