Masomah Alizada, 24 ans, a été sélectionnée pour intégrer l'équipe olympique des réfugiés. Crédit : DR
Masomah Alizada, 24 ans, a été sélectionnée pour intégrer l'équipe olympique des réfugiés. Crédit : DR

Le comité olympique a annoncé mardi la liste des 29 athlètes réfugiés qui participeront aux Jeux olympiques de Tokyo cet été. Parmi eux, Masomah Alizada, une cycliste afghane de 24 ans, réfugiée en France. C’est un rêve qui se réalise pour la jeune femme qui se pose en modèle d’émancipation pour les femmes d’Afghanistan.

"Je ne sais même pas si j’ai encore réalisé", au téléphone, Thierry Communal, l’un des entraîneurs de Masomah Alizada, a la voix pleine d’émotion. Depuis trois ans, il accompagne et entraîne cette jeune cycliste afghane, réfugiée en France avec sa famille.

Le comité olympique a annoncé, mardi 7 juin, que la jeune femme était sélectionnée dans l’équipe des réfugiés pour participer aux Jeux olympiques (JO) de Tokyo - organisés du 23 juillet au 8 août. Une satisfaction immense après des mois d’entraînement intensifs malgré la pandémie et les confinements.

En quelques heures, beaucoup de choses ont changé pour Masomah Alizada. Depuis fin mai, elle s’entraîne en Suisse, dans le centre d’entraînement de la Fédération internationale de cyclisme. Elle ne prendra ensuite que le temps de repasser par Lille où elle doit s’acquitter des quelques examens dans le cadre de ses études en génie civil.

Puis, elle s’envolera le 9 juillet pour le Qatar où elle rejoindra l’équipe olympique des réfugiés avant de prendre part à la cérémonie d’ouverture qui aura lieu au stade olympique de Tokyo le 23 juillet.

"Un message pour les femmes afghanes"

Masomah est inscrite dans l’épreuve cycliste de course contre la montre. "Son point faible, c’est l’aspect sportif. Mais là, contrairement à une épreuve de course [contre d'autres concurrentes], elle pourra finir l’épreuve et elle sera classée quel que soit son résultat", souligne Thierry Communal. 

Depuis le début de sa préparation pour les JO lorsqu’elle a obtenu une bourse du comité olympique en novembre 2019, l’athlète et l’entraîneur savent bien que la participation de Masomah aux épreuves est avant tout symbolique.

"Je veux montrer à tous les hommes qui pensent que le vélo ce n’est pas pour les femmes que […] toutes les femmes, de n’importe quel pays, qui veulent faire du vélo peuvent le faire, que c’est seulement une passion, que c’est notre choix de porter les vêtements que l’on veut, dans lesquels on est à l’aise", a déclaré la jeune femme dans une vidéo de l’UCI publiée mardi.


"Masomah avait un rêve qu’elle poursuit depuis plusieurs années et c’est un immense message à destination des femmes afghanes, les femmes de sa communauté mais aussi les femmes qui sont privées de liberté et de leurs droits", a, de son côté, témoigné Jean-Jacques Henri, son entraîneur à l’UCI.

Symbole de liberté des femmes

C’est ce message que la jeune femme veut porter face aux caméras du monde entier à Tokyo. Elle qui a dû quitter son pays avec sa famille et se réfugier en France en 2017 en raison des menaces des Talibans qui pesaient sur elle et ses amies cyclistes.

“C’était très difficile de sortir en vélo, en vêtements sportifs, se souvient la jeune femme. Beaucoup de personnes pensaient que ce n’était pas bien et nous arrêtaient par des menaces, des insultes et même en nous jetant des pierres”.

Selon elle, ces réactions s’expliquent par le fait que la population n’avait jamais vu des femmes à vélo. "Ils pensaient que c’était opposé à notre culture, notre religion mais ce n’est pas vrai. C’est juste que c’était étrange pour eux de voir une femme à vélo pour la première fois."

Musulmane pratiquante, Masomah glisse une fine cagoule de sport sous son casque. Un détail qui, pour son entraîneur, revêt une grande importance. "Pour moi dans cette histoire, le sport n’est pas l’essentiel. Le plus important, c’est que les femmes de son pays et des autres pays de la région voit qu’une femme qui pratique sa religion peut faire du vélo et que tout se passe bien", affirmait-il InfoMigrants en mars dernier.

Avancée des Talibans

Le sujet est d’autant plus important que les Talibans ne cessent d’étendre leur contrôle sur le territoire afghan. "Que vont devenir les femmes afghanes s’ils reprennent le pouvoir ?", s’interroge Thierry Communal.

Pour Masomah, la responsabilité de porter un tel message, a toujours été lourde. Elle l’est devenue encore un petit peu plus depuis l’annonce de sa sélection. Pour y faire face, son entraîneur lillois l’accompagne comme il peut. "Je lui dis notamment de toujours penser à son père, de tout lui faire partager." C’est lui le premier qui a défendu Masomah et sa sœur Zahra alors qu’on lui reprochait en Afghanistan de les laisser faire du vélo.

Le 9 juillet, Masomah s’envolera avec l’équipe olympique des réfugiés pour le Qatar. Ils passeront quatre jours sur place avant de rejoindre Tokyo. Thierry Communal a été convié au voyage comme les autres coachs. "Masomah s’est battue pour [être sélectionnée pour les JO], maintenant qu’elle y est, elle prend conscience de ce que cela représente."

 

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