Pour Alexeï Navalny et ses équipes, c’est retour à la case tribunal. Six mois après son retour à Moscou et son arrestation, l’opposant anti-Kremlin a comparu, lundi 7 juin, depuis sa prison en visioconférence, fatigué et amaigri, pour l’une de ses habituelles audiences judiciaires. Puis, au terme de plusieurs semaines passées dans l’hôpital d’un autre établissement pénitentiaire après sa grève de la faim, il a été ramené dans sa prison à une centaine de kilomètres de la capitale russe, où il purge une peine de deux ans et demi.

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En attendant, dans la capitale, ses avocats sont convoqués ce mercredi 9 juin pour la reprise du procès lancé pour qualifier d’« extrémistes » les organisations d’Alexeï Navalny. De quoi mettre hors-la-loi à la fois le FBK, son fonds de lutte contre la corruption, et son réseau de QG régionaux.

Accélération de la répression

La précédente audience, le mois dernier, avait tourné court. En sortant du tribunal municipal de Moscou, les avocats d’Alexeï Navalny n’avaient pas caché leur exaspération. « Ils nous ont apporté six nouveaux tomes de documents… », a ironisé lors d’une mini conférence de presse improvisée Ivan Pavlov, l’un des juristes défendant les organisations du leader de l’opposition. L’avocat, qui en avril avait lui-même été brièvement arrêté et inculpé pour divulgation d’informations confidentielles relatives à l’une des enquêtes en cours, a eu un mois pour étudier ces nouveaux documents dont certains classés secrets.

Comment le Kremlin a neutralisé Alexeï Navalny

La répression contre les équipes d’Alexeï Navalny s’accélère, avec un pendant politique à ces poursuites judiciaires. Le parlement a ainsi voté en express une proposition de loi interdisant aux personnes impliquées dans des formations « extrémistes » de se présenter à une élection. Sans débat public, le président Vladimir Poutine a promulgué cette loi dès le 4 mai.

Au fil des lectures et amendements, le texte a été durci : il ne s’agit plus seulement des collaborateurs de l’opposant mais aussi de toute personne qui, à un moment ou un autre, l’a soutenu – lors d’une manifestation de rue ou par un simple message sur les réseaux sociaux. De fait, cela interdira à tout « extrémiste » - ainsi qualifié par la justice - de se présenter aux législatives de septembre 2021. Nombreux étaient ceux qui voulaient se porter candidats parmi les proches et représentants régionaux d’Alexeï Navalny, lui-même inéligible.

Fuite vers l’Ukraine

L’équipe de l’opposant a préféré prendre les devants : pour protéger ses employés de poursuites pénales, elle a elle-même décidé de démanteler son réseau de bureaux régionaux. C’est ce qu’a aussi fait l’organisation Open Russia de l’oligarque en exil et détracteur du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski. Mais, juste après cette auto-fermeture, son directeur a été soudainement arrêté : Alexeï Pivovarov a été extirpé d’un avion prêt à décoller de Saint-Pétersbourg et placé en détention. Poursuivi pour « participation aux activités d’une ONG indésirable », il encourt jusqu’à six ans de prison.

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Un autre opposant a lui préféré partir : Dimitrï Goudkov, figure montante dans la nouvelle génération de leaders anti-Kremlin à Moscou, a annoncé le dimanche 6 juin avoir quitté la Russie après avoir été averti par des personnes proches du Kremlin qu’il serait arrêté. Direction, l’Ukraine. Quelques jours avant, il a été brièvement détenu pour de sombres accusations de manquement de remboursement d’un prêt. Pour l’opposition, à trois mois des législatives, l’étau politico-judiciaire ne cesse ainsi de se resserrer.