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Des garçons en jupe à l’école pour dénoncer le sexisme : une révolution en marche

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Par Fanny Guéret

Depuis plusieurs mois, un peu partout dans le monde, on voit des garçons arriver en jupe à l’école. Au Québec, en Espagne, en Ecosse et aussi en Belgique, les filles en ont marre d’obéir à des règlements jugés  sexistes et discriminants. Les garçons les soutiennent. Courageusement ils viennent à l’école en jupe, des profs s’y mettent aussi. Bravo à eux. Le mouvement est en marche pour faire évoluer les mentalités dans l’enseignement.

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Tout a commencé le 14 septembre dernier. Un mouvement lancé sur les réseaux sociaux sous le hashtag #lundi14septembre incitait les filles à se rendre ce jour-là à l’école dans une tenue "indécente" pour dénoncer les discriminations sexistes et la culture du viol. En France mais aussi en Belgique, elles ont été plusieurs dizaines de milliers à le faire, et certaines ont bien sûr été priées de rentrer chez elles se changer. Mais peu importe, un premier message était passé. Le mois suivant, ce sont des images en provenance d’écoles secondaires à Montréal qui fleurissaient sur la toile. Des garçons étaient venus en masse à l’école. Un ado du nom de Tom Ducret-Hillman se montrait en jupe sur son insta et partageait ses souvenirs de sa journée en jupe à l’école en expliquant sa pensée : "Le code vestimentaire, c’est la chose la moins sensée que j’ai jamais vue pour vrai faudrait changer s’taffaire la. C’est en faisant des p’tites affaires comme ça qu’on va arriver à changer le système", tout en incitant tous les garçons à faire pareil.

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Un soulèvement national en Espagne

Un mouvement similaire est né en Espagne au même moment mais dans un contexte différent : un adolescent du Pays basque, Mikel Gomez, 15 ans, est arrivé un jour à l’école en jupe pour sensibiliser les autres aux vêtements non genrés… et s’est fait renvoyer et prier d’aller voir un psy ! Ni une ni deux, le hashtag #LaRopaNoTieneGenero (les vêtements n’ont pas de genre en français) a fleuri sur les réseaux et de nombreux élèves et enseignants sont venus à l’école en jupe en Espagne comme marque de soutien depuis ce triste automne de l’année 2020, comme son prof de math Jose Piñas. Et ce fait a pris de l’ampleur car c’est tout un pays et toute une communauté Tiktok qui ont été touchés par le sort de Mikel dont la vidéo a été vue plus de 2 millions de fois. Vidéo dans laquelle il explique que porter une jupe ne signifie pas forcément être homosexuel mais un soutien aux femmes et aux personnes trans.

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Et toujours dans le nord de l’Espagne, à Valladolid, le mois dernier, ce sont cette fois 2 professeurs d’une école primaire, Borja Velázquez et Manuel Ortega, qui sont venus à l’école en jupe à la suite de propos homophobes tenus par un élève. El País rapporte que l’un d’eux a entendu un élève en insulter un autre à cause de son t-shirt sur lequel figurait un dessin d’un manga. Gêné, l’élève en question avait carrément retiré son t-shirt. Les instituteurs ont voulu apprendre à leurs élèves cette leçon : les vêtements n’ont pas de genre et chacun est libre de porter ce qu’il veut. Ils ont ensuite ouvert un débat plus large sur la tolérance.

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Pendant ce temps en Ecosse
 
La semaine dernière, Shane Richardson, un adolescent de 16 ans, a décidé lui aussi de porter une jupe à l’école en signe de protestation après que certains élèves ont été renvoyés chez eux pour avoir porté des shorts par beau temps. Hors la politique d’uniforme de la Moffat Academy Dumfries and Galloway, l’une des meilleures écoles d’Ecosse, stipule que les étudiants ne doivent porter que des pantalons ou des jupes sombres, et donc pas de shorts ! Comme le temps devenait de plus en plus chaud, ils ont été plusieurs à manifester leur désaccord et Shane a emprunté une jupe à sa sœur cadette. Sa mère a déclaré qu’ils "étaient assis en classe comme dans une serre". Comme beaucoup de parents se sont plaints, la direction a promis une réunion pour modifier la politique sur les uniformes le 16 juin. Mais d’ici là, il a été rappelé aux élèves "d’adhérer à la politique convenue qui permet à l’école de maintenir des normes élevées et l’excellence avant que tout changement ne soit finalisé." Ce serait donc ça ? La peur que montrer un bout de cuisse ou d’épaule n’entache la réputation d’une école et devienne synonyme de débauche et de manque de sérieux ? A creuser.
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Et chez nous alors ?
 
En Belgique comme en Ecosse, des garçons s’étaient déjà plaints l’an dernier de ne pas pouvoir venir en short à l’école. Et comme en France des filles étaient venues volontairement avec crop tops et minijupes la journée du #lundi14septembre.
Et la semaine dernière, le cas d’Elza, 12 ans, est arrivé dans la presse. La jeune fille a été renvoyée de son école, à Saint-Gilles à Bruxelles, en raison d’une tenue jugée provocante et "balnéaire", tout comme une quinzaine d’autres enfants. Est-elle donc venue en bikini ? ! Sa maman a raconté au Ligueur : "Elza portait un short et des collants noirs jugés pas assez opaques. On ne lui a donné aucune explication. On l’a renvoyée comme ça. Elle est revenue, elle s’est changée, elle a enfilé un legging et elle est repartie. Et au moment où je vous parle, je ne comprends pas moi-même ce qu’il s’est passé". La provocation dans cette histoire ne serait-elle pas la réaction de l’école ? A méditer. Mais son prof de français a décidé, pour soutenir Elza, de venir en short à l’école ce lundi, même si c’est interdit dans le règlement de l’école, tout en ironisant comme pour mieux souligner le ridicule de la situation : "J’espère ne pas être victime de commentaires déplacés à cause de ma tenue excitante".
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Les politiques s’en mêlent

Suite au cas d’Elza, La Dernière Heure a fait réagir Sarah Schiltz, secrétaire d’Etat à l’égalité des chances : "de la transparence d’un collant à l’épaule découverte, les règlements d’ordre intérieur des écoles secondaires sont souvent farfelus mais surtout sexistes", a-t-elle déclaré. Et elle persiste : "les règlements qui font une différence entre la tenue des garçons et des filles renforcent la binarité et la pression à une période où les élèves sont en recherche, découvrent leurs corps et changent énormément. La question de la tenue vestimentaire doit être traitée avec empathie et délicatesse".

Quant à Margaux De Ré, députée bruxelloise, sa réaction a été claire et directe : elle s’est affichée en jupe avec des bas en disant qu’ils n’étaient "ni vulgaires, ni provocants". La députée écolo est très engagée dans l’égalité femmes/hommes et plaide ici pour aider les écoles dans l’écriture de ses règlements en proposant même d’inclure les élèves dans le processus.

De son côté, Caroline Désir avait réagi le 8 mars dernier – journée des droits des femmes – suite à un mail envoyé par une directrice d’une école en Wallonie aux parents d’élèves pour les prévenir l’école ferait dorénavant "particulièrement attention aux tenues des élèves féminines. Certaines arborent des décolletés ou des blouses très courtes qui attirent le regard des jeunes élèves masculins en plein maelström hormonal". Et ceci pour "éviter des agressions aux abords de l’école pour lesquelles il sera trop tard pour agir". La ministre de l’éducation avait réagi au micro de RTL Info : "faire porter la responsabilité sur les jeunes filles n’est pas acceptable !". Il y a des contraintes vestimentaires (mais lesquelles ?), bien sûr, mais ici le message envoyé aux filles est que si elles portent une tenue trop décolletée qualifiée de provocante, elles ne doivent pas s’étonner si elles se font agresser. Je trouve que ça ne va pas du tout ! C’est vraiment un message qu’on aimerait ne plus voir dans les écoles".
Le combat risque d’être encore long mais on voit qu’une petite révolution est en marche avec des jeunes pleinement conscients de la société dans laquelle ils veulent vivre.
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